Fin 1967 Mel Brooks réalise son premier long métrage :The Producers (Les Producteurs) (Oscar du meilleur film et du meilleur scénario). 34 ans plus tard – alors qu’il s’est forgé une carrière glorieuse au cinéma avec des œuvres « cultes » comme Frankenstein Junior (1974), La Folle histoire du monde (1981), Robin Hood (1993), Dracula mort et heureux de l’être (1995) – Les Producteurs deviennent une comédie musicale adaptée du film éponyme par Mel Brooks et Thomas Meehan. Les paroles et musiques ont été écrites par Mel Brooks lui même et arrangées par Glen Kelly et Doug Besterman.
La première a lieu à Broadway au St. James Theatre le 19 avril 2001 dans une mise en scène et chorégraphie de Susan Stroman avec en vedettes Nathan Lane et Matthew Broderick. Totalisant plus de 2500 représentations ce musical remporte un record de 12 Tony Awards. S’ensuit une production réussie dans le West End pendant un peu plus de deux ans, des tournées nationales aux États-Unis et au Royaume-Uni, de nombreuses productions dans le monde et une version cinématographique de 2005 avec les deux créateurs et Uma Thurman.
Cette comédie musicale à l’humour caustique et irrévérencieux narre les péripéties d’un producteur de Broadway en faillite Max Bialystock, contraint de se faire gigolo pour soutirer de l’argent auprès de vieilles dames octogénaires fortunées. Son comptable Leo Bloom timide et névrosé (mais rêvant du show business) le persuade de la possibilité de s’enrichir avec les versements préalables des mécènes assortie d’une escroquerie aux assurances en montant un spectacle conçu pour être un flop et en s’enfuyant avec les sommes ainsi récoltées dès la première. Les deux comparses s’associent donc pour produire la plus nulle des comédies musicales écrite par Franz Liebkind un nostalgique (et schizophrène) adepte du nazisme intitulée Des fleurs pour Hitler dans un gai vaudeville a Berchtesgaden dont la mise en scène est confiée au plus ringard des réalisateurs de New York. Les choses se compliquent néanmoins pour les deux producteurs lorsque, contre toute attente, le flop envisagé se révèle inopinément être un très grand succès…
Au Théâtre de Paris la version française des Producteurs est signée par Nicolas Engel et mise en scène par Alexis Michalik (qui s’est particulièrement illustré avec Edmond tant au théâtre qu’au cinéma). Le spectacle a remporté le Molière du meilleur spectacle musical et celui de la révélation masculine pour Benoit Cauden et 5 trophées de la comédie musicale. Il a réuni à Paris 200 000 spectateurs.
Pour accueillir le public qui pénètre dans la salle, et en forme de prélude, l’orchestre joue des standards de jazz américain ainsi que des chansons empruntés à Gershwin comme « I Got Rhythm ». Les musiciens regagnent ensuite les loges d’avant scène pour jouer en live (direction musicale : Thierry Boulanger).
Les décors (Juliette Azzopardi) et les costumes (Marion Rebmann) respectent l’esprit de la production originale. Les chorégraphies dynamiques, (y compris les séquences de claquettes) s’inscrivent avec bonheur dans la tradition des musicals de Broadway.
Serge Postigo (Max Bialystock) en producteur désargenté et Benoit Cauden (Leo Blum) en expert-comptable pusillanime brûlent les planches jouant, chantant et dansant avec une aisance déconcertante comme d’ailleurs tous les membres de l’impeccable troupe. David Eguren (le metteur en scène Roger De Bris) et Andy Cocq (son assistante-chorégraphe Carmen Ghia) forment un couple homosexuel particulièrement déjanté tandis que Roxane Le Texier promène avec autant de talent que de malice la silhouette sculpturale de l’actrice suédoise Ulla dont l’ingénuité (feinte ?) flirte avec une certaine perversité. Une mention spéciale pour Régis Valee (Franz Liebkind) inénarrable dans son rôle de bavarois foldingue entouré de son chœur de pigeons et admirateur éperdu du Führer.
Alexis Michalik (dont cinq autres pièces écrites et mises en scène sont actuellement à l’affiche à Paris) qui ne cache pas son amour pour la comédie musicale mène à un train d’enfer et sur un rythme cinématographique échevelé cette iconoclaste et burlesque satire sur Broadway à l’humour provocant et politiquement incorrect avec une direction d’acteurs réglé au millimètre.
Ovation d’une salle pleine aux saluts et un public en grande partie jeune : des raisons de se réjouir pour l’avenir de la comédie musicale !
Christian Jarniat
15 décembre 2022
Prolongations jusqu’au 2 avril :
https://www.theatredeparis.com/evenement/les-producteurs-2/
Théatre de Paris
15 rue Blanche -75009
https://www.theatredeparis.com/
