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Funny Girl au Théâtre Marigny Paris

Funny Girl au Théâtre Marigny Paris

samedi 25 janvier 2020
Christina Bianco et Ashley Day / Photo Julien Benhamou

Le charme fou de Funny Girl… C’est donc avec l’une de ces « poussières d’étoile » de l’Age d’or de Broadway, Funny Girl, que Jean-Luc Choplin, nouveau capitaine d’Industrie du Théâtre Marigny, avait décidé d’ouvrir sa deuxième saison. Et, comme pour Guys and Dolls l’an dernier, il faut d’emblée saluer le flair de ce directeur, décidément bien inspiré, d’avoir choisi une œuvre particulièrement marquante du répertoire du théâtre musical américain.
Sans pouvoir retracer, dans cette simple chronique, l’aventure d’un show qui fit se rencontrer la vie de Fanny Brice (1891-1951) -l’une des Ziegfeld Girls les plus populaires dans l’Amérique du début du XXème siècle et de l’entre deux-guerres- et celle de Barbra Streisand, nouvelle « entertainer » qui l’incarna sur scène (1964) puis à l’écran (1968), il est sans doute nécessaire de revenir sur le véritable « miracle » que constitua la création de Funny Girl, tant les conditions de sa genèse furent régulièrement inquiétées. Des refus de scénario de la véritable Fanny à son gendre Ray Stark, producteur hollywoodien qui voulait absolument faire un film musical sur la vie de son illustre belle-mère, aux vicissitudes de la malheureuse Isobel Lennart, scénariste de renom qui, épuisée par les changements incessants imposés par les uns et les autres pendant les répétitions (et par ceux de Streisand en particulier…), ne pensa plus qu’à retourner sur la côte Ouest, dès le lendemain de l’Ouverture du spectacle à Broadway, Funny Girl a cristallisé tous les ingrédients pour faire un flop parfait ! Ce furent également les défections en cascade de l’équipe réunie autour de l’illustre producteur David Merrick qui entachèrent longtemps le projet, puisqu’après le départ du parolier Stephen Sondheim et des chorégraphes Jerome Robbins puis Bob Fosse, ce fut au tour de certains des acteurs pressentis de faire faux bond : même après la première du 24 mars 1964- pourtant un succès- les relations entre Barbra Streisand et Sydney Chaplin (fils de Charlie Chaplin) sont si tendues que l’acteur principal finira par quitter le spectacle !
Et pourtant, on le sait, la rencontre entre la partition magnifique de Jule Styne (1905-1994) et celle qui finalement va décrocher le rôle, Barbra Streisand, constituera l’un des grands moments de l’histoire du théâtre musical américain, la même année qu’ Hello, Dolly ! et Un Violon sur le toit.
Dès notre arrivée devant la façade du théâtre Marigny, ornée d’un magnifique néon clignotant au nom du show du soir, puis en revoyant la célèbre affiche « renversante » de la création, signée du talentueux graphiste William Gold (mort en 2018), on se retrouve plongé dans cette atmosphère excitante et indéfinissable, faite d’urbanité cosmopolite et de couleurs psychédéliques qui souvent sont la marque des grands shows de Broadway !
Conformément à l’adage bien connu : « On ne change pas une équipe qui gagne ! », Jean-Luc Choplin a donc confié mise en scène et chorégraphie à Stephen Mear et décors et costumes à Peter McKintosh, tous deux artisans du succès de Guys and Dolls, en 2019.
Comme il se doit dans ce genre de spectacle, les changements de décor s’enchaînent à un rythme fou et conduisent le spectateur avec un égal bonheur du Lower East Side de New-York où a grandit Fanny Brice aux célèbres Ziegfeld Follies où elle va trouver ses quartiers, en passant par le quai d’une gare ou l’intérieur d’un manoir de Long Island.
Peter McKintosh suggère particulièrement bien dans sa scénographie l’industrialisation de la « Grosse Pomme » par un enchevêtrement de de poutrelles métalliques tandis que les quelques 150 costumes (dont 15 uniquement pour le personnage de Fanny !) nous plongent avec délectation dans la mode Edwardienne puis, un moment, dans celle des Années Folles. A travers ces costumes, comme le précise le scénographe dans le programme de salle, c’est l’histoire du Temps qui passe et qui embellit qu’il nous est donnée de voir sur scène.
La troupe réunie et dirigée par le chef James McKeon (à la tête de l’orchestre désormais affilié au théâtre) est excellente : certes, on se plairait parfois à voir plus de danseuses pour les scènes chez Ziegfeld mais les dimensions de Marigny sont ce qu’elles sont et il faut savoir s’adapter, ce qui est fait et bien fait (en particulier dans le numéro glamour « His Love Makes Me Beautiful » célébrant, non sans humour, « La » femme américaine et dans le « Tap Dance » à la Busby Berkeley de « Rat-Tat-Tat-Tat »). En outre, du gandin Nick Arnstein – conjoint de Fanny dans la réalité et incarné à l’écran par Omar Sharif- ici confié à un Ashley Day de belle prestance et de couleur vocale barytonante, à la Mrs Brice, touchante, amusante et dansante de Rachel Stanley, en passant par les incontournables Shirley Jameson (Mrs Strakosh) et Matthew Jeans (Eddie Ryan), par ailleurs excellent danseur, c’est un travail d’ensemble qu’il convient de saluer. 
Mais rien, dans ce « biopic » en musique, ne serait possible sans une extra-ordinaire actrice-chanteuse pour entrer dans la peau de l’émouvante silhouette de Fanny Brice. En découvrant, dès sa première apparition, ce petit gabarit de Christina Bianco, on  pressent très vite que l’on est face à une très grande et ce sentiment ne nous quittera plus tout au long des interventions parlées et des numéros chantés, taillés sur mesure pour sa créatrice par Jule Styne et Bob Merrill (pour les lyrics).
Le lecteur curieux pourra aller vérifier par lui-même les nombreuses vidéos postées par cette fantastique « entertainer » sur Smooth Radio où elle s’adonne pour notre plus grand plaisir aux imitations des grandes icônes de la pop et du monde du théâtre musical américain.
(https://www.youtube.com/watch?v=VtwgSRTL6tA).

Dans Funny Girl, Christina Bianco ne cherche jamais à imiter Miss Streisand mais nous fait profiter de sa connaissance totale de ce monde de l’entertainment dont elle constitue l’une des plus brillantes héritières qu’il nous ait été donné de voir sur scène à ce jour. En en discutant avec elle à l’issue du spectacle, on ressent tout l’amour qui est le sien pour des personnalités telles que Bernadette Peters ou Bette Midler auxquelles on pense évidemment souvent, à la fois par sa présence scénique, si juste et allant immédiatement droit au cœur sans avoir besoin d’en faire des tonnes, et par ce punch vocal qui vous met « knock out » quand l’organe s’élève dans le groove et le swing exceptionnels de chansons immortelles telles que « I’m The Greatest Star », « Don’t Rain on My Parade » et, bien sûr, « People » !
Alors, oui, comme le chante Fanny Brice, qui y a toujours cru : « Hey, Mr. Ziegfeld, Here I Am » !!! 
A Marigny, ce soir, nous aussi nous étions heureux de savoir que le monde des grandes stars de Broadway n’était pas qu’une poussière d’étoile.

Hervé Casini
25 janvier 2020

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