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NUIT RUSSE AUX CHOREGIES D’ORANGE

NUIT RUSSE AUX CHOREGIES D’ORANGE

dimanche 8 juillet 2018
Photo Philippe Gromelle
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Une semaine jour pour jour avant une certaine finale de Coupe du Monde à Moscou, l’initiative de Jean-Louis Grinda, nouveau maître des cérémonies à Orange, d’un concert entièrement dédié à la musique russe des XIX-XXème s était tout à fait bienvenue !

Il n’était certes guère très étonnant que le directeur d’une maison telle que l’Opéra de Monte-Carlo, à la tradition musicale russe si importante, souhaite consacrer toute une soirée, devant le mur d’Auguste, à ce genre si particulier et si émouvant.

Pendant plus de deux heures, le public, très vite conquis et enthousiaste, a donc eu droit, de Glinka (noblesse oblige) à Rachmaninov et Khatchatourian en passant bien évidemment par Tchaïkovski et les plus célèbres membres du « groupe des Cinq » (Moussorgski, Borodine et Rimsky-Korsakov), à un florilège des plus belles pages lyriques, orchestrales et chorales donné par la crème de la jeune génération des artistes russes d’aujourd’hui.

On n’a plus à vanter les qualités de musiciens et d’interprètes dramatiques de ces « résidents » des théâtres Bolchoï (Moscou), Mariinski et Mikhaïlovski (St Pétersbourg) mais aussi de Kiev (Opéra National) dont certains, réunis pour ce concert, font déjà les beaux soirs de nombreux théâtres de l’hexagone ; mais quelle belle initiative que de les réunir pour la première fois aux Chorégies, devant un public qui, ces dernières années, a souvent eu l’habitude d’entendre les mêmes chanteurs et qui les découvrait avec bonheur !

Dès l’ouverture de Rousslan et Ludmila (1842), opéra de Glinka qui fait entrer la musique russe dans la modernité, on sent que Mikhaïl Tatarnikov-jeune directeur musical du théâtre Mikhaïlovski au pédigrée international déjà impressionnant !- va savoir obtenir de l’orchestre philharmonique de Radio France-entendu 3 jours auparavant dans Mefistofele– à la fois le brillant, la puissance et l’émotion dévastatrice qui font de ce répertoire l’un des plus beaux de la musique européenne.

On est ainsi pas prêt d’oublier une bouleversante exécution de l’adagio du ballet Spartacus d’Aram Khatchatourian (1903-1978) ni l’environnement que parvient à
créer le chef dès les premiers accords des magnifiques Danses polovtsiennes du Prince Igor (1890) qui déclenchent évidemment un triomphe à l’applaudimètre !

L’apport des chœurs dans l’Opéra russe est essentiel, au point que l’on a coutume de dire qu’ils constituent, dans nombre d’ouvrages, un personnage à part entière : parfaitement préparés par Stefano Visconti qui, comme c’était déjà le cas pour Mefistofele, coordonne les forces vocales des Opéras d’Avignon, de Nice et de Monte-Carlo, les chœurs contribuent pour une part importante au triomphe de cette soirée, en particulier dans Le Prince Igor et dans la scène finale de Iolanta (1892) de Tchaïkovski.

Le principal intérêt des artistes lyriques réunis ce soir-là par Jean-Louis Grinda réside dans le fait que, sans exception, ils font bien plus que venir sur l’immense scène du théâtre antique pour chanter leur air ou leur duo et retourner en coulisses en attendant leur prochain passage mais qu’ils vivent profondément cette musique : cela nous permet d’assister à des moments rares, parmi lesquels on citera d’emblée l’air de Lenski, extrait d’Eugène Onéguine, totalement incarné par Bogdan Volkov, l’un des jeunes ténors les plus prometteurs de sa génération, une brillante interprétation de l’hymne au Soleil de la reine de Chemakha dans Le Coq d’Or (1909) par la jeune colorature Olga Poudova- qui saura également émouvoir en deuxième partie de soirée avec l’une des plus belles mélodies de Rachmaninov, l’opus 21 n°7- puis un duo final d’Eugène Onéguine survolté et déchirant, par Oksana Dyka, soprano dramatique aux moyens impressionnants, que l’on a déjà souvent eu l’occasion d’entendre, et Boris Pinkhasovitch, baryton à la personnalité dramatique étonnante, qui a constitué pour nous la révélation de la soirée. On se gardera d’oublier dans le registre des voix graves, la basse Vitalij Kowaljow, particulièrement applaudi dans l’air célèbre du Prince Grémine d’Eugène Onéguine et les deux mezzos Ekaterina Goubanova -elle aussi consacrée par les plus grandes scènes mondiales- absolument irrésistible dans un extrait des Chants et danses de la mort de Moussorgski puis dans la chanson de Lioubacha de La fiancée du tsar (1899) de Rimski-Korsakov et Ekaterina Sergueïva, déjà formidable wagnérienne et bientôt Carmen à Genève, qui enthousiasme- aux côtés de Bogdan Volkov- dans le duo enivrant du Prince Igor.

Après un final impressionnant de Iolanta, permettant à tous les interprètes et aux choeurs de se retrouver sur scène, l’un des moments de grâce viendra avec l’unique bis d’une soirée décidément enthousiasmante, Podmoskovnye vechera (Les nuits de Moscou), l’une des chansons les plus émouvantes du répertoire populaire russe.
On se plait à croire que le filon d’autres « Nuits » thématiques continuera, pour les prochains étés, à être entretenu…et que, surtout, on entendra encore l’Opéra russe dans ces nouvelles Chorégies !

Hervé Casini
8 juillet 2018

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