Logo-Resonances-Lyriques
Menu
Maman au Théâtre Anthéa Antibes

Maman au Théâtre Anthéa Antibes

vendredi 18 novembre 2022
© Claude Gassian

Sur le trottoir dans la vitrine de chez « Maman », boutique de vêtements de grossesse, clignote un petit sapin (on est à la veille des fêtes de Noël). Jeanne, emmitouflée dans son manteau de fourrure, fait les cent pas. Un jeune homme l’aborde et lui demande : « combien ? ». Dommage qu’elle ne soit pas une  « putain » ! C’est peut-être ce que tous les deux pensent à cet instant… Mais non, Jeanne a fini sa journée dans le magasin et elle attend le taxi qui va la ramener chez elle où Bernard, son mari, aura peut-être préparé le dîner.

La pièce est écrite par Samuel Benchetrit et c’est sa femme, Vanessa Paradis, qui (pour sa première apparition au théâtre) incarne Jeanne. Histoire d’un couple à la dérive ou tout au moins en crise (de la cinquantaine) ancré dans des habitudes et au sein duquel un certain mutisme a fini par s’installer (« J’ai appris à vivre sans toi ») borné en sus par la lassitude lancinante de certaines contingences matérielles. Le dialogue s’est tari au sein du couple. Pourtant ce soir là Jeanne s’empresse de narrer à Bernard la rencontre qu’elle vient de faire. Elle pourrait s’en amuser mais on la sent troublée. Elle déclare alors vouloir retrouver ce jeune homme pour l’adopter. « Il t’a pris pour une pute et tu veux qu’on l’adopte ? ». Mais Jeanne plaide la cause du jeune homme paumé qui l’a abordée : « C’est un sans famille à l’approche de Noël » qui a été de foyers en familles d’accueil et même en prison… bref, un « seul au monde » sans parents (qui l’ont abandonné à sa naissance). Jeanne est en irrépressible besoin d’enfant pour donner un sens à sa vie et l’opportunité qui se présente est un signe du destin. Elle finit par convaincre Bernard de retrouver cet inconnu de 25 ans…l’âge de l’enfant qu’elle aurait pu avoir.

Bien sûr c’est d’abord une comédie. On rit à certaines répliques entre Jeanne et le jeune paumé (Simon Thomas) ou encore avec ce passant (Gabor Rassov) qui promène un chien imaginaire au bout d’une laisse vide. D’autres scènes flirtent aussi avec une sorte de surréalisme lorsque Jeanne ouvre ses bras au « potentiel adopté » et que Bernard, par une sorte d’étrange mimétisme, en fait de même avec le passant au chien invisible ! Mais c’est aussi un drame où la solitude et l’amertume sont les compagnes de voyage d’un quotidien morose et étriqué. Quant au jeune orphelin de famille il est déboussolé (« Je n’ai pas de passé, pas d’avenir… je n’ai rien à donner »). Et l’on apprend que Jeanne a subi jadis le traumatisme d’une violente agression qui est le nœud gordien de sa frustration et de ses fêlures de femme blessée. 

Avec une écriture cinématographique (ponctuée par une musique où s’exaltent les cordes) Samuel Benchetrit (sobre Bernard) parfaitement secondé par un joli décor à transformations d’Emmanuelle Roy met en scène avec habileté et pudeur cette quête éperdue d’amour et de tendresse. Il est bien servi par la prestation fragile et émouvante de Vanessa Paradis et des deux autres partenaires aussi justes que drôles et, de surcroît, attendrissants. 

Christian Jarniat
18 novembre 2022  

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.