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Love Letters d’ Albert Ramsdell Gurney au Théâtre National de Nice

Love Letters d’ Albert Ramsdell Gurney au Théâtre National de Nice

mardi 16 mai 2023
© Théâtre National de Nice

Love Letters, pièce d’Albert Ramsdell Gurney, a été créée en 1988 à la New York Public Library et interprétée par l’auteur lui-même avec Holland Taylor (qui fit une carrière significative au cinéma). Nombre d’artistes célèbres contribuèrent au succès de cette œuvre parmi lesquels : Charlton Heston, Liza Minnelli, Mel Gibson, Sigourney Weaver, Alain Delon, Anouk Aimée, Gérard Depardieu, Mylène Demongeot, Jean Louis Trintignant …
Dans une traduction française d’Alexia Périmony elle a été proposée au Théâtre National de Nice dans une mise en scène de Muriel Mayette-Holtz. La première représentation a eu lieu en présence du maire de Nice, Monsieur Christian Estrosi et de son épouse.

Pendant près de cinquante années Melissa Gardner et Andrew Makepeace Ladd vont s’écrire évoquant leurs espoirs et leurs ambitions, leurs rêves et leurs déceptions, leurs victoires et leurs défaites sans quasiment jamais se rencontrer. Melissa et Andrew se sont ainsi aimés de loin, par correspondance, sans jamais pouvoir être ensemble. Au fil de leurs échanges transparaîssent l’amitié souriante de l’enfance, la passion adolescente, la complexité des sentiments mêlée aux espoirs et désillusions de l’âge adulte. Leur relation épistolaire à la fois drôle autant qu’exaltée est d’une réalité bouleversante.

Sur le plateau de la salle des Franciscains est dressé un immense écran en fond de scène sur toute la largeur de celle-ci. Les comédiens, assis à cour et jardin sur des chaises devant une petite table carrée de verre, lisent les lettres ou les cartes qu’ils ont reçues l’un et l’autre dans l’ordre chronologique de leur vie. Andrew et Mélissa échangent tout d’abord leurs souvenirs d’enfance. Ils se sont croisés en classe et se remémorent ces années d’internat et de collège émaillées de fêtes d’anniversaire et de camps d’été, cette époque douce et complice de leur « paradis perdu ». Pourtant leurs caractères les opposent : autant Andrew est sobre dans sa manière de s’exprimer comme de réagir autant Mélissa est une jeune fille très extravertie, volubile et qui n’hésite pas par moments à adopter un langage assez cru. Andrew aime écrire et Mélissa beaucoup moins « Au secours, j’aime pas écrire ! »… Puis adolescents, ils sont entrés dans la vie étudiante. Elle a vu ses parents divorcer et se rappelle des fêtes de Noël. Lui parle de ses exploits sportifs. Elle évoque le remariage de son père, les deux demi-sœurs issues de leur nouveau couple. Perturbée de ne plus avoir de famille Melissa perd le goût de parler de l’État dans lequel elle vit : la Californie. La jalousie parfois s’installe eu égard à leurs flirts respectifs. Par moments, face à la prolixité de Melissa, Andrew se recroqueville et ne répond plus. Des rendez-vous sont certes à plusieurs reprises envisagés, mais en vain. Toutefois les lettres qu’ils s’échangent, parviennent à leur construire une sorte de vie commune qui ne n’accomplit jamais. Lui entre dans la marine, elle part au ski. Ils plaisantent « Les hommes doivent coucher avec des filles de couleur avant d’aimer des filles blondes ». Andrew entretient en effet, une relation avec une petite japonaise à laquelle il parait tenir, tandis que Mélissa épouse un certain Darwin dont elle a deux filles. Lui entre à l’université d’Harvard, gravit l’échelle sociale et devient assesseur à la Cour Suprême. Tous ces échanges sont ponctués par une série de séquences qui marquent chacune des années, Andrew sort désormais avec Jane, il devient l’un des membres d’un célèbre cabinet d’avocat mais Melissa est à la clinique pour se détacher d’une dépendance à l’alcool. Elle est dans la déprime. Elle a divorcé et son mari a obtenu la garde des enfants. Andrew lui conseille de continuer à peindre et Mélissa se remarie. Andrew devient une star du barreau tandis qu’elle ne peut plus voir ses filles. Andrew s’adonne maintenant à la politique dans le parti républicain. Les échanges continuent, elle l’invite à son vernissage, lui a désormais deux enfants et envisage de se présenter au sénat. Désormais, Mélissa vit seule à New-York. Elle lui écrit « Je ne suis qu’une alcoolique cynique et dévergondée ». Chacun veut essayer de retrouver les sentiments scellés dès leur enfance mais ils ne parviennent jamais à se rencontrer. « Le passé est une pente qu’on ne remonte jamais ». Melissa désespère : « Andy, on ne pourrait pas se voir ?… Tu es tout ce qu’il me reste », en fait, ils n’arrivent jamais à se retrouver. Elle insiste mais il lui oppose des élections qui s’approchent et qu’il va remporter. Elle répond « Il faut que l’on se parle et que l’on se voit » « Cela me terrifie, pourtant ça peut marcher ». Finalement, elle et Andrew s’impliquent dans une brève liaison, mais il est vraiment trop tard pour tous les deux. Cependant Andrew poursuit son ascension sociale. Leurs échanges sont toujours rythmés à l’occasion des « Joyeux Noël » qu’ils s’envoient. Ce Noël qui revient de manière recurrente (avec carte postale ornée de boules et guirlandes projetés sur l’écran) tel un leitmotiv de leurs correspondances. Elle dit qu’elle a tout foutu en l’air, qu’elle va sombrer dans la folie et que c’est un gâchis épouvantable…
Finalement Mélissa meurt, Andrew est désespéré « Je ne sais pas comment je vais pouvoir vivre sans elle et ne plus avoir de ses nouvelles, m’effraie ». Ces deux âmes sœurs se donnaient l’une à l’autre au fil des ans, physiquement séparées, peut-être, mais spirituellement aussi proches que seuls les vrais amants peuvent l’être. Tandis que la lumière descend progressivement, défilent des photos de chacun d’eux depuis leur petite enfance jusqu’à ce jour. 

Deux monstres sacrés sont réunis pour faire revivre cet échange romantique et poignant : Jean Sorel alternant d’une voix grave sobriété, humour et tendresse et Brigitte Fossey en contrepoint exprimant avec son timbre de voix haut perché sa fragilité, ses déchirures, sa desespérance, son amour. Une émotion profonde que tous deux, admirablement portés en outre par la mise en scène de Muriel Mayette-Holtz, parviennent à faire partager avec conviction et bonheur aux spectateurs.

Christian Jarniat
Le 16 mai 2023

Lumière : Pascal Noël Musique : Cyril Giroux Conception décor et costumes : Muriel Mayette-Holtz Production Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte   

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