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Là-Haut à l’Odéon de Marseille

Là-Haut à l’Odéon de Marseille

dimanche 15 avril 2018
Julie Morgane et Grégory Benchenafi – Photo Christian Dresse

Avec la création de Phi-Phi, au lendemain de l’armistice de la première guerre mondiale, s’est ouvert un nouveau cycle, celui des opérettes dites des « Années Folles ». L’influence des musiques venues d’outre-Atlantique font alors fureur comme le fox-trot, le boston, le one-step, le charleston etc. A Henri Christiné succède Maurice Yvain, l’un des compositeurs emblématiques de cette période, auteur de nombre de chansons à succès, composées pour de grandes vedettes comme Maurice Chevalier ou Mistinguett.

« Phi-Phi » laissa sa place à « Dédé » avec Maurice Chevalier, lequel, en 1923, sauta en quelque sorte d’une affiche à l’autre pour interpréter la nouvelle création, aux Bouffes Parisiens, de « Là-Haut ». Une anecdote marqua le succès de cette opérette : Dranem avait été engagé pour jouer le rôle de Frisotin qui comporte autant d’interventions que celui d’Evariste. Le célèbre comique, vedette du café-concert, avait tendance à en rajouter dans son rôle et à tirer la couverture à lui, de sorte que Chevalier, offusqué du succès de son partenaire, abandonna assez rapidement un rôle qui lui convenait pourtant à merveille.

Les opérettes de cette période (avec des compositeurs de talent : encore Messager bien sur, mais aussi Raoul Moretti, Moises Simons et autres) devraient, au moins une fois l’an, être à l’affiche de tous les théâtres d’opérette pour une salutaire cure de bonne humeur. Cette période débridée (réflexion faite beaucoup moins « coincée » que de nos jours) nous offre une musique pétillante et des dialogues savoureux. Et quels remarquables compositeurs étaient Henri Christiné et surtout Maurice Yvain, sans compter Albert Willemetz, parolier de génie. Bien entendu, des œuvres comme « Dédé », « Ta Bouche », « Pas sur la bouche », etc. doivent être considérées comme des comédies musicales avant la lettre, aussi bien par la « modernité » des textes que par la danse omniprésente.

A l’Odéon, c’est d’ailleurs ce qu’a parfaitement compris Carole Clin qui mêle avec bonheur mise en scène et chorégraphie pour donner ce rythme soutenu que l’on voit dans les spectacles anglo-américains où la danse est omniprésente. Elle peut pour cela compter sur des interprètes qui pratiquent couramment les diverses disciplines de la comédie musicale.

En tête de distribution Grégory Benchenafi est évidemment l’Evariste idéal, comme il fut, sur cette même scène, un Ardimédon de classe dans « Phi-Phi ». Son abattage, son charme et son punch font naturellement merveille, mais Grégory Juppin ne lui cède en rien dans un Frisotin assez époustouflant, comportant notamment une impressionnante imitation vocale et scénique de Claude François dans « Aime-moi Emma ». La belle surprise de la représentation est l’incarnation, par Julie Morgane, de Maud. On s’émerveillera, une fois de plus, des talents multiples de cette jeune comédienne-chanteuse-danseuse qui sait, avec une habileté confondante, passer d’un emploi à l’autre (elle fut récemment la « jeune première » Magnolia dans « Show Boat »). Elle est ici l’étonnant sosie de Mercredi de « La Famille Adams », belle à damner un saint (et l’expression ne peut être mieux employée puisque l’on se trouve au paradis !), tout autant – dans un réjouissant contre-emploi parfaitement maîtrisé – que froide et triste puisque le personnage est celui d’une potentielle maîtresse dont la nymphomanie n’est jamais assouvie. D’emploi secondaire Maud devient ici une protagoniste à part entière. Caroline Géa est une parfaite Emma qui cultive, avec beaucoup d’humour un veuvage qui donne l’apparence de la rigueur, tout en se laissant convaincre par les avances d’un inconnu (qui n’est d’ailleurs que son mari sous un déguisement). Quant aux élues célestes, Carole Clin a eu l’excellente idée de les transformer en personnages du cinéma ou de la variété : elles sont en effet Betty Boop (Priscilla Beyrand), Jean Seberg (Lovénah Lhuillier), Dalida (Sofia Naït) et Marylin Monroe (Emilie Sestier). A noter que toutes ces jeunes femmes savent exécuter avec panache un superbe numéro de claquettes à la fin de l’œuvre. Il faut attribuer une palme toute particulière à Kathia Blas, une Marguerite bien chantante et pétrie de drôlerie avec un énorme clin d’œil à la Castafiore. N’oublions pas enfin deux piliers de l’opérette : Philippe Fargues, qui incarne un Saint-Pierre plein de bonhomie et au tempérament affirmé, ainsi que Dominique Desmons, sorte de Louis de Funès dans le rôle du cousin Martel.

Pour la circonstance, le Théâtre de l’Odéon de Marseille a fait appel à deux grandes spécialistes de l’opéra qui se sont fait connaître dans des ouvrages lyriques, aussi bien à l’Opéra de Marseille, aux Chorégies d’Orange et dans d’autres maisons d’opéra d’importance : la décoratrice Emmanuelle Favre et la costumière Katia Duflot qui ont réalisé cette production de « Là-Haut » avec un goût délicieux conjugué à beaucoup de finesse et d’élégance. A la baguette Bruno Conti dirige, avec autant de vivacité que d’enthousiasme, l’adorable musique de Maurice Yvain.
Christian Jarniat
15 avril 2018

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