Le Théâtre de l’Odéon clôturait sa saison d’opérette le week-end dernier avec « La Fille du tambour-major » de Jacques Offenbach, opéra-comique assez rarement vu sur scène. L’ouvrage est créé en 1879. Le Second Empire a sombré dans la défaite de Sedan, abandonnant L’Alsace-Lorraine au tout nouveau Reich de Bismarck. Offenbach, le chantre des petits plaisirs parisiens et contempteur amusé des travers de l’empire défunt, qui avait si méchamment brocardé les traîneurs de sabre dans sa « Grande Duchesse » prend le train de la mode en marche et pond un opéra-comique, sans la complicité de ses habituels Meilhac et Halévy, dans l’air du temps ; patriotique et franchouillard. L’ouvrage contient de belles pages fort amusantes et beaucoup de haussements de menton, de « Chant du départ » et de « Ra fla fla ! » aux accents nettement revanchards. C’est la marque de fabrique de l’Odéon que d’offrir ce genre de répertoire, songeons aux petits bijoux en un acte : « Choufleuri » et autres « Ba-ta-clan » qui parsèment la saison depuis un an. Qui oserait s’en plaindre ? D’autant qu’à l’accoutumée, la production est de très bon aloi. Certes pour les décors on recycle de vieilles toiles peintes, les costumes ont un côté déjà vu. Mais Jack Gervais s’y connaît pour animer son petit monde dans un espace assez réduit. La direction musicale de Guy Condette, invité pour la première fois dans la fosse de l’Odéon, sait donner l’élan idoine aux amusants couplets de maître Jacques. On se régale d’un deuxième acte qui retrouve les accents bouffons de Gerolstein. L’Orchestre du Théâtre et le Chœur Phocéen sont à la fête.
Sur scène, on retrouve cet esprit de troupe dont nous avons si souvent vanté les mérites. La cohésion de l’ensemble l’est toujours aussi. La pétulante Jennifer Michel, caractère bien trempé et soprano de grande tenue, vous entonne ses couplets bleu-horizon, le petit doigt sur la couture du pantalon en parfaite cantinière. Caroline Géa n’est pas en reste en vivandière très populo. Kevin Amiel est très apprécié avec un ténor gracieux et de beaux aigus. Philippe Fargues apporte à Monthabor, le tambour-major du titre, toute sa franche bonhomie. Quant à Marc Scoffoni il est doté d’un magnifique baryton très clairement articulé. Pour les rôles comiques on rameute les « Usuals suspects » de la chose bouffonne. Simone Burles, évidemment en mère supérieure. Danièle Dinant joue les duchesses, ci-devant teinturière, avec un sérieux sens comique surtout quand elle a « ses migraines ». Jean-Claude Calon est un aristocrate ruiné et décati fort réjouissant et Claude Deschamps compose son petit marquis poudré et précieux avec toute la gourmandise dont on lui sait gré. Gilen Goicoechea, dans un petit rôle très bien tenu, était du récent Monsieur Beaucaire. Ajoutez à ce potage salé une pincé de Michel Delfaud et vous obtenez un met plutôt roboratif. Un plat rarement goûté et portant très goûtu. Fermez le ban !
Patrick De Maria
26 et 27 mai 2018
La Fille du tambour major
Direction musicale : Guy Condette ; mise en scène : Jack Gervais ; avec : Jennifer Michel (Stella), Marc Scoffoni (Robert), Philippe Fargues (Monthabor), Caroline Géa (Claudine), Kevin Armiel (Griolet), Danièle Dinant (Duchesse della Volta), Jean-Claude Calon (Duc della Volta), Claude Deschamps (Marquis Bambini), Simone Burles (La mère supérieure), Gilen Goicoechea (Clampas)