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Une Madame Pompadour musicalement « rénovée » pour le 150e anniversaire de la naissance de Leo Fall au Festival Lehár de Bad Ischl

Une Madame Pompadour musicalement « rénovée » pour le 150e anniversaire de la naissance de Leo Fall au Festival Lehár de Bad Ischl

mercredi 16 août 2023
Maximilian Mayer et Julia Koci ©Fotohofer
Parmi la vingtaine d’opérettes du compositeur autrichien Leo Fall (1873-1925) les plus connues sont certainement : Der fidele Bauer (Le Joyeux paysan)  (1907), Die Dollar Prinzessin (Princesses Dollar) (1907), Die geschiedene Frau (La Divorcée) (1908), Die Rose von Stambul (La Rose d’Istambul) (1916) et Madame Pompadour (1922)(1)

L'opérette "Madame Pompadour" est l'avant-dernière œuvre scénique de Leo Fall (de son vivant) sur un livret de Rudolf Schanzer et Ernst Welisch, créée à Berlin le 9 septembre 1922 au Berliner Theater à Berlin (avec la très célèbre chanteuse Fritzi Massary) et sans doute l’une des plus réussies. 
Il existe une version française de cette opérette sur un livret et des paroles d’Albert Willemetz, Max Eddy et Jean Marietti créée à Paris le 16 mai 1930.

L’argument de Madame Pompadour 

La Pompadour file discrètement incognito avec Belotte, sa camériste, à l’auberge du jardin des muses où l’on s’amuse follement tandis que Joseph Calicot chante des couplets satiriques à propos de la maîtresse du roi. Le comte René Dubois, très attiré par la marquise, l’invite après la fête à le rejoindre en un lieu discret. Belotte et Calicot se font pour leur part mille grâces. La Pompadour repère Maurepas ministre de la justice qui la piste et décide de le rouler en l’alertant sur une prétendue conspiration. L’auberge est alors encerclée par les militaires. La marquise désigne Calicot et René comme conspirateurs mais s’interpose néanmoins pour les ramener à Versailles décrétant leurs peines : René entrera dans son régiment en tant que garde du corps particulier et Calicot écrira un spectacle à sa gloire personnelle pour le théâtre royal. 
Madeleine, la femme de René, part à la recherche de son mari disparu. Une lettre de son père la dirige vers la marquise qui découvre que Madeleine est sa demi-sœur. Cette dernière montre à la Pompadour un portrait de son mari qui permet à la marquise de reconnaître René. Il est son beau-frère, et une amourette avec lui s’avère désormais impossible.
Maurepas croit avoir trouvé en Calicot l’amant de la marquise. Il le fait savoir au roi qui, revenant de la chasse, entre à l’improviste dans la chambre à coucher de sa maîtresse et y trouve René en discussion avec la marquise. Le prenant pour Calicot, ainsi que le lui a signalé son ministre, il ordonne son exécution sur l’heure. Le poète, à l’énoncé de son nom, bondit du coffre dans lequel il s’était enfermé. Quelle surprise lorsqu’il décline son identité ! Le roi comprend que cet amant ne peut en être un puisqu’il n’est pas l’homme qu’il a vu dans la chambre de la marquise.
Pour se faire pardonner de tant de soupçons le roi fait de sa marquise une duchesse. Madeleine peut à nouveau se blottir dans les bras de son mari. Calicot épousera Belotte et percevra des honoraires substantiels pour un spectacle qu’il n’a pas encore écrit. Quant à la Pompadour, elle songe déjà à son prochain amant… 

La « réorchestration » pour la nouvelle production de l’œuvre à Bad Ischl

Le Festival Lehár de Bad Ischl ne pouvait passer sous silence le 150è anniversaire de la naissance de Leo Fall, et c’est opportunément qu’il a mis à l’affiche Madame Pompadour. Les mélodies entraînantes et élégantes de Leo Fall alternent avec des numéros musicaux tendres et émouvants. Le compositeur approche avec malice et talent le genre savant de l’Opéra-comique.  
Mais les années 1920 sont aussi celles d’un bouleversement musical car, dès 1917, une nouveau genre de musique accompagne l'entrée des Etats-Unis dans la Grande Guerre : le jazz, encore sous sa forme embryonnaire dénommée « ragtime », débarque sur notre continent avec les orchestres militaires américains et va bouleverser les scènes européennes. Même si la musique de Leo Fall demeure pour une grande part dans la tradition de l’opérette viennoise classique, cette influence se fait néanmoins ressentir dans certaines tournures. Il n’y avait donc qu’un pas à franchir pour donner à cette opérette une allure parfois quelque peu plus« swing » et c’est au chef d’orchestre Christoph Huber et à ses collègues Matthias Grimminger et Henning Hagerdon – deux éminents musiciens – qu’incombaient cette tâche d’arrangement musical. Certains rythmes de marche ou de valses ont été complétés par ceux du foxtrot et du tango. 
En outre dans l’œuvre originale ne figuraient pas certains instruments de jazz. Ils ont donc rajouté dans l’orchestration : batterie, saxophone, banjo, sousaphone et d’autres cuivres saupoudrant en sus la partition de quelques nuances de Jazz contemporain. Le trio de musiciens s’est donc parfois attaché – sans modifier les notes de la partition (par exemple le saxophone joue exactement les notes de la clarinette) –  à lui donner une couleur plus « Jazzy » en se persuadant que le compositeur et les auteurs à l’époque auraient approuvé cette démarche. Ce travail s’est effectué essentiellement sur les passages par nature rythmés et en particulier sur les reprises de thèmes ou sur les séquences dansées tout en s’attachant à préserver la langueur et la sensualité des mélodies célèbres de la partition qui ne sont nullement altérées par cette réorchestration respectueuse de l’esprit de l’œuvre.
Cette Madame Pompadour – somme toute opérette assez classique de Léo Fall – propose dans sa nouvelle orchestration des passages trépidants à la manière d’une comédie musicale, incluant également des numéros de claquettes. Après que Joseph Calicot ait chanté ses couplets du premier acte suit une danse frénétique et moderne. (Mais aussi les chanteurs savent admirablement valser dans un style inimitable). Si le premier acte se termine par un « rantanplan allègre » qui n’est pas sans rappeler celui de La Force du destin de Verdi, le deuxième acte au Palais de Versailles – sur fond de colonnades et de tableaux aux cadres dorés – le menuet ne tarde pas à devenir une sorte de conga sur des rythmes sud-américains. On y voit encore un ballet où garçons et filles ressemblent à des meneurs de revue pourvus de colliers à la manière de Joséphine Baker. Lorsque le roi XV (Claudiu Sola) apparaît c’est pour exécuter un brillant numéro de claquettes

