Ces deux artistes se sont découverts sur scène et ont entamé une collaboration des plus fructueuses car l’alliance de leur timbre est idéale et parfaite.
La soprano américaine Lisette Oropesa possède une voix d’une étonnante variété de couleurs. La colorature adore autant la musique française qu’elle prononce à merveille, que le bel canto italien dont elle souligne l’émotion discrète tout en maîtrisant la virtuosité telle une instrumentiste… il est vrai qu’avant le chant, elle apprit la flûte.
De son côté, le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim est salué pour ses interprétations de rôles du répertoire lyrique italien et français. Il triompha à Bastille à Paris et au Met à New York dans le rôle de Roméo de Roméo et Juliette de Charles Gounod, Hoffmann dans Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, Werther dans Werther de Jules Massenet… La presse parle d’une voix « flamboyante » qui se glisse dans les rôles et maîtrise à perfection les émotions ». Voilà un duo comme il en existe peu sur la scène internationale.
Pour cette soirée exceptionnelle, ils sont accompagnés par l’Orchestre de l’Académie du Théâtre de La Scala de Milano, placé sous la direction du chef italien, dont la réputation n’est plus à faire, Marco Armiliato.
La soirée proposait un programme des plus alléchants en deux parties, italienne pour la première et française pour la seconde, offrant autant d’occasions de solos de duos, dans les différents caractères pleinement déployés par les deux artistes qui ont joué aussi bien le jeu de l’amour et de l’humour.
Après l’ouverture de la Force du destin de Verdi, où les cuivres et les percussions se sont enflammés, Benjamin Bernheim arrive sur scène, une bouteille de vin à la main, pour interpréter de façon exquise, le duo Nemorino/Addina de l’Elixir d’amour de Donizetti. Puis, il propose ensuite un « Recondita armonia » extrait de La Tosca de Puccini, d’une parfaite beauté lyrique et tellement solaire. Une mention particulière pour les effets des vents et des cordes, dont le prodigieux violoncelle solo d’Andréa Cavalazzi dans le prélude des Masnadieri opéra méconnu et peu joué de Verdi, annoncé dans le programme comme « una sinfonia » qui en a en effet, toutes les qualités. Toujours des Masnadieri c’est au tour de Lisette Oropesa de chanter l’air d’Amalia « Tu del mio Carlo al seno ». Elle y déploie un legato de toute beauté et une cabalette bien emportée, qui mettent en lumière la souplesse de son chant. Le duo « Duc de Mantoue/Gilda » conclut avec bonheur cette première partie. Familier du rôle, Benjamin Bernheim se montre particulièrement à l’aise, de même que Lisette Oropesa nous offre des couleurs et des nuances rares.
La seconde partie, dédiée à l’opéra français s’ouvre avec le duo de Romeo et Juliette de Gounod « Ange adorable ». Benjamin Bernheim qui a triomphé récemment au Met à New York, est le « Roméo » de sa génération. Son interprétation raffinée, l’élégance de sa ligne de chant et sa superbe diction nous ont enchantés. A ses côtés, Lisette Oropesa incarne une Juliette idéale à la fois fragile et déterminée. Son chant et son timbre lumineux se prête, merveilleusement à la jeunesse du personnage.
Dans l’air « Je ris de me voir si belle en ce miroir » extrait du Faust de Gounod, la soprano américaine se montre excellente, loin de toute démonstration vocale exagérée. Quelle diction parfaite !!!
« La romance de Nadir » des Pêcheurs de Perles de Bizet, est abordée par Bernheim « mezza-voce » avant de finir dans un crescendo époustouflant. Son interprétation a été saluée par une ovation spectaculaire bien méritée.
Lisette Oropesa dans un extrait de Robert le Diable de Meyerbeer « Robert toi que j’aime » impressionne par son interprétation émouvante et si nuancée.
La seconde partie très captivante s’achève en beauté avec la grande scène de Saint-Sulpice extraite de Manon de Jules Massenet. Bernheim chante l’air « Ah fuyez douce image » vocalement irréprochable, mais manque un peu de fougue amoureuse. Oropesa, en revanche, est une Manon enflammée, amoureuse, séductrice à souhait, très convaincante dans sa robe rouge (un peu trop fendue !!!!).
Le public enthousiaste, sous le charme des deux interprètes exceptionnels de cette soirée, demande un bis. Il est comblé avec le duo de la Bohême de Puccini, « O soave fanciulla » d’une grande beauté et qui s’achève avec un contre-ut final.
Au pupitre, Marco Armiliato est un chef de premier choix, tant sa direction précise respecte le style de chaque compositeur. Un immense bravo à l’Orchestre de l’Académie du Théâtre de la Scala de Milan, constitué majoritairement de jeunes musiciens bien solides et très habités par la musique.
Un dernier bis « Addio, addio » de Rigoletto de Verdi vient conclure définitivement, sous forme d’adieu au public, cette soirée exceptionnelle qui a atteint la perfection.
Le public était aux anges !!! Qui ne le serait pas ???
Marie-Thérèse Werling
28 avril 2024