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I Puritani à l’opéra de monte-Carlo

I Puritani à l’opéra de monte-Carlo

mercredi 6 décembre 2017
Photo Alain Hanel

En mars 1833 Vincenzo Bellini se rend à Londres et à Paris pour une tournée de ses œuvres avec quelques-uns des chanteurs les plus réputés de leur époque. C’est à Paris, partageant ses soirées avec Chopin et Rossini, que lui vient l’idée d’adapter Têtes Rondes et Cavaliers, une pièce de Saintine et D’Ancelot, représentée l’année même au Théâtre National du Vaudeville. Le livret est confié au jeune Carlo Pepoli et ce nouvel opéra, portant comme titre I Puritani (Les Puritains) est créé le 24 janvier 1835 au Théâtre des Italiens avec une sublime distribution : Rubini, Grisi, Lablache et Tamburini. Souvent, concernant le Trouvère de Verdi, on rapporte le propos de Toscanini « Il faut, pour cet opéra, réunir les quatre plus belles voix du monde ». On pourrait en dire autant pour ces Puritains car le compositeur s’était exprimé à ce sujet à plusieurs reprises en indiquant qu’il tenait impérativement à la cohérence d’un exceptionnel quatuor. Cette œuvre fut la derniere de Bellini qui, quelques mois plus tard, en septembre 1935, était emporté par une tumeur du foie à l’âge de 34 ans. On peut évidemment légitimement se demander, compte tenu de la perfection avec laquelle il avait porté au sommet ce chef d’œuvre belcantiste, quelle aurait été sa production ultérieure s’il avait vécu comme Verdi jusqu’à l’âge de 88 ans. Les Puritains marquent une sérieuse avancée dans la production de Bellini qui a intégré les ingrédients de l’opéra français de son époque, tout en portant à son sommet sa maîtrise de la phrase mélodique. De surcroît il attribue ici un rôle important à l’orchestre introduisant, en outre, la technique du leitmotiv (par exemple avec la reprise, sur divers modes harmoniques, de l’aria d’Arturo « A te o cara »).

La version de concert donnée par l’Opéra de Monte-Carlo à l’Auditorium Rainier III est l’une des plus belles qu’il nous ait été donné d’entendre en ces lieux. Il est vrai que la distribution réunie pour la circonstance par Jean-Louis Grinda est exceptionnelle et qu’elle répond ainsi au vœu du compositeur, comme souligné ci-dessus. L’une des difficultés de cet ouvrage tient, entre autres, à la sollicitation de la tessiture aiguë du ténor. Le rôle est émaillé de si naturels et de contre-ut mais aussi de deux contre-ré et, cerise sur le gâteau, d’un contre-fa qui est déjà la limite de la voix humaine pour les sopranos (pensons à l’air de la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart). Nous avions entendu en principauté Celso Albelo dans Guillaume Tell de Rossini et le souvenir qu’il nous avait laissé était positif. Ici il fait preuve d’un admirable legato et, surtout, assume toutes les notes aiguës de la partition dans une prestation spectaculaire qui évidemment déchaîne l’enthousiasme du public. Mais il en va de même d’Annick Massis (qui était déjà la partenaire du ténor dans ce fameux Guillaume Tell). Plus encore que dans Maria Stuarda de Donizetti, la soprano est à son aise dans l’œuvre de Bellini, mettant à profit la suavité claire de son timbre et ses dons émotifs lesquels culminent naturellement dans la célèbre scène de la folie d’Elvira. Erwin Schrott est un Giorgio de luxe, d’autant que l’on n’attendait pas cette basse, qui s’est fait une spécialité de Don Giovanni, dans pareil rôle. Derrière le chanteur qui de révèle parfait dans ce répertoire belcantiste, on perçoit l’admirable et électrisant comédien qu’il est et on ne peut s’empêcher, même dans une version concert, de l’imaginer sur scène. On a aussi découvert avec plaisir Gabriele Viviani, un remarquable baryton qui n’est pas loin de nous rappeler Renato Bruson, célèbre pour son sens de la ligne belcantiste. Marina Comparato phrase avec élégance les interventions de la reine Enrichetta. A la baguette le chef vénézuélien parvient à mettre en parfaite osmose les aspects énergiques et élégiaques de la partition disposant pour ce faire de l’excellence de l’Orchestre Philarmonique de Monte-Carlo et du Chœur de l’Opéra.

Christian Jarniat
6 décembre 2017

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