LA COLLECTION
Londres découvrait cette pièce en un acte en 1962, Paris en septembre 1965 au théâtre Hébertot dans une adaptation française d’Eric Kahane, mise en scène par Claude Régy.
Une reprise parisienne en 2000 réunissait Brigitte Fossey, Jean-Pierre Cassel et Thierry Fortineau au théâtre de Chaillot mis en scène par Patrice Kerbrat.
Le spectacle, couplé en même temps que L’amant fit grand bruit par la modernité du sujet, sa forme originale – non sans rappeler Beckett ou Pirandello – et de surcroît magnifiquement servi par un quatuor d’acteurs exceptionnels : Delphine Seyrig,Michel Bouquet, Jean Rochefort et Bernard Fresson.
C’est au tour aujourd’hui d’Olivier Cadiot de nous offrir une nouvelle traduction, subtile et cinglante à souhaits de l’ouvrage que Ludovic Lagarde a soigneusement mis en scène.
Ce dernier définit avec justesse le texte qui distille le poison du mensonge ; que désirent réellement ces deux couples ? ont-ils une double vie ?..
Pinter nous embarque sur des pistes ou chacun désirera réaliser ses fantasmes : jalousies, tromperies réelles ou inventées, le malaise qui les enveloppe gagnera peu à peu le spectateur pour le perdre encore davantage.
Nous ne pouvons qu’être fascinés ou déroutés par ces jeux de l’esprit, cette partition musicale ne laisse cependant jamais indifférent.
Un journaliste de l’époque parlait de “régal d’agacement”… c’est bien aussi notre ressenti 60 ans après !
Les interprètes choisis sont d’une grande justesse: Valérie Dashwood mariée à Laurent Poitrenaux l ‘a-t-elle trompé avec Micha Lescot censé être en couple avec Mathieu Amalric ?
Tous évoluent dans un espace scénique évoquant tour à tour une résidence bourgeoise d’une banlieue chic de Londres ou une chambre d’ hôtel. Aurons-nous la clé de l’énigme à la fin de la représentation ?
Un petit indice à vous donner : Pinter n’est pas Agatha Christie, donc…
L’AMANT :
Présentée maintenant au cours de représentations bien distinctes (eh bien oui, il vous faudra repayer une seconde place), cette très courte pièce met en situation un couple qui ne nous semblera pas inconnu si l’on a vu La Collection avant celle-ci ; Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux, épatants comédiens, évoluent dans ce (presque) même décor à un canapé près.
L’équipe artistique demeure évidemment la même.
Un nouveau jeu de rôle va nous être proposé : le mari prendra les traits de l’amant, la femme deviendra une prostituée cliente régulière de ce dernier.
Rêve ou fantasmes, nous voici de nouveau perdus dans la narration.
Le huis clos tout d’abord cocasse bascule ensuite dans l’angoisse et dans le doute : mais qui manipule qui ?
Une fois de plus vous le saurez (peut-être) en allant les applaudir.
Pinter demeure convoité par les nombreux artistes qui se sont succédé sur les scènes, tant en France qu’à l’étranger depuis plus d’un demi-siècle, tous soucieux de mettre cet étonnant auteur à leur répertoire .
Citons au passage Françoise Fabian, Pierre Brasseur, Emmanuelle Riva, Jacques Dufilho, Robert Hirsch, Carole Bouquet, Roschdy Zem, Léa Drucker, Marie Trintignant et tant d’autres.
Un rendez-vous avec ce brillant dramaturge ne se refuse jamais ; il nous bouscule, nous interroge, nous dérange, mais n’est-ce pas un des cadeaux que le théâtre peut nous offrir, contribuant ainsi à sublimer notre quotidien ?
Les mots ne servent pas à dire la vérité mais à la cacher. (Harold Pinter)
Philippe Pocidalo
9 juin 2023.
https://www.theatre-atelier.com/
Du 3 au 25 juin 2023
Du mardi au samedi à 19h
Le dimanche à 15h