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La Fille du Régiment au Wiener Staatsoper

La Fille du Régiment au Wiener Staatsoper

dimanche 25 décembre 2022
Pretty Yende, Juan Diego Flórez et Adrian Eröd / Crédit photographique © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

Michele Spotti fait sa Joyeuse Entrée à l’Opéra de Vienne dans La Fille du Régiment
Si la mise en scène date de 2007 et n’a pas pris une ride, le Wiener Staatsoper, qui a repris La Fille du Régiment pour les fêtes de fin d’année, nous l’offre renouvelée avec deux débuts, celui du chef Michele Spotti et de l’actrice Marianne Nentwich, et quatre prises de rôle à Vienne : la Marie de Pretty Yende, la marquise de Berkenfield de Stephanie Houtzeel, la duchesse de Crakentorp de Marianne Nentwich et le sergent Sulpice d’Adrian Eröd. 

Le jeune maestro Michele Spotti, — il n’a que 29 ans, — est en passe de devenir la coqueluche des plus grands opéras du monde. Il est un des chefs les plus demandés de sa génération et vient d’arriver à l’Opéra de Vienne pour y diriger La Fille du Régiment de Donizetti dont la première représentation de la saison a été organisée le jour de Noël. Michele Spotti ressent ses débuts viennois comme son cadeau de Noël et se dit impressionné de venir diriger l’un des plus grands orchestres du monde. L’émotion est grande de monter au pupitre d’où ont dirigé Mahler, Kleiber ou Karajan, pour ne citer qu’eux.
Michele Spotti est, depuis sa Fille de Régiment au Festival de Bergame de l’an dernier, déjà considéré comme une référence pour la musique romantique belcantiste de Donizetti. À Bergame, le maestro avait disposé de tout un mois pour entraîner l’orchestre. À Vienne, où la mise en scène de Laurent Pelly est au répertoire depuis 15 ans, il n’a disposé que de dix jours. Mais l’orchestre viennois, parfaitement aguerri dans cette musique, s’est très vite ouvert à la vision du chef et l’osmose s’est rapidement installée. Outre son expertise donizettienne, Michele Spotti disposait d’un atout majeur, il avait déjà travaillé avec Juan Diego Flórez et Pretty Yende, les deux principaux interprètes de la soirée, qui ont tous deux une longue pratique de leurs rôles respectifs. Tonio et Marie. L’alchimie a parfaitement fonctionné entre le chef, l’orchestre et les chanteurs. Michele Spotti a ouvert son merveilleux cadeau aux oreilles attentives du public et a voulu tout aussitôt le partager en en communiquant l’or philosophal à la salle conquise et enchantée. Ce lui fut une très Joyeuse Entrée.

Coproduite avec Covent Garden et le MET, la mise en scène de Laurent Pelly est bien connue et fait les belles soirées de New York, Londres et Vienne depuis 2007. On ne se lasse pas d’y assister car elle est réglée comme du papier à musique ou plutôt comme du papier cartographique puisque les cartes constituent le décor du premier acte et le support de la grande salle du château de Berkenfield en deuxième partie.
Les décors de Chantal Thomas étonnent et amusent toujours autant avec leurs astuces tendres ou humoristiques de descentes d’une carte postale de la première guerre mondiale, d’une carte de France, d’une carte encore représentant un coq tricolore. Laurent Pelly qui conçoit toujours aussi les costumes des opéras qu’il met en scène a déplacé l’action des guerres napoléoniennes à la guerre de 14-18, mais quel que soit le moment de l’action, ce sont des guerres d’opérette où les soldats ne meurent pas au combat et s’ils sont blessés guérissent bien vite de leurs blessures. L’humour et la farce sont toujours de la partie, les déplacements du choeur brillamment chorégraphiés par Laura Scozzi, avec des arrêts sur tableaux très commedia dell’arte. L’importante partie théâtrale de l’oeuvre n’est pas en reste : le comique de situation est très travaillé, les dialogues fusent pour la plus grande joie des spectateurs. À Vienne, le problème de la langue est résolu par les petits moniteurs individuels multilingues qui permettent au public international de suivre l’opéra en traduction. 

