Tout ce qui peut nous rendre optimiste sur l’avenir de la grande musique est à applaudir des deux mains. Exemple : l’Académie de l’orchestre organisée à Cannes une fois par an. L’Orchestre national de Cannes invite des grands étudiants des conservatoires de la région à se joindre à ses musiciens pour donner un concert ensemble.
Le résultat est exaltant à voir. Et à entendre.
Qu’ils étaient beaux, ces jeunes, sur la scène de l’Auditorium Debussy du Palais des festivals de Cannes ! Leurs chemises blanches éclataient au milieu des tenues noires des musiciens professionnels. Noirs et blancs, l’orchestre était devenu un échiquier. Il avait même un roi et une reine.
Le roi était le chef Léo Warynsky. Svelte silhouette de jeune premier, il dirige à main nue, sans baguette. En quelques répétitions, il avait su donner une cohérence à l’ensemble – et cela tout en ménageant cette souplesse sans laquelle il n’est point de musicalité. On connaît et on apprécie ce chef dans notre région : c’est lui qui naguère dirigeait ces étranges 200 motels de Franck Zappa à l’Opéra de Nice, et qui créait une pièce remarquable du compositeur niçois Alain Fourchotte au Musée Chagall. Il sut ménager les changements de tempo dans la Symphonie du Nouveau monde de Dvořák, alanguir le deuxième thème de l’allegro initial, donner du chic au rythme dansant du scherzo. Il sut faire éclater les fanfares triomphales du final ainsi que les rythmes flamboyants de West Side Story de Bernstein. On peut regretter que, dans la Suite symphonique issue de cette comédie musicale ne figurent pas les principaux airs « America », « Tonight » et « I Feel Pretty ». Mais cela n’est pas la faute du chef, c’est le choix de Bernstein !
Un roi et une reine, disions-nous. La reine de cet échiquier était la violoniste soliste Berthilde Dufour. Il fallait voir l’énergie qu’elle déployait avec son archet pour entraîner ses jeunes troupes au côté du chef. Tout au long de la semaine, on avait pu la voir en photo sur les panneaux d’affichage de la ville, envoyant un baiser à son violon. On aime les villes qui, ainsi, savent mettre en valeur leurs musiciens!
Tout cela se fait avec la complicité de l’active association des Amis de l’orchestre.
Ce concert mettait en exergue deux nouveaux mondes, celui de la symphonie de Dvorak et celui des chemises blanches des musiciens du futur. Un vrai bonheur !
André PEYREGNE
2 Mars 2024