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REQUIEM DE VERDI au Festival de Salzbourg

REQUIEM DE VERDI au Festival de Salzbourg

mardi 13 août 2019
Requiem de Verdi-Photo Marco Borrelli

Le 22 mai 1874 le Théâtre de la Scala de Milan faisait représenter en l’église San Marco une messe de Requiem composée par Giuseppe Verdi à la mémoire du poète Alessandro Manzoni, son ami cher, mort l’année précédente et qui s’était engagé comme lui au sein du Risorgimento pour l’unité italienne dans un idéal de justice et d’humanité.

De nombreux enregistrements ont été réalisés de cette œuvre, notamment celui paru en vidéo sous le label DG en 1967 avec Leontyne Price, Fiorenza Cossotto, Luciano Pavarotti, Nicolai Ghiaurov avec l’orchestre et le chœur de la Scala de Milan sous la baguette d’Herbert Von Karajan. C’est au demeurant pour honorer l’illustre maître que le festival de Salzbourg, en ce mois de juillet, avait mis à l’affiche, pour trois dates, ce que Hans Von Bülow considérait ironiquement comme « un opéra en robe d’ecclésiastique ». Trois ans plus tôt, en décembre 1871, Verdi avait fait représenter « Aïda » et on retrouve dans cette messe de Requiem la même ampleur et le même lyrisme que dans la théâtrale épopée opposant égyptiens et éthiopiens présentée au Caire à l’occasion de l’inauguration du Canal de Suez. Dire que Salzbourg a conservé son statut de plus important et plus célèbre festival du monde est un euphémisme. Les distributions d’opéras, comme celles des concerts, sont absolument prestigieuses comme ici où sont réunis, pour la circonstance, un orchestre, un chœur et des solistes qui font partie du gotha musical et vocal international. Le Wiener Philharmoniker, autrement dit l’Orchestre Philharmonique de Vienne, est à lui seul un sommet et ne peut rivaliser qu’avec une autre formation : l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Tous les instrumentistes sont d’extraordinaires musiciens qui font preuve d’une musicalité et d’une virtuosité exceptionnelles. On reste confondu à les entendre (mais aussi à les voir) en se laissant éblouir par la stupéfiante vélocité d’exécution des cordes comme la précision des autres pupitres. Tout est à un niveau aussi fantastique que fascinant et l’on doit tresser les mêmes éloges au chœur de l’Opéra de Vienne. Là encore, en écoutant chacune des catégories de voix, on se dit que beaucoup de ces interprètes pourraient être de véritables protagonistes dans des productions scéniques de premier plan tant est superbe ce que l’on discerne en termes de timbres, d’émission et de nuances. Il faut dire que le maître d’œuvre de ce Requiem est l’impérial Riccardo Muti que tous les mélomanes vénèrent comme étant l’un des derniers grands de cette race seigneuriale des « maestri concertatore » dans la lignée des Tullio Serafin, Victor de Sabata , Carlo Maria Giulini et bien entendu de l’illustre Karajan. Des chefs qui savaient non seulement transcender l’orchestre mais encore porter au plus haut niveau de ferveur les voix des solistes. Nous ne pouvions que songer, à l’écoute de ce Requiem, à celui auquel nous avions eu le bonheur d’assister en 1978 dans le lieu même où il fut créé, c’est-à-dire en l’église San Marco de Milan, et qui réunissait Luciano Pavarotti, Nicolai Ghiaurov, Shirley Verrett (rempaçant au pied levé Mirella Freni) et Elena Obratzova sous la baguette de Claudio Abbado avec l’orchestre et le chœur du Théâtre de la Scala.

Riccardo Muti déchaîne dans le « Tuba mirum » des tempêtes impressionnantes de cuivres (avec trompettes dans la salle) et de percussions dignes de l’apocalypse, puis parvient à obtenir des pianissimi éthérés avec des chœurs qui chantent comme des anges. Le sens et la mise en œuvre des contrastes dynamiques et des clairs-obscurs sont évidemment primordiales dans cette œuvre qui exige néanmoins du chef une lecture d’une constante homogénéité qui est le propre même de la vision inspirée de Muti. Le quatuor vocal est également au sommet de son art avec un Francesco Meli qui met son timbre solaire de ténor au service d’un « Ingemisco » d’une beauté irradiante, se hissant au niveau d’un Pavarotti ou d’un Bergonzi dans une pureté belcantiste comme l’on atteint rarement. Élégiaque et maîtrisant également l’art de la mezza voce, la soprano bulgare Krassimira Stoyanova est tout aussi admirable, faisant preuve d’une remarquable science technique lors du « Libera me ». Ildar Abdrazakov fait valoir son impressionnante voix de basse des grands jours, tandis qu’Anita Rachvelishvili (qui nous avait enthousiasmés à l’occasion du « Samson et Dalila » voici quelques mois lors de la fête nationale monégasque au Grimaldi Forum) déploie de somptueux moyens qui semblent sans limites avec un timbre soyeux de mezzo soprano qui se moire à merveille avec des sonorités de bronze dans une somptueuse palette de couleurs.

Tout ceci est absolument stupéfiant et d’une beauté rare qui tire les larmes des yeux. Bien sûr on reviendra au propos initial pour dire que Verdi en l’occurrence s’est employé à édifier un impressionnant opéra d’une heure quarante plutôt qu’une œuvre religieuse, mais il a ainsi satisfait les amateurs de musique symphonique et les passionnés de l’art lyrique. Le triomphe attendu de cette inoubliable et grandiose fresque musicale s’est traduit par de nombreux rappels salués par de longues et chaleureuses acclamations.

Christian Jarniat
13 août 2019

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