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Idoménée, roi de Crète à l’opéra de Nancy. Un opéra plus à entendre qu’à voir

Idoménée, roi de Crète à l’opéra de Nancy. Un opéra plus à entendre qu’à voir

dimanche 1 octobre 2023
 ©Simon Gosselin

Mozart composa Idoménée, roi de Crète (Idomeneo, re di Creta) à vingt-cinq ans. Deux opéras sérieux, Mithridate roi du Pont (Mitridate, re di Ponto), d’après Racine et Lucio Silla sur un livret retravaillé par Métastase le précédent. Sans oublier, dans les genres plus légers La Fausse ingénue (La finta semplice), La Jardinière futée (La finta giardiniera) et le Roi Pasteur (Il re pastore), excusez du peu. L’opéra n’a donc déjà plus de secret pour lui. La maturité de l’orchestre et les arias impressionnent chez ce compositeur de moins de trente ans, qui, contrairement au librettiste, évite les lourdeurs héritées des habitudes anciennes en respectant les contraintes de son époque.

Idoménée en ce sens est une sortie du monde haendélien, avant d’entrer dans le nouveau monde grâce à l’Enlèvement au Sérail (Die Entführung aus dem Serail) l’année suivante. L’opéra de Nancy relève donc le défi de cette œuvre entre deux époques avec le metteur en scène Lorenzo Ponte.
Lorenzo Ponte choisit de jeunes chanteurs, y compris pour les aînés comme Idoménée et Arbace. Mais le pari essentiel de sa mise en scène est d’exhumer de l’oubli Meda, la première épouse d’Idoménée, afin de montrer que ce temps est encore dominé par le sacrifice des enfants par leurs parents, alors que le suivant inauguré par le mariage d’Idamante et Ilia sera basé sur la vie. Effectivement l’univers des aînés est sous le signe de la destruction, comme l’indique le retour de guerre d’Idoménée et la Crète attaquée par un monstre marin au troisième acte et le suivant est dominé par celui de l’amour avec le mariage des amoureux des camps ennemis Ilia et Idamante. Cependant jamais Meda n’est mentionnée dans le libretto. Pourquoi l’avoir exhumée ?
Sur le plateau, elle est au mieux inutile, comme lorsqu’elle sort d’une baignoire durant l’air final d’Electre ; au pire elle parasite la compréhension du drame comme lorsqu’Idoménée entre en scène. 
Autre grave défaut, l’infantilisation des jeunes personnages principaux. Au début de l’opéra, ils sont mafieux en deuil. Dès l’apparition d’Idoménée, ils deviennent gamins joueurs, ce qui les ridiculisent.
Les incohérences de la mise en scène ne s’arrêtent pas là, hélas. Leur liste serait aussi pénible à la lecture qu’au spectacle. Il suffit de mentionner en sus et au hasard une Electre hésitant entre être la bouche de Meda et ses soucis personnels, un prêtre de Neptune en soutane et étole à croix devant un Idoménée faisant le signe de croix, ou l’inscription Noël 1962 dans le coin gauche du décor du deuxième acte. Pourquoi Noël dans un temps d’avant le Christ ? Pourquoi cette année plutôt qu’une autre ? Mystère. 
Si les éclairages d’Emanuele Agliati dont une grande et malheureusement superfétatoire tête de Meda à la fin de l’opéra, et la scénographie d’Alice Benazzi, dont un trop obscur premier acte en noir et rouge, confèrent son atmosphère à chaque scène, la mise en scène de Lorenzo Ponte tord l’opéra pour le conformer à son idée, ce contre quoi l’œuvre se rebelle, engendrant un spectacle incohérent sur scène.

Heureusement, il y a la musique. Si Toby Spence en Idoménée force sa voix quand il suit les arabesques de Mozart, l’Ila de Siobhan Stagg a la droiture et la clarté du métal brillant. Le velours noble d’Héloïse Mas en Idamante et la grave rivière d’Amanda Woodbury en Electre se font entendre dès le premier acte et gagnent en qualité, y compris dans les notes les plus aiguës, jusqu’à la fin de l’opéra. Ces cantatrices chantent en duo ou en solo avec le naturel nuancé dans lequel Mozart développera ses voix dans ses œuvres futures jusqu’à la Reine de la nuit. Et le chœur tenu par Guillaume Fauchère et l’orchestre dirigé par Jakob Lehmann à la frontière de la rigueur ajoutent au plaisir. Plus de souplesse et de jeux auraient néanmoins fait mieux entendre la direction dans laquelle Mozart orientera ses œuvres lyriques ultérieures.
Une exécution fort agréable en somme, dans une mise en scène fort gênante.

Andreas Rey 
1 octobre 2023

Direction musicale
Jakob Lehmann
Chef de chœur
Guillaume Fauchère
Assistant à la direction musicale
William Le Sage
Orchestre et choeurs de Lorraine

Mise en scène
Lorenzo Ponte
Scénographie
Alice Benazzi
Costumes
Giulia Rossena
Lumières
Emanuele Agliati
Assistanat aux lumières
Alessandro Manni

Distribution :
Idoménée : Toby Spence
Idamante : Héloïse Mas
Ilia : Siobhan Stagg
Electre : Amanda Woodbury
Arbace : Léo Vermot-Desroches
Le Grand Prêtre : Wook Kang
La Voix de Neptune :Louis Morvan
Crétoises :Inna Jeskova et Séverine Maquaire
Troyens : Yongwoo Jung et Jinhyuck Kim
Chœur lointain : Yongwoo Jung, Ill Ju Lee, Jinhyuck Kim et Christophe Sagnier
Méda : Rosabel Huguet

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