Un hommage au cinéma et à la chanson. Au cinéma éternel, celui des grands classiques (Les enfants du paradis, Hôtel du Nord, Le quai des brumes, Le mépris, Un homme et une femme, La grande vadrouille, Cyrano de Bergerac… et bien d’autres chefs-d’œuvres) mais aussi aux chansons de films, à ces refrains qui demeurent, de génération en génération, dans la mémoire collective. Bref, au cinéma que l’on aime et que l’on admire…
Ciné Guinguette, c’est la rencontre inattendue de Suzette une ouvreuse de cinéma (dans son jardin secret elle cultive un rêve : celui de devenir vedette) et d’Ignace un plombier zingueur passionné de salles obscures… Séance après séance, la gloire et les sunlights la hantent tandis qu’elle vend ses bonbons, caramels et chocolats… Lui peut passer pour un amateur invétéré d’écrans, de pellicules , mais en fait c’est de l’ouvreuse qu’il est tombé amoureux raide dingue ! Aussi c’est tous les soirs qu’il assiste, pour la énième fois au même film. Il essaie de lui faire part de ses sentiments mais elle feint de ne pas comprendre et refuse ses avances malgré tout ce qu’il met en œuvre pour essayer de la séduire.
Alors il décide de passer dans un autre monde celui des chimeres et des illusions : pour tenter de la conquérir, il entend la mettre en scène. C’est ainsi que l’un et l’autre prennent le public par la main pour l’emporter de l’autre côté de l’écran. Ils traversent la toile pour y revivre, à leur manière, les plus belles scènes d’amour et d’engueulades du cinéma français. Il y a naturellement l’émoi du timide Baptiste Deburau devant Garance, la femme libre (des Enfants du paradis de Marcel Carné, l’absolu chef-d’œuvre), l’attrait irrésistible de Marius pour ces lointaines Îles Sous-le-Vent et l’incrédulité de la touchante Fanny (par le génial Marcel Pagnol de la trilogie marseillaise), la mythique « gueule d’atmosphère » d’Arletty dans Hôtel du Nord de Marcel Carné mais aussi les scènes au vitriol de Georges Lautner avec les dialogues étincelants signés Michel Audiard. Le temps d’une séance, on redécouvre Pierre Brasseur, Gabin, Mistinguett… on rit avec Fernandel tout en écoutant la verve colorée des dialogues de Jacques Prévert.
Un voyage entre théâtre et musique, entre burlesque et poésie, entre drame et amour, en suivant le fil onirique de cette retro romance qui nous ballade et où comédie, chant et danse se mêlent en une superbe performance !
Car cet original périple dans le monde du 7e art est merveilleusement écrit et remarquablement interprété et le rythme qui lui est imprimé dès le début est toujours soutenu. Il n’y a ni répit, ni relâchement et tout s’enchaîne sans le moindre blanc ni temps mort. Et c’est à cela que l’on reconnaît un vrai spectacle de qualité professionnelle. On sait qu’il a été retravaillé, remanié et amoureusement peaufiné au fil de nombre de représentations pour parvenir à atteindre à cette sorte de perfection. Et comme on se régale on trouve le spectacle trop court et on souhaiterait qu’il dure bien plus longtemps pour prolonger ces indicibles moments de bonheur et de poésie ! Une vraie réussite et un grand moment empli de tant de joies.
Nicolas Carré dont on connaît depuis si longtemps le talent et Sophie Chiara(1) exceptionnelle comédienne qui joue avec tellement d’élégance forment un couple détonnant qui possède une large palette interprétative sachant passer du rire à l’émotion du charme à la tendresse. Lui met à profit ses dons comiques et l’aisance à se glisser dans la peau d’artistes emblématiques (Fernandel, Brel, Bourvil etc.) Elle sait en outre très joliment chanter avec un timbre agréable, une voix aisée dans tous les registres, une justesse parfaite et d’indéniables qualités de musicienne. Et puis il y a Serge Salacroup alias Barnabé non seulement en vrai complice du couple mais encore en musicien de talent (et concepteur des créations sonores) qui les accompagne au piano avec une virtuosité et une précision d’orfèvre. De longs bravos ont accueilli les trois artistes et cet enthousiasme était parfaitement mérité.
Dans le cadre des Estivales du Conseil départemental Ciné Guinguette sera représenté le 27 juillet à 21h à Cantaron, le 29 juillet à 21h à Saint Blaise et le 30 juillet à 21h à Saint Etienne de Tinée. Courrez-y !…
Christian Jarniat
27 mai 2023
(1) Qui avait mis en scène avec beaucoup de maîtrise Fernandel écrit par Miran et représenté dans ce même théâtre.
Ciné Guinguette :
Auteur : Sophie Chiara
Aide à la dramaturgie : Stéphane Eichenholc
Direction artistique : Christian Guerin de la Compagnie Jacques Biagini
Scénographie : Yves Guérut
Conception graphique :
Daphné Desjardin
Création vidéo : Anastasia Cassandra
Costumes : Isabelle Bourgeais
Production : Mademoiselle et Cie