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Marie des Poules, gouvernante chez George Sand au Théâtre de Nice / Forum Nice-Nord

Marie des Poules, gouvernante chez George Sand au Théâtre de Nice / Forum Nice-Nord

vendredi 1 avril 2022
Béatrice Agenin et Arnaud Denis ©  Fabienne Rappeneau

C’est par Marie des Poules, gouvernante chez George Sand que le Théâtre National de Nice a terminé au Forum Nice-Nord l’une de ses délocalisations avant de prendre des attaches plus pérennes au Théâtre des Franciscains à partir du 26 Avril ou à la nouvelle scène éphémère La Cuisine le 20 mai, en attendant la construction du nouveau site dédié. 
Auréolée de deux « Molière » en 2020, celui du théâtre privé et celui de la meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre privé attribué à Béatrice Agenin, la pièce de Gérard Savoisien nous fait découvrir cette histoire dont la réalité dépasse parfois la fiction. Nombre de spectateurs découvrent à cette occasion l’histoire de la véritable Marie Caillaud qui fut engagée en 1851 par George Sand alors qu’elle n’était qu’une toute jeune paysanne berrichonne et que George Sand va élever au rang de gouvernante jusqu’à ce que ce destin incroyable ne s’achève lorsque la romancière découvre les amours ancillaires de Marie avec son fils Maurice, baron Dudevant mais qui gardait le pseudonyme de Sand.
La pièce de Gérard Savoisien retrace l’arrivée de Marie au chateau et son intégration, son parcours, dirigée par celle que l’on surnomme la bonne dame de Nohant. Renommée Marie des Poules, dont elle s’occupait, pour la différencier de Marie, la cuisinière, George Sand, lui apprend à lire et à écrire, l’intègre rapidement aux spectacles qu’elle donnait, en faisant une comédienne remarquée.
Dotée d’une finesse d’intelligence et d’une mémoire prodigieuse, Marie, instruite par sa maîtresse, ne tardera pas à participer aux soirées et à se mêler aux conversations de ses illustres invités jusqu’à ce que la relation avec Maurice soit découverte. Lorsqu’on apprend que Marie vient de donner naissance à une petite fille Marie-Lucie, alors que l’épouse légitime de Maurice vient à peine d’accoucher, Marie sera chassée avec sa fille du domicile de ses maîtres sans un geste de la part de Maurice, pourtant amoureux d’elle et qui cédera aux volontés de sa mère.
Cet amour sacrifié aux convenances sociales de l’époque est pourtant un paradoxe dans l’attitude de George Sand envers Marie alors que ce sont deux femmes qui aspirent toutes les deux à un même idéal d’indépendance et de combat de préjugés.
Gérard Savoisin propose un texte à la fois fort, sensible, drôle, émaillé de l’accent berrichon de la jeune Marie qui peu à peu s’élève dans la société tout en perdant cet accent qu’elle retrouvera peu à peu lorsqu’elle sera abandonnée par Maurice, comme une réminiscence de sa condition initiale.
Le décor de Catherine Bluwal nous propose un retour dans l’enfance de Marie avec un petit théâtre de marionnettes suggéré par une réplique du château de Nohant derrière lequel se jouera le spectacle des marionnettes, marionnettes chères à Maurice dont la deuxième passion était les papillons. Ces figurines manipulées par les comédiens eux-mêmes raconteront en filigrane le destin de cette Marie que l’on découvre au théâtre plusieurs siècles après. La mise en scène de Arnaud Denis qui joue également le rôle de Maurice Sand, est tout en finesse, en élégance, en justesse comme son jeu malgré ce versant odieux qu”il incarne à la perfection et que le spectateur se prend à détester face à l’exceptionnelle incarnation innocente de Marie/Béatrice Agenin.
Sociétaire de la Comédie-Française, on rappelle qu’on retrouve également dans son parcours une longue carrière d’actrice au cinéma, à la télévision et bien entendu dans tous les rôles du théâtre classique. Metteuse en scène de ses propres productions théâtrales, surtout connue pour ses rôles aux côtés d’Annie Duperey dans Une famille formidable, electrisante dans La Dame de chez MaxiM et exceptionnelle et lumineuse partenaire de Jean-Paul Belmondo dans Cyrano ou Kean.
Criante de réalité lorsqu’elle est, Marie vieillissante, attablée au coin d’une petite table de bar revenant sur sa triste histoire, femme désabusée qui en deux mèches de cheveux et un tablier, en une identification confondante de réalisme, se présente à 11 ans devant George Sand, parlant son patois berrichon comme si les propres racines ancestrales de Beatrice Agenin magnifiait son personnage. En une voilette et un chignon, là voilà George Sand femme mûre, et en une prouesse d’une virtuosité déroutante, elle nous présente la leçon de lecture alternant comme par magie les deux protagonistes féminines du récit. Il est difficile de pouvoir décrire la subtilité du jeu, l’investissement et surtout l’authenticité de chacun de ces personnages et on ne peut qu’être admiratif de cet exploit théâtral et scénique qui heureusement fut couronné par un Molière, consacrant la carrière de cette comédienne exemplaire et réhabilitant par la même occasion l’oubliée Marie Caillaud. Pourtant cette dernière avait partagé l’intimité de sa bienfaitrice, était devenue une grande actrice de la scène locale, et avait côtoyé les invités prestigieux de la Dame de Nohant, comme le prince Jérôme Napoléon, Alexandre Dumas, Eugène Delacroix ou Théophile Gautier ….
Un spectacle saisissant, du grand théâtre dans tous les sens nobles du terme, qui soulève l’enthousiasme des spectateurs en une longue et débordante standing ovation.

Catherine Pellegrin

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