La cité phocéenne peut s’enorgueillir d’avoir présenté, à 3 jours d’intervalle et devant un auditoire nombreux, deux ouvrages lyriques totalement différents et ce en dépit des conditions difficiles que les salles de spectacles traversent actuellement.
Ces productions n’ont pu voir le jour que grâce à la ténacité et l’ingéniosité du directeur Maurice Xiberras épaulé par des équipes techniques et artistiques efficaces. Ils permettent ainsi de proposer à leurs spectateurs des programmes aussi variés et à succès soit à l’Opéra de Marseille soit encore dans le temple de l’Opérette qu’est devenue, depuis des décennies, la salle de l’Odéon.
A quelques jours d’intervalle, les amateurs d’art lyrique marseillais se sont donc vu offrir une Walkyrie recueillant un grand succès public et médiatique et le week-end suivant une trop rare Véronique. Cela n’aurait évidemment pas déplu à André Messager, compositeur adulé d’ouvrages « légers » mais qui fût pour autant un wagnérien averti jusqu’à écrire un ouvrage intitulé Souvenir de Bayreuth sur des thèmes de Richard Wagner.
Cette édition de Véronique reprenait la production de 2017 mise en scène avec élégance par Yves Coudray mais dans une distribution presque totalement modifiée.
Disons-le d’emblée dès l’ouverture, brillamment dirigée par le maestro Bruno Membrey, on retrouve tous les charmes de cette musique de Messager et même si les instrumentistes de l’orchestre de l’Odéon sont en nombre relativement restreint cette phalange paraissait redoubler d’éclat, de souplesse et de vivacité pour rendre justice à cette musique à tort oubliée.
La scénographie ne se limite pas à de simples toiles peintes mais à de vrais « chassis construits » qui tour à tour nous transportent dans le Temple de Flore superbe boutique de fleuriste regorgeant de plantes et de fleurs chatoyantes et les astucieux décors qui se profilent que ce soit dans le magasin, puis ensuite à Romainville ou dans le petit salon des Tuileries du dernier acte offrent ainsi toutes les opportunités d’une mise en scène habile et astucieuse qui s’adapte avec bonheur aux chassés-croisés amoureux et aux renversements de situation de l’intrigue. Mais tout finit bien et le public a pour notre couple vedette Véronique/Charlotte Bonnet et Florestan/Fréderic Cornille les yeux de l’amour d’autant que les costumes de la maison Montanari sont particulièrement raffinés et que les toilettes scintillantes recréent l’ambiance adéquate d’une action située sous le règne de Louis-Philippe. Et si nos deux protagonistes semblent sortis tout droit d’un conte de fées, on ne peut que louer leur engagement vocal, leur aisance naturelle à jouer et à danser, et à faire valoir leur diction impeccable. Il en va ainsi pour la pétulante Agathe de Caroline Géa qui de son côté dessine un couple plus vrai que nature avec Coquenard interprété par un Franck Leguerinel au meilleur de sa forme. Une mention particulière pour les interventions pittoresques de Simone Burles en Ermerance qui obtient une longue ovation très méritée.
Tous les autres rôles dits « secondaires » sont impeccablement tenus que ce soit le Loustot de Carl Ghazarossian ou le Séraphin de Jean-Christophe Born dont l’interprétation comique est bien nuancée.
Le chœur Phocéen est également mis en vedette enrichissant le spectacle notamment par les interventions en solistes de certains de ses éléments féminins.
Le public qui tout au long de la représentation attendait les airs connus comme celui de l’escarpolette « Poussez, poussez l’escarpolette » ou le duo de l’âne « De-ci, de-là, cahin-caha, va chemine va trottine, le picotin te récompensera » redemande avec frénésie les reprises du final et applaudit à tout rompre tous les artistes.
Si nous devions formuler un regret en quittant la salle, ce serait celui de ce qu’un spectacle d’une telle qualité n’ait pu être enregistré et diffusé afin de témoigner que l’opérette devrait disposer d’une place significative auprès d’un large public. Encore faut-il qu’il puisse le découvrir…
Catherine Pellegrin
19 Février 2022