A moins de deux heures de distance dans la région autrichienne du Burgenland, le surintendant Alfons Haider, homme de scène et de télévision bien connu en Autriche présente son Festival JOPERA* dans deux lieux magiques qui représentent chacun un genre musical bien spécifique, l’opérette avec Sissy de Fritz Kreisler dans le Château de Tabor (près de Neuhaus am Klausenbach) et la comédie musicale Der König und ich (Le roi et moi) de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein sur la scène du Festival de Mörbisch sur le lac Neusield .
Sissy (Sissi) de Fritz Kreisler
Dans la cour du château de Tabor, situé directement dans le triangle formé par l’Autriche, la Hongrie et la Slovénie, voici donc un cadre romantique et bucolique tout trouvé pour l’opérette Sissi du célèbre violoniste Fritz Kreisler
Basée sur un livret des frères Ernst et Hubert Marischka, l’œuvre avait remporté un triomphe historique à Vienne lors de sa création en 1932, le public allant même jusqu’à entonner, à la fin de la représentation, l’hymne impérial autrichien pourtant aboli depuis douze ans…
L’opérette narre la rencontre entre Elisabeth de Wittlesbach (surnommée Sissi) et l’empereur François-Joseph en 1853, alors que ce dernier est promis à Hélène (Néné) sœur de Sissi. On connaît la suite et c’est Sissi qui deviendra impératrice d’Autriche…argument repris plus tard dans plusieurs films dont les plus célèbres avec Romy Schneider.
La mise en scène et scénographie de Stephan Grögler est ingénieuse. Le décor, déstructuré en un amoncellement de chaises enchevêtrées recouvertes en partie d’un magnifique rideau de scène, évoque les fastes de l’Opéra et par extension de la cour mais aussi la fragilité d’une vie dont l’insouciante Sissi, à l’aube des ses premiers amours, ne peut deviner la tragique destinée.
Des petites estrades permettent de situer les différents lieux de l’action, sont meublées avec goût et l’ on admire les somptueux costumes signés Anna-Sophie Lienbacher, répliques du faste de ceux que l’on imagine pouvoir rencontrer à la cour de l’empereur.
Soutenus par leur directeur musical Erich Polz, l’orchestre de la Jeune Philharmonie de Brandebourg et le chœur sous la direction de Bernhard Schneider accompagnent brillamment les solistes Valérie Luksch (Sissy) et Phillipp Laabmayr (François-Joseph) qui forment un couple glamour et séduisant non seulement par leurs physiques mais par leurs talents de comédien, de chanteur et de danseur (chorégraphie de Sabine Arthold).
Dans un même élan laudatif, nous citerons Isabel Weicken (Sophie), Oliver Huether (Max), Annette Kuhn (Ludovika), Loes Cools (Hélène/Néné), Günther Wiederschwinger (Radetzky), Christoph Gerhardus (Prinz Thurn et Taxis), Peter Kratochwil (Campine), Stefanie Gygax (Ilona Varady) et Markus Störk (Petzelsberger).
Une mention particulière pour le talentueux violoniste hongrois Piotr Plawner interprétant un Fritz Kreisler omniprésent, personnage intégré dans l’intrigue et la ponctuant des interprétations de ses mélodies à succès.
Très gros succès d’un public conquis par la beauté de la région et du spectacle d’ailleurs diffusé sur une chaine autrichienne.
https://www.operaonvideo.com/sissy-kreisler-jennersdorf-2022-luksch-laabmayr-huether/
*https://www.schlosstabor.at/
En prévision pour 2023 : La Belle Hélène de J. Offenbach (3 au 15 août 2023)
Der König und ich (Le Roi et moi) de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein
Cette comédie musicale créée au St.James Theatre de Broadway en 1951 et ayant obtenu quatre Tony Awards en 1952 est adaptée du roman de Margaret Landon, Anna et le roi (1944). Basé sur une histoire vraie, il reprend les mémoires écrites par l’Anglaise Anna Leonowens, gouvernante à la cour de Siam (actuelle Thaïlande) et professeur des enfants du roi Mongkut (Rama IV) de 1862 à 1867.
La pièce avec les mélodies de Rodgers et Hammerstein a non seulement connu un grand succès à Broadway, mais ses adaptations dont celles notamment avec Yul Brynner sont devenues de véritables légendes, internationalement connues du public.
Sur la scène du Seefestspiele de Mörbisch* nous sommes loin de l’intimité des 800 places du château de Tabor. En effet, chaque soir, plus de 6000 spectateurs se pressent pour découvrir l’opulente mise en scène et les décors hollywoodiens déployés sur le lac.
Avec son temple doré de 34 mètres de haut et sa scène tournante au centre, le décorateur Walter Vogelweider crée un monde enchanteur de contes de fées à l’asiatique et installe la plus haute construction érigée sur cette scène depuis l’histoire du Festival tout en permettant pas moins de 23 changements scéniques soulevant l’enthousiasme des spectateurs.
Les costumes somptueux d’Ales Valasek et de Charles Quiggin sont un véritable régal pour les yeux et comme le souligne le surintendant Alfons Haider : « La production de Mörbisch sera la plus grande représentation théâtrale du Roi et moi au monde à ce jour. La cour royale de Siam sera construite sur 3600 mètres carrés de scène. Environ 100 artistes et 100 personnes en coulisses apporteront la plus belle histoire d’amour asiatique sur la scène maritime de Morbisch. … »
Le spectacle séduit à plusieurs niveaux, d’abord on retrouve ses mélodies magiques sous la direction entraînante et dynamique du chef Michael Schnack (à la tête de l’orchestre et des chœurs du Seefestspiele Mörbisch). Ensuite et surtout avec sa direction d’acteurs, le réalisateur Simon Eichenberger assure non seulement l’alternance de nombreux moments humoristiques autant qu’émouvants mais dirige en outre toute cette équipe de manière précise plongeant le spectateur dans un rêve oriental. Milica Jovanovic en Anna convainc et impressionne par son aplomb et son rôle de professeur à la cour, et nous fait rêver par ses chants ou ses mousseuses robes à crinoline surdimensionnées, tourbillonnant sur toute l’étendue de la scène aux bras du roi. Ce dernier, interprété par Kok-Hwa Lie, dont l’arrogance et les exigences pour sa cour et ses nombreux enfants seront ébranlés par le choc culturel et son rapprochement avec Anna, enchaîne avec brio comédie et chant.
Autour d’eux, citons parmi la nombreuse troupe Leah Delos Santos (Lady Thiang), Robin Yujoong Kim (Lun Thua), Marides Lazo (Tuptim) et Vincent Bueno (Prince Chulalongkorn) sans oublier la prestation du jeune Samuel Wegleiter dans le rôle de Louis. Dans cette ambiance grandiose, on assiste tout simplement à une succession d’émerveillements scénographiques, de chorégraphies (Alonso Barros), d’ acrobaties et de musiques qui restent imprégnées dans nos mémoires.
La féerie finale des jeux d’eaux, remplaçant le traditionnel feu d’artifice, émerveille un public encore tout ému par la mort du Roi et le retour d’Anna au Palais.
Deux festivals différents certes, mais unanimement salués par un public nombreux.
extrait : https://youtu.be/qNuLZYXvp94
*En prévision pour 2023 Mamma Mia ! (ABBA/ Benny Andersson and Björn Ulvaeus) (13 juillet au 19 août 2023)
www.seefestspiele-moerbisch.at
Marie-Catherine Pellegrin-Guigues
14 et 15 août 2022