Le concert Wagner-Strauss du Philharmonique de Monte-Carlo a été marqué par la présence de deux personnalités, la grande contralto Marie-Nicole Lemieux et le chef d’orchestre Eliahu Inbal : Lemieux et le maitre !
Eliahu Inbal est, à 83 ans, l’un des doyens des grands chefs du monde. Il ne fait pas son âge . L’énergie, l’ardeur, la vigueur sont là. Et aussi l’efficacité, la maîtrise.
Dans son interprétation de la Symphonie Domestique, il a mieux fait que domestiquer l’orchestre. Il l’a stimulé, exalté, survolté. Et le Philharmonique lui a répondu avec un allant, une flamme, un brio magnifiques.
La Symphonie Domestique de Richard Strauss est une œuvre étonnante. Le compositeur y évoque vingt quatre heures de sa vie familiale avec sa femme Pauline et son fils Franz. Ça a des côtés impudiques. De nos jours, au lieu de composer une symphonie, il aurait participé à une émission de télé réalité ! Pour traiter ce sujet, il ne s’est pas contenté de réunir une formation de musique de chambre mais a convoqué un orchestre aussi important que Wagner pour évoquer la vie de ses dieux au Walhalla. C’est surréaliste !
Mais, trêve d’ironie, le résultat musical tel que nous l’ont livré Eliahu Inbal et le Philharmonique de Monte-Carlo fut fastueux.
Au même concert chantait, donc Marie-Nicole Lemieux.
Cette contralto a fait vibrer la corde grave et sensible des Wesendonck lieder – ces chants vibrants de passion que Wagner a composés par amour pour Mathilde Wesendonck sur des poèmes écrits par elle. Tout Wagner est là. Au gré des phrases, on croit entendre la Walkyrie, Lohengrin ou Tristan. Marie-Nicole Lemieux a chanté avec une admirable musicalité. Elle a porté son chant à incandescence dans le « Traume » (« rêve ») final. Cette Canadienne qui entre en scène avec des mimiques malicieuses et des clins d’oeil coquins sait en un instant prendre une voix et un physique de tragédienne. C’est une artiste ! Monaco l’entendra encore dans un récital de mélodies sur des poèmes de Goethe et de Baudelaire le 1er. mars prochain. Histoire de prolonger le « Traume » (le « rêve »)…
André PEYREGNE
12 janvier 2020
