Un prénom qui enchante les balletomanes, et a fait rêver des générations de danseuses. Giselle, un ballet romantique culte du répertoire classique.
Pourtant, nous ne retrouverons pas la place du village, ni les créatures vengeresses en tutu long, sortant d’outre-tombe pour entraîner les hommes dans leur danse jusqu’à la mort.
Ce soir, le rideau s’est ouvert sur un décor urbain, un souterrain ou un couloir de métro. Albrecht est apparu débraillé, dépravé, un consommateur de femmes, égoïste et irrespectueux et Hilarion, éternel amoureux sans retour. Giselle, entière et aveuglée d’amour pour Albrecht, lui offrira sa pureté. Mais, malgré la souffrance de la trahison lorsqu’elle découvrira sa liaison avec Bathilde, elle n’en mourra pas.
Dans le second acte, un parc éclairé par deux lampadaires, une bande de punks apporteront leur soutien à Giselle, et l’encourageront à s’affirmer et se libérer de l’emprise d’Albrecht. Il tentera de la reconquérir, mais grâce à la bienveillance et la ténacité de son entourage, en défendant le bien Giselle vaincra le mâle. Elle sera libérée.
On ne réécrit pas l’Histoire, on raconte d’autres histoires. Martin Chaix est un artiste engagé. Motivé par l’apparition du mouvement “Me Too” il y a 5 ans, il réactualise l’image de la femme, ses droits, et sa liberté. Au delà des femmes, il accorde les mêmes légitimités aux hommes. Martin Chaix s’intéresse à la valeur du genre humain, peu importe qu’il soit un humain genré.
Dans un style aux influences classiques et modernes, les chorégraphies sont aérées, amples, marquées par la fougue des convictions du chorégraphe. Dans le 1er acte, les ensembles de couples et de danseurs sont puissants et précis. Cette création, sur pointes, qui mélange les techniques, révèle le niveau de grande qualité du Ballet Nice Méditerranée. Nous saluons ce travail complet et les belles interprétations de Veronica Colombo (Giselle), Zhani Lukaj (Albrecht), ainsi que Julie Magnon (Bathilde) et Théodore Nelson (Hilarion).
Martin Chaix n’a pas seulement mis a l’honneur la femme, sur scène. La musique originale d’Adolphe Adam a été complétée par deux pages symphoniques de Louise Farrenc, une compositrice qui est sa contemporaine, qui a écrit trois symphonies et d’autres œuvres, dont certaines ont été signées par son mari. Et pour cette création, l’Orchestre de l’Opéra de Nice était également dirigé par une femme, Béatrice Venezi, très applaudie.
Après l’instant de surprise de cette nouvelle version de Giselle, nous saluons le talent de Martin Chaix, la puissance de ses motivations, de ses émotions, et de son profond humanisme. Mais puisque toute l’œuvre est revisitée, de l’histoire aux personnages, jusqu’au dénouement et à la musique, nous sommes tentés de nous demander pourquoi, avec de telles capacités créatrices, ne pas avoir créé une œuvre nouvelle, à part entière et indépendante. Quoiqu’il en soit, et avec certitude, le talent et la sensibilité de Martin Chaix sauront à nouveau nous émouvoir.
Et en ces Fêtes de fin d’année soyez en certains, les soirées sont très belles à l’Opéra de Nice. #beauspectacle !
SATINE
21 décembre 2023