Lors de sa prise de fonctions en qualité de Directrice du Théâtre National de Nice, Muriel Mayette-Holtz avait eu l’heureuse idée de donner rendez-vous, à termes réguliers, dans la salle Pierre Brasseur, à de célèbres comédiens du théâtre et du cinéma pour des « Conversations intimes » sous forme d’interviews par l’excellente journaliste Catherine Ceylac, qui s’est fait connaître du grand public par son émission « Thé ou café » qu’elle a animée sur France 2 pendant plus de 20 ans. La série d’entretiens avaient commencé avec Jacques Weber – lequel avait présidé, en son temps, aux destinées du Théâtre National de Nice – puis avec Carole Bouquet dont ont connaît l’éloquente carrière au cinéma. Malheureusement le confinement avait interrompu cette série et ce n’est que dans le cadre de la nouvelle saison 2020-2021 que cette formule particulièrement attrayante a pu reprendre son cours. C’est donc en ce lundi 12 octobre, devant un public nombreux, que le TNN accueillait Ariane Ascaride. On sait que cette actrice marseillaise a tourné une vingtaine de films, notamment sous la direction de son mari, Robert Guédiguian, et qu’elle fut révélée en 1997 par Marius et Jeannette qui lui valut le César de la meilleure actrice. Elle a partagé sa carrière entre le cinéma, le théâtre et la télévision, recevant de nombreuses récompenses, notamment trois nouveaux César en 2003, 2005 et 2012 puis plus récemment, en 2019, à la Mostra de Venise, la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour le film Gloria Mundi réalisé par Robert Guédiguian.
Ariane Ascaride a tout d’abord rendu un hommage vibrant à ses professeurs au Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris, Antoine Vitez et Marcel Bluwal, sous la direction duquel elle est apparue à plusieurs reprises dans des dramatiques à la télévision. Elle a manifesté avec beaucoup d’émotion sa passion profonde pour le théâtre, « lieu ouvert à tous » et « espace magique éphémère d’un soir » contrairement au cinéma. Née à Naples, elle a également célébré la mer et tout particulièrement la Méditerranée « immense berceau de culture depuis la Grèce antique ». Après que deux comédiens de la troupe du TNN (Pauline Huriet et Augustin Bouchacourt) aient joué un extrait du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, elle a souligné combien le métier de comédien était un « sacerdoce qui impliquait que l’on apprenne jusqu’à la fin de sa vie » et qu’on ne pouvait pas le faire sans se mettre en danger tel un funambule en équilibre sur son fil. Pour elle il s’agit plus d’incarner et de servir des personnages que de les interpréter, « cet art étant aussi fondamental que de manger ou de boire ». Elle a aussi déclaré son amour pour la musique, langage universel par excellence, propre à toucher tous les publics. Comme en écho à ce propos on a pu entendre, dans un mouvement de la sonatE Clair de Lune de Beethoven, la très jeune pianiste (14 ans), Stella Almondo, (élève d’Amédée Briggen au Conservatoire à Rayonnement Régional de Nice dirigé par Thierry Muller) récipiendaire de nombreux prix qui s’est produite récemment à Monte-Carlo avant un prochain concert à Cannes et un nouveau passage dans l’émission « Prodiges ». Ensuite, Ariane Ascaride s’est livrée à un irrésistible numéro en distillant, avec un humour consommé, le texte de la chanson de Juliette Greco « Déshabillez-moi » sous diverses formes d’expression telles que la colère, la sensualité ou encore avec l’accent marseillais ce qui déchaîna naturellement l’hilarité du public. Les spectateurs, interrogés par Catherine Ceylac à la fin de cette passionnante rencontre, ont été unanimes pour exprimer leur plaisir d’avoir partagé ce délicieux moment en compagnie de la comédienne avec laquelle ils ont été en profonde empathie. Son charme, sa sensibilité, son esprit de résistance, son mélange de force et de fragilité ainsi que sa bienveillance avaient fait que chacun des spectateurs aurait souhaité avoir Ariane Ascaride pour amie.
Christian Jarniat.
