Pour terminer la saison, le Festspielhaus de Baden-Baden propose traditionnellement un gala à la fin du mois de juin. Cette année, c’est avec enthousiasme et plaisir que la direction du prestigieux théâtre badois a invité, pour l’occasion, la soprano bulgare Sonya Yoncheva.
La célèbre cantatrice très appréciée par les mélomanes du Festspielhaus, est actuellement considérée comme la meilleure Violetta de La Traviata, l’une des plus grandes sopranos en tous cas. Ce qui la distingue de nombre de ses consœurs, c’est sa tessiture exceptionnelle. Elle chante aussi bien Haendel que Mozart, Bellini ou Verdi, car selon ses dires, elle se glisse dans des rôles féminins intéressants.
Ce soir, elle enrichit ce Gala Yoncheva d’airs de « Verismo », cet art lyrique tardif, très mélodique qui vient d’Italie et réclame « une grande voix ». Ce courant musical est associé à des compositeurs tels que Mascagni, Leoncavallo, Giordano, Cilea et Puccini ; Massenet peut s’y rattacher sous certains aspects.
En première partie, Sonya Yoncheva apparait, telle une vestale, vêtue d’une magnifique robe bleu azur, aérienne. Après la « Méditation de Thaïs » de Jules Massenet, c’est le ténor italien Giovanni Sala, son partenaire de cette soirée, qui chante « C’est Thaïs, l’idole fragile ». Dans l’air célèbre de cet opéra de Massenet, : « Je suis seule…dis-moi que je suis belle », la soprano bulgare offre une magnifique interprétation. Elle est Thaïs, totalement habitée par son rôle, et oui, elle est belle !!!
Après l’intermezzo symphonique de l’acte II de l’opéra Le Villi de Puccini suivent trois airs de La Bohème. Le ténor Giovanni Sala, avec une voix lumineuse, idéale pour interpréter Rodolfo, chante « Che gelida manina » avec beaucoup de conviction. Sonya Yoncheva est une Mimi idéale et tellement juvénile dans « Si, mi chiamano Mimi… ». La première partie s’achève avec le duo Mimi/Rodolfo « O soave fanciulla » moment de bonheur, de plaisir et d’émotion à écouter les deux solistes.
Après la pause, vêtue d’une somptueuse robe rouge aux épaules dégagées, cheveux dénoués, Sonya Yoncheva enchante le public avec un extrait de La Bohème, mais celle de Leoncavallo. Sublime !! Cet aria est suivi de l’air de Stephana de l’acte I de Siberia opéra si peu joué, mais combien magnifique d’Umberto Giordano. Suit pour notre plus grand plaisir, un extrait du 3e acte de La Traviata de Verdi, « Parigi, o cara », duo d’Alfredo et Violetta. Giovanni Sala est un Alfredo très convaincant vocalement avec toujours cette voix lumineuse et colorée. La fin de la seconde partie est entièrement consacrée à Puccini. Après l’intermezzo de Manon Lescaut, superbement et lyriquement interprété par la Philharmonie de Baden-Baden, la diva nous offre l’air de Manon du 4e acte « Sola, perduta, abbandonata…» dans une interprétation intense en émotion.
La Philharmonie de Baden-Baden, très en forme ce soir est dirigée par le chef bulgare Nayden Todorov, toujours très attentif et respectueux à l’égard des deux solistes, mais combien heureux de les diriger, ce qui se voit et se ressent !!! Nayden Todorov est également ministre de la culture bulgare.
Mais la soirée ne se termine pas sans les rappels : bien sûr le « Brindisi » de La Traviata de Verdi, bien chanté par Giovanni Sala et Sonya Yoncheva et pour finir le « O mio babbino caro » de Gianni Schicchi de Puccini, en grande complicité avec le chef, pour qui cet air « O mon petit papa chéri » semblait destiné !!!
De longs et chaleureux applaudissements saluent les artistes.
Une belle soirée chaleureuse et colorée pour clôturer une saison fantastique au Festspielhaus de Baden-Baden, en attendant de retrouver Sonya Yoncheva fin août dans Tosca de Puccini, aux côtés d’Erwin Schrott et Riccardo Massi.
Marie-Thérèse Werling
3 juin 2023
