María, merci beaucoup de m’accorder cet entretien pour le site français « Résonances lyriques ». Ma toute première question sera la suivante : avez-vous eu des mentors ou des enseignants qui vous ont inspirée ?
Oui, bien sûr, je dirais que dès que j’ai commencé le violon, il y a eu des gens qui m’ont inspirée. Oïstrakh ou Jascha Heifetz, par exemple, qui étaient mes premiers modèles. Et puis, au cours de ma carrière, j’ai rencontré des enseignants, des chefs d’orchestre, des orchestres. Je pense que tout le monde m’apporte quelque chose. Je suis une personne très ouverte à tout ce que l’on peut apprendre. Et dernièrement, bien sûr, mon professeur à Vienne, Boris Kuschnir, a été déterminant dans ma sonorité et dans ma recherche d’une manière de jouer très personnelle.
Si le violon était un personnage de roman, quel serait-il ? Et comment le décririez-vous ?
Je dirais que la première fois que j’ai entendu cet instrument, j’ai eu l’impression qu’il avait de nombreux visages différents. Comme des gens avec beaucoup de facettes ; d’un côté il peut être très chaleureux, très doux et très tendre, mais de l’autre, il peut aussi être très sauvage. Donc je dirais quelqu’un avec beaucoup de tempérament !
Je sais que vous êtes également compositrice. Si vous deviez composer une œuvre pour violon qui représente le mieux votre jeune vie, quel serait le titre de cette pièce ?
Eh bien, le titre, ce serait difficile à choisir, je pense, car bien sûr les pièces que j’ai écrites dépendent de leur contenu, donc le titre vient normalement en dernier. Mais oui, je dirais « très personnel et très unique », ce serait peut-être le titre. Je sens que chaque modeste expérience que j’ai eue m’a apporté quelque chose et m’a fait devenir la personne que je suis maintenant.
Et si vous pouviez partager la scène avec un musicien, vivant ou décédé, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Eh bien, j’aurais adoré rencontrer Maria Callas, bien sûr. Cela aurait été très inspirant. Mais il y a aussi beaucoup de jeunes chefs et des chefs d’orchestre encore vivants avec qui j’aimerais jouer. J’ai eu l’immense plaisir de jouer sous la direction d’Herbert Blomstedt il y a quelques mois, ce fut comme un rêve devenu réalité.
Une légende, n’est-ce pas ?
Une légende, c’est certain !
Et quel est votre plus grand défi pour les prochaines années ? Je veux dire, le répertoire ou ce que vous voulez choisir ? Ce sera ma dernière question.
D’accord. J’ai très envie d’interpréter en public des œuvres qui n’ont pas encore été très jouées, comme celles qui se trouvent dans mon dernier album. Il y a donc des pièces qui ne sont pas aussi connues, mais je pense que c’est très important pour le public et aussi pour les orchestres d’avoir un répertoire différent qui est peu joué. Par exemple, je jouerai le Concerto pour violon de Halvorsen dans quelques mois, qui est un petit bijou méconnu de la musique. C’est un très beau concerto. Et aussi de la musique moderne comme le Concerto pour violon écrit pour moi par Gabriela Ortiz. Donc, je vais essayer de les proposer au public autant que je le peux. Et puis, mon défi serait de juste rendre les gens heureux avec ma musique. Tel serait mon principal objectif, je dirais.
María, merci beaucoup : je pense que votre objectif est totalement atteint avec le concert que nous avons eu le plaisir d’entendre avec vous ce soir1 ! Merci.
Philippe Rosset
8 septembre 2023
María Dueñas joue sur des instruments de Nicolò Gagliano de 1734 et de Guarneri del Gesù « Muntz » de 1736, tous deux prêtés par la Deutsche Stiftung Musikleben et la Nippon Music Foundation, respectivement. De plus, en tant que gagnante du Concours Menuhin 2021, Jonathan Moulds lui prête un Stradivarius de sa collection privée.
1 Voir notre article : https://resonances-lyriques.org/festival-sibelius-orchestre-symphonique-de-la-radio-suedoise-sibelius-hall-sibelius/
Calendrier de María Dueñas : https://www.mariaduenasviolin.com/en/calendar