Une « revue-opérette » trépidante dans la mise en scène de Thomas Enzinger

Le Directeur du Festival Thomas Enzinger avait annoncé vouloir faire de Madame Pompadour une grande « opérette-revue » pour un public d’aujourd’hui qui soit un véritable feu d’artifice ou se mêleraient musique, danse et passion, frivolité et romantisme. Il s’est octroyé la mise en scène de Madame Pompadour dont il est également le « fil rouge » en se glissant dans les atours du majordome de la marquise mais aussi du maître de cérémonies. Lorsque l’on pénètre dans la salle, un mannequin est à l’avant-scène que danseurs et danseuses viennent habiller en marquise pendant tout le long de l’ouverture tandis que le maître de cérémonie la parfume. 
Le ton est donné et Thomas Enziger s’applique à ce qu’il n’y ait aucun moment de répit dans sa mise en scène, particulièrement mouvante, animée et électrisante. Il faut dire que les décors (Sabine Lindner) d’une élégance raffinée participent à cette ambiance ainsi que les fastueux costumes très diversifiés (Sven Bindseil) qui contribuent à ce climat érotique permanent. Ainsi la marquise comme sa suivante Belote portent elles, certes des robes larges à cerceaux, mais dont la transparence ne cache rien de leurs jambes ni de leurs porte-jarretelles. 
Dans ce palais, comme au premier acte, s’égaye avec une fantaisie débridée le couple formé par le chansonnier Joseph Calicot (Kaj-Louis Lucke) et Belotte. 
Les dialogues sont mis au goût du jour, d’autant plus que le Maître de cérémonie multiplie les clins d’œils politique à la pièce. Il y a beaucoup de costumes historiques et de jeux de couleurs, de badinages, frivoles et lascifs, à l’image d’une revue des années 1920. 

La distribution

Une fois de plus, on peut faire ici le constat récurrent que les artistes peuvent être dotés de fort belles voix, mais également être parfaits comédiens tout autant que danseurs accomplis comme il en est du couple principal formé par Julia Koci et Maximilian Mayer. 
Julia Koci qui – comme dans tous les pays germaniques ne faisant aucune distinction dans les « genres » musicaux – dispose d’un vaste répertoire allant de Verdi, Puccini et Bizet à la comédie musicale en passant par Mozart convainc à tous égards dans une Pompadour raffinée et sensuelle à l’instar de Maximilian Mayer coutumier des emplois mozartiens qui incarne à ses côtés un Comte René séduisant et de fière allure. 
On retrouve avec plaisir Loes Cools qui fut sur cette même scène une charmante Stasi de Die Csárdásfürstin en 2021 et qui confère à Belotte, tout le piquant nécessaire de manière identique à  Kaj-Louis Lucke (spécialiste de la comédie musicale) qui l’an dernier s’était également, in loco, illustré en Fritz Steppke dans Frau Luna de Paul Lincke.
Le ministre de la Police et son informateur, sont parfaitement croqués dans leur noirceur comique, qu’il s’agisse de Maurepas (Aldred Rauch) qui poursuit de sa vindicte la marquise, ainsi que son âme damnée Poulard (Markus Raab) tout aussi pittoresque, revêtu d’un costume aux ailes de chauve-souris.
Une mention doit être décernée pour l’interprétation très sensible d’ Elisabeth Zeiler en Madeleine sans oublier Claudiu Sola pour son aplomb dans Louis XV… et sa maîtrise dans les pas de claquettes !  
Le merveilleux orchestre du Festival étincelle sous la direction alerte et nécessairement experte – du fait de son travail d’adaptation – de Christoph Huber. Les mêmes louanges que pour les ouvrages précédents doivent être adressées au chœur et au ballet.

Marie-Catherine Guigues
16 août 2023

(1)Toutes ces opérettes ont fait l’objet d’enregistrements discographiques chez la firme CPO à l’exception de Die geschiedene Frau parue sous le label Line Music.

Direction musicale : Christophe Huber
Mise en scène : Thomas Enzinger
Chorégraphie : Evamaria Mayer
Stepp-chorégraphie : Astrid Nowak
Décors : Sabine Lindner
Costumes : Sven Bindseil
Conception lumière : Johann Hofbauer

La Marquise de Pompadour : Julia Koci
Belotte, sa servante : Loes Cools
Comte René : Maximilian Mayer
Joseph Calicot, poète : Kaj-Louis Lucke
Roi Louis XV : Claudiu Sola
Ministre de la Police Maurepas : Alfred Rauch
Poulard, un informateur au service de Maurepas : Markus Raab
Madeleine : Elisabeth Zeiler
Collin, majordome de la Marquise de Pompadour : Thomas Enzinger
Prunier : Tim Winkelhöfer

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