La Bonne Mère et la bonne humeur
Au haut de la Canebière à Marseille, se trouve un lieu qui devrait faire l’objet d’une protection nationale : c’est le dernier théâtre en France qui soit entièrement consacré à l’opérette. Il s’appelle le Théâtre de l’Odéon. Il devrait être classé au même titre que les « parcs naturels » ou les « espaces protégés » !
Au pays de la bonne mère, l’Odéon est le lieu de la bonne humeur. Et de cela, les gens ont plus que jamais besoin. Par les temps qui courent, la bonne humeur devrait être déclarée d’utilité publique.
Il fallait voir avec quelle joie fut accueillie dimanche dernier La Grande Duchesse de Gérolstein d’Offenbach. Jeunes et moins jeunes ont communié dans un enthousiasme général – et même… général boum-boum !
Le spectacle était dirigé par Jean-Christophe Keck. Voilà le grand spécialiste d’Offenbach en France et dans le monde. On ne saurait dire pourquoi mais, lorsqu’il dirige, cela se sent, cela s’entend. Il y a quelque chose de réjouissant, de pétillant qui émane de la fosse d’orchestre sous sa baguette.
La mise en scène d’Yves Coudray était un modèle du genre. Jouant subtilement sur les déplacements d’acteurs, sur leurs mimiques, leurs regards, leurs jeux de mains, leurs ports de bras, il a réglé son Offenbach avec la précision d’un mécanisme d’horlogerie. A la bonne heure !
Le dialogue était, comme il se doit, riche en aphorismes – dont celui-ci qui résume la pièce : « Quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a ».
Et ce dialogue, on le comprenait ! Car, contrairement à ce qui se passe souvent dans le domaine de l’opéra, les chanteurs d’opérettes, lorsqu’ils parlent, savent articuler leur texte. Pas besoin de surtitrages pour les comprendre ! Ils sont eux-mêmes leurs propres surtitrages !
En tête de distribution se trouvait l’excellente Laurence Janot. Celle-ci mérite vraiment l’épithète de grande devant son titre de duchesse ! A ses côtés, la soprano Julia Knecht lui donna une charmante réplique. Les hommes étaient bien en voix : le solide ténor Pierre-Antoine Chaumien, ainsi que Alfred Bironien dans son rôle de prince qu’on sort, Dominique Desmons drôle comme tout en baron bavard, et le baryton Franck Leguérinel (général Boum), habile comme un vieux routier de l’opérette.
Le chœur de l’opéra de Marseille eut bonne allure.
Mais là ne s’arrête pas la particularité de ce spectacle. Il y en avait une autre, qui se situait dans la salle : la présence, ce jour-là, parmi le public de… l’arrière-arrière-arrière petite fille d’Offenbach. Elle se prénomme Tatiana.
Cette (jolie) jeune femme s’avère être la seule, parmi les descendants du compositeur, à s’intéresser à la musique de son grand-grand-grand père. Arrivée depuis peu dans le métier, elle a l’intention de s’y impliquer d’une manière active et constructive. Elle fut réjouie de la manière dont l’Odéon avait traité l’œuvre de son prestigieux et facétieux aïeul.
La duchesse était grande et la descendante heureuse : tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes d’Offenbach !
André PEYREGNE
13 janvier 2024
NOUVELLE PRODUCTION
Direction musicale Jean-Christophe KECK
Mise en scène Yves COUDRAY
La Grande Duchesse Laurence JANOT
Wanda Julia KNECHT
Fritz Pierre-Antoine CHAUMIEN
Général Boum Franck LEGUÉRINEL
Prince Paul Alfred BIRONIEN
Baron Puck Dominique DESMONS
Baron Grog Jean-Christophe BORN
Népomuc Antoine BONELLI
Chœur de l’Opéra de Marseille
Orchestre de l‘Odéon