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La Traviata à l’Opéra Bastille : reprise de la production de Simon Stone avec Nadine Sierra et René Barbera

La Traviata à l’Opéra Bastille : reprise de la production de Simon Stone avec Nadine Sierra et René Barbera

dimanche 21 janvier 2024

©Vahid Amanpour

Combien de Traviata n’avons-nous pas déjà vues ? Et combien entendues en disque ? L’Opéra Bastille reprend la production de Simon Stone de 2019 en ce mois de janvier, tandis que l’Opéra berlinois Unter den Linden programme également l’œuvre de Verdi avec Pretty Yende qui fut Violetta à l’Opéra de Paris en 2019.

Comment se priver d’un tel chef-d’œuvre dont on rappellera, d’un point de vue historique, qu’il fut le seul ouvrage réaliste et contemporain de la production de Verdi sur lequel ne manqua pas de s’acharner la censure considérant le sujet immoral et contraignant le compositeur à placer l’action au 17e siècle lors de la création vénitienne en mars 1853 ? A chaque époque ses polémiques…

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©Vahid Amanpour

La version de Simon Stone a nourri des controverses… Les violentes couleurs projetées sur des écrans en biseaux pour décors, certaines scènes érotiquement scabreuses dans les rues, les costumes mi-boîte échangiste, mi-carnaval frelaté, ne sauraient, loin de là, faire l’unanimité et sont susceptibles de choquer une partie des spectateurs. Ces derniers peuvent en outre considérer comme des erreurs de la production le fait que les lettres administratives, échanges de SMS et compte X de l’influenceuse Violetta Valery, jusqu’aux gros titres ainsi que toutes inscriptions servant de fond, soient en français, alors que le texte de l’opéra demeure en Italien.

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©Vahid Amanpour

Et René Barbera en Alfredo ne semble pas, en ce soir de première, en forme requise. Bien que son couple avec Nadine Sierra soit sympathique, ce n’est pas l’injurier que de relever son manque de puissance vocale. Benjamin Bernheim naguère était bien plus convaincant. Le chant de Barbera se laisse en effet aisément submerger par l’orchestre, et se perd dans le vaste vaisseau de Bastille, surtout en comparaison du tonus de Nadine Sierra. Les voix masculines autour de lui, comme celles de Florent Mbia en marquis d’Obigny ou Alejandro Baliñas Vieites en Baron Douphol, dont les satins de la voix vibrent au cours de l’opéra, le font résonner de bien pâle manière. Méforme ou indisposition ?… On a appris son remplacement à la deuxième représentation par Pene Pati.

Quant à l’orchestre, il propose une honnête lecture de la partition, mais sans plus. Sous la direction de chefs tels que Serafin et Levine en passant par De Sabata, Giulini ou Karajan d’autres phalanges donnaient une carnation plus intéressante à cette musique, sans doute l’une des meilleures de Verdi. 

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©Vahid Amanpour

Pour autant des sujets de satisfaction sont à mettre à l’actif de cette représentation : Nadine Sierra en très grande forme vocale durant tout l’opéra ne peut que subjuguer. Pour une cancéreuse même au stade terminal, elle parait en parfaite santé. Elle marche, court et chante comme un charme. Trop peut-être ? On pourrait regretter que, d’un point de vue dramatique, l’altération de l’état de santé de l’héroïne ne soit pas, au fur et à mesure, suffisamment marqué au regard d’un chant paradoxalement (trop) brillant. Quid des différentes couleurs de tessiture montrant son inéluctable déclin vers l’issue fatale ?

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©Vahid Amanpour

Ludovic Tézier apparaît au deuxième acte et galvanise. Sa présence magnétique comme son superbe cuivre velouté, valent à eux seuls le déplacement. Il est là, père inquiet pour sa famille, homme reconnaissant son erreur, gentleman de l’art lyrique sans la moindre exagération. De la simplicité. Un Tito Gobbi aux effets retenus, un styliste à l’élégance d’un Renato Bruson avec la générosité vocale d’un Leo Nucci.

En fin de compte, Nadine Sierra aura bien mérité ses applaudissements, parce que son chant fort, coloré et vibrant d’émotions résiste à certaines errances de la mise en scène aux côtés de Ludovic Tézier à son zénith. Marine Chagnon incarne une belle Flora Bervoix au timbre plaisant. Cassandre Berthon dessine une Annina digne, Vartan Gabrielian, Maciej Kwaśnikowski, Hyun-Jong Roh, Olivier Ayrault et Pierpaolo Palloni complètent le plateau vocal avec maîtrise, lui donnant homogénéité et qualité.

Andréas Rey

21 janvier 2024

Direction musicale : Giacomo Sagripanti

Mise en scène : Simon Stone

Décors : Bob Cousins

Costumes : Alice Babidge

Lumieres : James Farncombe

Vidéo : Zakk Hein

Distribution :

Violetta Valery : Nadine Sierra

Flora Bervoix : Marine Chagnon

Annina : Cassandre Berthon

Alfredo Germont : Rene Barbera

Giorgio Germont : Ludovic Tezier

Gastone : Maciej Kwaśnikowski

Il Barone Douphol : Alejandro Balinas Vieites

Il Marchese d’Obigny : Florian Mbia

Giuseppe : Hyun-Jong Roh

Domestico : Olivier Ayault

Commissionario : Pierpaolo Palloni

Dottor Grenville Vartan Gabrielian

Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris

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