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Il Trovatore au Festival Verdi de Parme, dans la nouvelle production de Davide Livermore

Il Trovatore au Festival Verdi de Parme, dans la nouvelle production de Davide Livermore

jeudi 5 octobre 2023
© Roberto Ricci
Davide Livermore est devenu en quelques années un incontournable du spectacle d’opéra, particulièrement en Italie, et même encore plus particulièrement à La Scala de Milan où il a réglé consécutivement les spectacles d’ouverture des quatre dernières saisons… fait unique dans l’histoire de La Scala ! Le réalisateur italien monte à présent une nouvelle production d’Il Trovatore au Festival Verdi de Parme, avec ses habituelles équipes de réalisation et en coproduction avec le Teatro Comunale de Bologne. Comme pour le dernier Macbeth d’ouverture à La Scala, on y retrouve la très forte présence des vidéos conçues et mises au point par D-Wok, société spécialisée en multimédia. Il est alors difficile pour le regard d’échapper aux images qui s’animent en fond de plateau, reflétées par des miroirs sur les deux parois latérales. Ces images, parfois figuratives mais plus évanescentes à d’autres moments, sont toutes techniquement irréprochables, mais plus ou moins réussies et en accord avec les tableaux de l’opéra de Verdi. 

Le rideau s’ouvre d’abord sur une sorte de lugubre no man’s land, des pneus jetés autour d’une ossature de profilés métalliques à la manière d’un petit derrick et au loin la silhouette d’une ville et d’attractions de fête foraine. Des particules rouges partent comme d’un volcan, pour tomber dans la mer, ceci sous un astre menaçant. Le ciel est nuageux, puis il commence à neiger – ou tomber de la cendre selon l’interprétation de chacun –, les images se transformant en fumées, eau, vagues ou feu, selon différentes couleurs et intensités lumineuses. Tout ceci captive l’œil, mais devient rapidement un peu passe-partout, pouvant s’appliquer sans difficultés à d’autres nombreux titres du répertoire lyrique. Les attractions et chapiteau vus au loin se révèlent être le camp des gitans Azucena et Manrico, dans une ambiance très circassienne avec jongleurs, acrobates et un cracheur de feu. Au deuxième acte, des tribunes sont installées en cercle sur le plateau tournant et se mettent en rotation, tandis que le jeu d’acteurs paraît très convenu. On préfère certains tableaux qui suivent, comme celui où Luna et ses hommes au III se tiennent sous un pont autoroutier à côté d’une carcasse de voiture déglinguée, ou celui où Leonora au IV, est devant un bâtiment monumental d’esthétique de l’ex-bloc de l’Est, ou encore plus tard le sinistre intérieur de ce bâtiment (le donjon du livret) où sont emprisonnés Manrico et Azucena. L’évocation des jours heureux au camp est alors facilitée par la vidéo, en projetant des images du chapiteau du cirque.

La partie féminine de la distribution vocale domine et, en premier lieu, l’Azucena de Clémentine Margaine. La mezzo française est aujourd’hui au sommet de son art, disposant d’un timbre séduisant qui peut exprimer tout aussi bien la tendre compassion que la fureur déchaînée. Les graves sont particulièrement profonds et le registre aigu est parfois projeté avec une puissance insolente, le tout formant une interprétation qui restera durablement dans notre souvenir. Le timbre de Francesca Dotto en Leonora ne charme pas d’emblée, s’exprimant avec une légère pointe de métal et un registre grave régulièrement discret pour ses notes les plus basses. Mais la soprano gagne bien vite les cœurs, d’abord par sa remarquable musicalité, la variation des nuances entre forte et piano, ainsi qu’une facilité certaine pour atteindre les notes suraigües. Son « D'amor sull'ali rosee » du IV est ainsi déroulé sur une délicate ligne aérienne, la chanteuse faisant preuve aussi d’abattage dans la partie plus agitée qui suit.

Le ténor Riccardo Massi assure sans problème la partie de Manrico. L’instrument est plutôt obscur, lui conférant une robuste assise dans le registre grave. Les aigus sont aussi projetés correctement, mais sans grandes variations – y compris au cours des deux couplets de son grand air « Di quella pira » – et en prenant régulièrement plusieurs notes par-dessous. Distribué en Luna, le baryton Franco Vassallo montre une belle autorité dans l’accent et est capable d’enfler quelques aigus qui donnent un côté spectaculaire à sa prestation. Ceci équilibrant les moments où la ligne vocale semble sujette à de petits relâchements d’intonation, le chanteur distillant également plusieurs sons fixes moins élégants. Remplaçant Marco Spotti malade, Riccardo Fassi est suffisamment solide et bien chantant en Ferrando, tandis que la voix de Carmela Lopez en Ines est prometteuse.

L’orchestre et les chœurs du Teatro Comunale de Bologna, maison coproductrice du spectacle qui y sera repris en février 2024, montrent une très belle forme, musiciens techniquement très au point et choristes justes et sonores. Le chef Francesco Ivan Ciampa dirige avec générosité, par séquences cependant avec une tendance à couvrir les voix des protagonistes, par exemple dès le trio du premier acte entre Luna, Manrico et Leonora. On regrette aussi le recours un peu trop fréquent aux rythmes lents, voire particulièrement lents, suivis d’accélérations dont le systématisme finit par agacer légèrement. Le chef se maintient tout de même constamment au service du plateau, terminant la représentation dans de très belles et justes nuances au cours du dernier duo entre Azucena et Manrico. 

Irma FOLETTI

Il Trovatore, opéra de Giuseppe Verdi
Parma, Teatro Regio le 5 octobre 2023

Direction musicale : Francesco Ivan Ciampa
Mise en scène : Davide Livermore
Collaboration à la mise en scène : Carlo Sciaccaluga
Décors : Giò Forma
Costumes : Anna Verde
Vidéos : D-Wok
Lumières : Antonio Castro
Chef des chœurs : Gea Garatti Ansini
Orchestre et Chœurs du Teatro Comunale de Bologna

Le comte de Luna : Franco Vassallo 
Leonora : Francesca Dotto
Azucena : Clémentine Margaine
Manrico : Riccardo Massi
Ferrando : Riccardo Fassi 
Ines : Carmela Lopez
Ruiz : Didier Pieri
Un messager : Enrico Picinni Leopardi
Un vieux gitan : Sandro Pucci

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