En ces temps de pandémie qui ont chamboulé entre autres la vie des salles de spectacles et des artistes sautant de confinements en reconfinements et couvre-feux, certains théâtres sont entrés en résistance et plutôt que de fermer en attendant des jours meilleurs ont maintenu des activités musicales virtuelles à visionner sur leurs chaînes YouTube ou leurs sites.
C’est le cas de l’Opéra Grand Avignon qui proposait pour cette fin d’année (imaginée festive) La Veuve Joyeuse de Franz Lehár. Pour l’occasion un petit nombre de journalistes étaient conviés le dimanche 27 décembre à l’Opéra Confluence qui depuis 2017 sert de repli pendant les travaux de l’Opéra Grand Avignon. Cette structure n’a sûrement pas les atouts d’une salle traditionnelle et ses défauts acoustiques sont hélas notables lorsqu’elle est privée de spectateurs. Par chance ce spectacle a été capté ce jour là pour la chaîne YouTube du théâtre afin d’être diffusé pour le réveillon de la Saint Sylvestre (et maintenu en ligne pour les 15 premiers jours de l’année). La retransmission bénéficie d’une technique gommant les défauts relevés dans la salle et l’on ne peut que louer les qualités de cette captation. Voilà un spectacle revigorant qui aurait pu être retransmis sur une chaîne nationale et aurait mis un peu de couleurs et de bulles de rêves aux restrictions gouvernementales de cette soirée de réveillon.
La mise en scène de Fanny Gioria propose une « mise en abyme » qui déroute au début et se raccorde parfois un peu sur le fil au livret original pour mener à bien cet exercice de théâtre dans le théâtre. Mais la direction d’acteurs est efficace et précise, pas de temps morts, touts chantent et dansent parfaitement et prennent plaisir à jouer. Les décors d’Eric Chevalier, les costumes d’Erick Plaza Cochet, les perruques de Sandrine Degioanni sont un atout pour cette nouvelle production ( en coproduction avec l’Avant-Scène Opéra, Neuchâtel), dont on retiendra particulièrement un deuxième acte dans des jardins où évoluent des femmes-fleurs d’un extrême raffinement.
La distribution est très homogène, tous sont jeunes et beaux et les deux couples principaux Erminie Blondel (Missia Palmieri) / Philippe-Nicolas Martin (Prince Danilo), Caroline Mutel (Nadia Popoff) / Samy Camps (Camille de Coutançon) sont vocalement et physiquement convaincants surtout-au risque de se répéter-à l’écran où les voix sont plus sonores et mieux mises en valeur que dans la salle de l’Opéra Confluence. Guillaume Paire compose un Baron Popoff truculent tandis que Baptiste Joumier (Figg), Pierre-Emmanuel Roubet (Lérida), et Jean-François Baron (D’Estillac) complètent plus qu’honorablement le reste de la distribution.
Les ballets de l’Opéra Grand Avignon dans la chorégraphie d’Elodie Vella, l’Orchestre Régional Avignon-Provence et le Chœur de l’Opéra Grand Avignon sous la direction attentive de Benjamin Pionnier impliquent une dynamique et une gaité à ce spectacle qui s’achève pourtant dans un silence éprouvant. Ce n’est qu’à la fin de la reprise et du feu d’artifice final que les rares spectateurs qui enfin ont pu assister à un spectacle « vivant » s’autorisent des applaudissements nourris et chaleureux, maigres témoignages de remerciements envers une culture qui ne cède pas et continue de faire vivre l’espérance d’un avenir meilleur.
Catherine Pellegrin
La Veuve joyeuse du 31 décembre à 20h30 au 15 janvier sur la chaîne YouTube de l’opéra Grand Avignon et sur le site web : www.operagrandavignon.fr