Une situation assez inédite dans l’histoire de l’opérette, tout au moins pour la période dite « classique ». Il était donc intéressant de découvrir cette rareté (de nos jours) sur une scène tout en nous souvenant que Robert Stolz est l’un des musiciens qui a collaboré à la célèbre Auberge du Cheval Blanc aux côtés d’autres compositeurs comme Ralph Benatzky, Bruno Granichstaedten et Robert Gilbert.
L’intrigue de cette opérette est assez mince. Une jeune fille Marika, quelque peu naïve, débarque à Vienne sur le Prater et reçoit la prédiction d’un forain lui annonçant qu’elle tombera amoureuse et sera également aimée du premier homme qu’elle rencontrera. Et de fait la prédiction se réalise le soir même avec le caporal Willi Sedimaier musicien dans l’armée et en outre compositeur. Ce dernier a écrit une marche qu’il fait entendre dans le salon de la femme du Grand Chambellan de l’empereur laquelle est scandalisée en raison de l’interdiction d’exécuter ce type de musique sans l’accord de l’empereur. Willi risque en conséquence une lourde peine d’emprisonnement. Mais Marika parviendra à franchir les grilles du château de Schönbrunn et à plaider auprès de l’empereur lui-même la cause de son tendre amoureux. L’empereur compréhensif, acceptera finalement que la marche soit jouée et donnera même sa bénédiction à l’union des deux tourtereaux. Bien entendu ce fil si simple se double de multiples intrigues secondaires avec d’autres personnages et de rebondissements aux fins d’agrémenter l’action.
Comme celle-ci se déroule sur plusieurs tableaux, le metteur en scène Michael Lakner – par ailleurs directeur du festival d’été de Baden – (mais aussi du Stadttheater qui propose une copieuse saison d’hiver) a judicieusement utilisé un plateau tournant qui permet de passer très rapidement d’un lieu à un autre, C’est ainsi que l’on se trouve successivement pour le premier acte au Prater, puis dans un théâtre en plein air ambulant, dans la loge de la chanteuse Hansi Gruber, dans la boulangerie de Therese Hübner, dans les salons de Klothilde von Laudegg. Au deuxième acte on passera des guinguettes de Grinzing, à la salle d’audience du Grand Chambellan et des grilles du Château de Schönbrunn jusqu’aux appartements privés de l’empereur pour revenir à un final joyeux sur le Prater. Tous ces nombreux tableaux donnent à l’œuvre une allure d’opérette à grand spectacle avec notamment, plusieurs attrayantes interventions chorégraphiques signées Anna Vita. Sur le plan de la partition, on entend une musique allègre, c’est la somme de toutes les thématiques viennoises, de la valse à la marche en passant par la czardas.
Le théâtre d’été (Sommerarena) nous propose une distribution comprenant de nombreux interprètes sous la direction extrêmement allègre et dynamique du chef Michael Zehetner à la tête de l’excellent orchestre de Baden qui assure en cette ville les saisons d’été comme d’hiver.
On retrouve quelques artistes qui avaient été applaudis à Bad Ischl alors que Michael Lakner y assumait la direction du Festival Lehár. Verena Barth-Jurca y fut notamment Valencienne de La Veuve Joyeuse ou encore Gigi dans la comédie musicale de Frédérick Loewe. Elle dessine ici une pétillante Marika qui, sous des aspects d’apparente naïveté, arrive néanmoins en toutes circonstances à ses fins. Chanteuse agréable et remarquable danseuse elle exécute avec aisance un brillant numéro de claquettes. Autre interprète renommée en Autriche : la soprano Miriam Portmann dans le rôle de la cantatrice adulée Hansi Gruber. On se souvient de ses prestations marquantes à Bad Ischl notamment dans Princesse Czardas, Le Comte de Luxembourg, Amour Tzigane ou encore dans la renaissance de l’œuvre de Kálmán, L’Impératrice Joséphine. Dotée d’une voix habituée à un répertoire qui exige des moyens étendus, elle côtoie un partenaire masculin qui lui donne une éloquente réplique en Clemens Kerschbaumer qui incarne avec beaucoup d’abattage le rôle du Lieutenant Gustl von Laudegg. Willi l’amoureux quelque peu naïf de Marika convient idéalement à Ricardo Frenzel Baudisch.
On trouve, en outre, dans cette opérette nombre de personnages pittoresques parfaitement croqués comme l’attaché de l’empereur Hofrat Neuwirth (Olivier Baier) portant beau et pourtant timide dans ses sentiments amoureux face à l’exubérante boulangère Therese Hübner de Kerstin Grotrian. Beppo Binder, habitué du festival, où ses rôles ne se comptent plus, est inénarrable en Swoboda coiffeur grande gueule, irascible et rival en amour d’Hofrat Neuwirth mais encore le timide Fritz (Jonas Zeiler) secrètement amoureux de Marika, la Klothilde von Laudegg insupportable comme il se doit – et incarnée par un homme (Gérald Pichowetz)- que son mari saura mettre au pas au dernier acte car ce Grand Chambellan de l’empereur a quand même son mot à dire en-dehors des affaires de l’état et Roman Frankl, lui donne comme il sied toute son épaisseur . Quant à Günter Tolar il fait preuve de toute la bonté qu’il convient à l’empereur François Joseph vieillissant. Citons les pimpants décors d’Erich Uiberlacker et les seyants costumes de Friederike Friedrich lesquels contribuent, avec la mise en scène habile et alerte de Michael Lakner, au plaisir des spectateurs.
Marie-Catherine Guigues
18 août 2023
Direction musicale : Michael Zehetner
Mise en scène : Michael Lakner
Chorégraphie : Anna Vita
Costumes : Friederike Friedrich
Décors : Erich Uiberlacker
Hansi Gruber, chanteuse : Miriam Portmann
Willi Sedimaier, caporal : Richardo Frenzel Baudisch
Gustl von Laudegg, premier lieutenant : ClémensKerschbaumer
Thérèse Hübner, maître-boulangère : Kerstin Grotrian
Marika, sa nièce : Verena Barth-Jurca
Fritz, apprenti boulanger : Jonas Zeiler
Hofrat Neuwith, Conseiller à la Cour : Olivier Baier
Friedrich von Laudegg, Grand Chambellan de l’empeur : Roman Frankl
Klothilde von Laudegg, sa femme : Gérald Pichowetz
Swoboda, coiffeur / voiturier : Beppo Binder
L’empereur : Günter Tolar
Mittermeier, sergent : Mario Fancovic
Orchestre, chœur et ballet du Festival de Baden.