Logo-Resonances-Lyriques
Menu
Nuit espagnole aux chorégies d’orange

Nuit espagnole aux chorégies d’orange

samedi 6 juillet 2019
 Placido Domingo / Photo Philippe Gromelle

Ouverture du 150e anniversaire des Chorégies d’Orange sous le signe de la Zarzuela ; VIVA ESPANÃ et…PLACIDO !
Encouragé par le succès de la formule inaugurée l’été dernier avec la ” Nuit Russe “, à l’occasion de ses premières Chorégies, Jean-Louis Grinda a eu l’excellente idée d’ouvrir les festivités du 150e anniversaire de l’illustre manifestation vauclusienne par une soirée entièrement consacrée à la zarzuela. Et pour que la fête soit placée sous les auspices les plus favorables, c’est à Placido Domingo qu’il a demandé d’en être l’invité d’honneur !

Se rapprochant de l’opéra-comique voire, par certains volets, de l’opérette ou même de la comédie musicale, la zarzuela connaît dans la péninsule ibérique son âge d’or à la fin du XIXe et au début du XXe s avec des compositeurs tels que Tomàs Bretón (1850-1923), célébré par Saint-Saëns, Federico Moreno Torroba (1891-1982), auteur de la célèbre « Luisa Fernanda » (1932) ou encore Pablo Sorozábal, compositeur de ” No puede ser “, illustre standard de la « Tabernera del puerto » (1935).

Pendant plus d’1h 40, pour notre plus grand bonheur, se succèdent donc devant le Mur, transformé pour l’occasion en taverne à l’ambiance “caliente” et aux couleurs bigarrées ou en loge de torero, airs, duos mais aussi pages orchestrales et ballets de quelques-uns des plus beaux joyaux du genre.
Tandis que des projections de paysages bucoliques brûlés par le soleil, monuments baroques, marines et autres arènes de Séville contribuent à plonger l’auditeur dans des ambiances sonores et esthétiques tour à tour légères mais également plus dramatiques, les trois interprètes réunis pour cette soirée de fête apparaissent très vite comme idéaux :
Bien connue des circuits internationaux de l’art lyrique, la soprano portoricaine Ana María Martínez gagne le cœur d’un public qu’elle découvre, avec un timbre soyeux et moiré, idéal en particulier dans El dúo de « La Africana » ou dans « La Leyenda del Beso » : style, nuances et belles envolées, tout y est !
C’est également le cas du ténor andalou Ismaël Jordi, lui aussi familier des chefs d’œuvre de Donizetti et Verdi mais également interprète, en 2006, du « Chanteur de Mexico » pour la réouverture du Châtelet : doté de belles “mezze di voce” et portant fièrement le costume (presque intégral !) de torero, sa voix chaleureuse gagne des gradins bien remplis, en particulier dans « El Gato Montés, » donnant presque envie de se mettre à danser le célèbre pasodoble extrait de ce chef-d’oeuvre de Manuel Penella !
Mais c’est bien sûr pour le ” vieux lion ” Placido que le public s’est déplacé ce soir : au risque de redire des mots déjà largement usités par la critique internationale, force est à nouveau de constater qu’à 78 ans (en est-on d’ailleurs si certain… ?), Domingo n’a pas l’intention de faire de la figuration et est bien décidé à prendre toute sa part du festin ! En voix de baryton (?), la casquette prolétarienne rivée sur la tête à l’occasion, soulignant ainsi au passage l’influence des bas-quartiers de Madrid sur la zarzuela, mais, avant tout, avec l’accent fiévreux et si racé qui a toujours était le sien dans ce type de répertoire*, l’illustre chanteur mexicain brille encore au firmament et émeut par ce timbre immédiatement reconnaissable, son art des nuances, ses graves magnifiques : alors, tant pis si -comparé à lui-même – les aigus sont souvent moins sonores, l’endurance et, dans certains titres, certaines fulgurances sont bel et bien encore au rendez-vous : on n’est ainsi pas près d’oublier son “No puede ser ” ou son ” Madrileña bonita “, tout comme sa parfaite sensibilité artistique où, en tenue sombre et avec pour seul accessoire, un tabouret de bar, il se laisse aller à une véritable chorégraphie avec l’une des danseuses de flamenco de la compagnie Gades.

On aurait garde d’oublier un orchestre Philharmonique de Monte-Carlo chauffé à blanc et aux couleurs capiteuses, placé sous la direction d’ Oliver Díaz, qui débutait pour l’occasion au théâtre antique (l’intermedio du « Goyescas » de Granados et l’extrait du « Tricorne » de De Falla constituant de brillantes exceptions au genre à l’honneur ce soir) et la compagnie Antonio Gades qui, dans des chorégraphies à la fois classiques et techniquement impeccables, aux couleurs chatoyantes, achève de magnifier une esthétique exigeante que l’on aurait intérêt à davantage programmer dans les maisons françaises d’opéra !

Avec une telle Nuit, les Chorégies commencent sous le signe du Cœur, et cela fait du bien !

*Nous renvoyons, avec intérêt pour la comparaison, nos lecteurs à l’album RCA-Sony Classical « Zarzuela Arias and Duets », enregistré par P. Domingo et Pilar Lorengar en août 1983 au Festival de Salzbourg

Hervé Casini

6 juillet 2019

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.