Nous connaissions le film surréaliste de Luis Bunuel sorti en 1962 qui demeure un grand classique du cinéma d’auteur.
Il reste à ce jour inclassable et indémodable.
C’est aujourd’hui au monde lyrique que cet ange appartient ; le compositeur Anglais, également Chef d’Orchestre émérite, crée en 2016 au Festival de Salzbourg un opéra véritablement remuant et novateur.
Nous avions apprécié son style de musique grâce à la partition qu’il avait composée pour le ballet The Dante Project représenté au Palais Garnier en 2023.
Il s’agit là pour le musicien né en 1971 de son troisième opéra sachant qu’il a également livré de nombreuses œuvres de musique de chambre.
L’intrigue peut se résumer ainsi :
La soirée que des amis aisés de la haute société ont passée tous ensemble à l’opéra doit se terminer par un souper tardif dans la demeure des Nobile.
On s’apercevra très vite que des événements étranges se produisent : le majordome ne peut pas empêcher serviteurs et servantes de quitter la maison.
Les hôtes arrivent accompagnés de leurs douze invités qui peu à peu tenteront de fuir cette cauchemardesque soirée, mais en vain.
La nuit et les heures suivantes seront longues et éprouvantes ; privés ainsi d’eau et de nourriture, arriveront-ils à échapper à cette force invisible?
Nous le découvrirons au terme de deux heures d’un chaos indescriptible qui laissera le spectateur complètement hébété.
Le vernis des convenances ayant craqué, le pire de la nature humaine resurgit à la surface…
C’est bien ce qui a passionné Calixto Bieito – qui après une Carmen remarquée en 2017 – signe ici une mise en scène décoiffante en parfaite concordance avec les sonorités d’une musique aux rythmes désarticulés .
La vocalité explosive des chanteurs correspond parfaitement à ce huis clos étouffant ; c’est à un réel tour de force qu’ils se livrent tous sans retenue.
Nous pouvons citer la contralto Hilary Summers, Claudia Boyle ainsi que Ilanah Lobel-Torres mais également Nicky Spence, Jarrett Ott ou bien encore Fréderic Antoun…
Thomas Adès dirige lui-même l’œuvre. Somptueusement décorée par Anna-Sofia Kirsch, le déploiement sur l’immense plateau de l’Opéra Bastille est impressionnant.
Ingo Krügler a conçu des costumes chics et colorés pour les robes (style années 60) qui finiront en loques tout comme leur propriétaire .
Le livret de Tom Cairns(auquel Adès s’est associé) fait ressortir le cynisme déjà présent chez Bunuel et nous fait froid dans le dos.
La promesse d’une des plus belles surprises de la saison lyrique semble tenue ; on y repense longtemps après avoir quitté le temple de la Bastille !
Philippe Pocidalo
6 mars 2024
Direction musicale Thomas Adès
Mise en scène Calixto Bieito
Décors Anna-Sofia Kirsch
Costumes Ingo Krügler
Lumières Reinhard Traub
Dramaturgie Bettina Auer
Cheffe des Choeurs Ching-Lien Wu
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Distribution :
Lucía de Nobile Jacquelyn Stucker
Leticia Meynar Gloria Tronel*
Leonora Palma Hilary Summers
Silvia de Ávila Claudia Boyle
Blanca Delgado Christine Rice
Beatriz Amina Edris
Edmundo de Nobile Nicky Spence
Comte Raúl Yebenes Frédéric Antoun
Colonel Álvaro Gómez Jarrett Ott
Francisco de Ávila Anthony Roth Costanzo
Eduardo Filipe Manu
Señor Russell Philippe Sly
Alberto Roc Paul Gay
Doctor Carlos Conde Clive Bayley
Julio – butler Thomas Faulkner
Lucas – Footman Julien Henric
Enrique – Waiter Nicholas Jones
Pablo -Cook Andres Cascante
Meni – maid Ilanah Lobel-Torres
Camilla – Maid Bethany Horak-Hallett
Padre Régis Mengus
Yoli Maîtrise des Hauts-de-Seine