Sur le plan théâtral, l’opéra de Vienne a invité une grande actrice à la carrière extraordinaire pour interpréter le rôle de la duchesse de Crakentorp: Marianne Nentwich, qui porte allègrement ses 80 ans, a fait en ce soir de la Nativité ses débuts au Wiener Staatsoper. Célébrée par le public viennois depuis 1964, elle a donné 120 premières théâtrales et a joué dans 40 films. On imagine le bonheur et l’émotion qu’ont les autochtones de la retrouver drôle, dynamique, énergétique et impérative comme le veut le rôle sur la scène du grand opéra.
Autre cadeau de la soirée, pour le public cette fois, celui que lui a fait Juan Diego Flórez, qui, enroué, a tenu à  assurer la représentation malgré un mal de gorge allant en s’aggravant. L’annonce en a été faite avant le lever du rideau et le chanteur a reçu le soutien du public reconnaissant. Ce fut le fait d’un très grand chanteur connaissant parfaitement ses possibilités de savoir doser ses effets et modérer ses éclats, et, dans le cas d’espèce, de trouver le bon équilibre. Il fut le héros de la soirée, emportant la faveur du public avec la chaleur enrobante de son timbre si beau et si particulier, sa maîtrise technique incomparable du passaggio qui lui permet de défiler les contre-ut du grand air  ” Ah ! mes amis, quel jour de fête ! ” Pretty Yende, pleine de vie, fougueuse, — ici joyeuse et pétillante d’allégresse, là malheureuse et désespérée mais rebelle,  — semble vivre à fond son rôle, toujours proche de l’instant présent, avec cette grande spontanéité qui fait sa force. Ce rôle, qu’elle commença de chanter à la Maestranza, est une de ses meilleures cartes de visite, même si elle n’est sans doute pas une égérie de l’école de chant français. Elle amuse beaucoup en chantant faux alors que sa tante la force á s’exercer au chant de salon. La mezzo allemande Stephanie Houtzeel, qui fait partie de la troupe de l’Opéra de Vienne depuis 2010, incarne avec beaucoup de finesse psychologique et d’humour le rôle de la marquise de Berkenfield, tante prétendue mais en fait mère de Marie, une femme coincée dans le respect des valeurs traditionnelles de sa caste et qui veut faire de sa fille une dame, mais qui finira par rendre les armes et à céder au charme et au coeur débordant de son impétueuse fille. Le baryton autrichien Adrian Eröd, lui aussi membre de la troupe de l’opéra, enfant chéri du public viennois, est aussi à l’aise dans le répertoire wagnérien (Beckmesser dans les nouveaux Meistersinger viennois) que dans le répertoire belcantiste. Le rôle du sergent Sulpice, “père” en chef de Marie au sein de la troupe de ses pères, lui convient comme un gant. Il joue  à merveille les faux durs sensibles et les pères attentifs, une prise de rôle des plus réussies ! Enfin Marcus Pelz amuse beaucoup dans le rôle bien rôdé d’Hortensius. Last but not least, les choeurs, qui animent constamment l’action, sont exceptionnels et, fait remarquable, se signalent par la qualité de leur élocution française. Leurs déplacements synchrones et toujours bon enfant et un peu caricaturaux, sont au coeur de la mise en scène.

L’Opéra de Vienne était en fête en ce jour de Noël avec une abondance de cadeaux opératiques pour un public ravi, enchanté et reconnaissant.

Luc-Henri Roger

Représentation du 25 décembre 2022

Direction d’orchestre Michele Spotti

Mise en scène et costumes Laurent Pelly
Scène Chantal Thomas
Lumière Joël Adam
Chorégraphie Laura Scozzi
Version dialoguée Agathe Mélinand

Marie, jeune marquise :  Pretty Yende
Tonio, jeune paysan  : Juan Diego Flórez
Marquise de Berkenfield  : Stéphanie Houtzeel
Sulpice, sergent  : Adrian Eröd
Duchesse de Crakentorp  : Marianne Nentwich
Hortensius  : Marcus Pelz
 

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