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FRIDA KAHLO, MA RÉALITÉ, AU THEATRE FRANCIS GAG DE NICE

FRIDA KAHLO, MA RÉALITÉ, AU THEATRE FRANCIS GAG DE NICE

vendredi 10 mars 2023
Bénédicte Allard © Meghann Stanley

Standing ovation pour ce seule en scène au théâtre Francis Gag de Nice ! La lumière s’assoupit sur le vibrant autoportrait aux cheveux coupés de Frida Kahlo, assise sur sa chaise jaune… libérant une larme libre ! 
 
Une minute ! Deux minutes ! Trois minutes d’applaudissements !?… Combien d’heures ? Fort, très fort ! Fort comment ? Fort comme un cœur qui veut vivre, un cœur qui veut croquer la pomme à pleines dents ! La pomme d’Adam, ici Diego, l’homme aimé de Frida et représenté par ce fruit de la tentation à qui elle parle et avec qui elle pose sur son tableau invisible, délimité par un cadre noir, flottant dans le vide scénique. Diego Rivera, le grand artiste mexicain qu’elle nomme comme « son second accident de vie », cumulé à celui, corporel, du bus où elle fût grièvement blessée à l’âge de 18 ans.
 
Lumineuse, elle était ; talentueuse elle est ; victorieuse elle sera ! Frida Kahlo, interprétée mais aussi écrite par Bénédicte Allard, c’est bien elle ! Avec ce cran, avec ce chien qui plaît aux hommes comme aux femmes : « ce que je vois, moi, c’est le cœur, le centre, là où palpite un état, une promesse ; là où bat la symbiose de l’âme et du sang ». Frida l’avant-gardiste, aime l’être avant le genre.
 
Comme elle lui ressemble, Bénédicte, avec son regard noir et pointu comme une flèche visant sa cible ;  avec ses lèvres rouge-passion, rouge révolution, défiant toute sensualité comme toute réplique : « J’ai couché avec la peinture ! » ; avec ses fleurs vives poussant dans ses cheveux longs qu’elle coupe sur scène comme une provocation ; avec sa robe colorée d’allégresse mexicaine (1); avec son franc-parler et son verbe espagnol (2) qui la tatoue tout autant que sa jambe raide qu’elle traîne sur la scène comme elle porte sa croix ; avec son caractère entier, fait de ouis et de nons, mais jamais de peu d’être. On l’imagine comme ça, vraiment comme ça, la Frida en chair et en os, disloquée et brisée, mais dressée vers le ciel, le bleu-ciel d’un pont vers…. Magdalena Frida Carmen, comment être autrement avec un tel nom !?
 
Bénédicte Allard l’a étudiée longtemps, intensément lors de ses études de philosophie et de psychologie, avant d’accoucher de ce chef d’œuvre. Dans son mémoire sur le concept d’effondrement, elle rencontre d’abord la femme, puis l’artiste, phœnix renaissant de chaque brisure physique ou psychique. « J’étais seule, lance l’unique héroïne, je suis seule, on est tous seuls. Je l’ai juste appris très tôt ». Attirée, aspirée par le personnage, l’auteure écrit ses maux comme un hymne à la vie : « Je courrai toujours plus vite que toi, persifle Frida du haut de sa béquille, à Diego, son alter ego, parce que j’ai la mort à mes trousses!»
 
Dans un décor décortiqué, sans squelette ni colonne, tout existe sans structure : un pot de pinceaux loin de ses peintures, une table d’inversion où le corps de l’artiste peintre se renverse… Quelle est sa réalité ??? Ce sont ses fractures, ses éclats de carcasse, ses fragments d’histoires, ses accrocs du destin, ses décombres d’énergie, ses cendres d’existence d’où jaillit… l’Amour! « Te quiero », répète-t-elle en embrassant sa jambe qui la ferre pourtant une vie entière, bien qu’un an après l’avoir perdue par amputation à cause d’une gangrène, elle se perde elle-même en quittant la vie, juste après avoir écrit au cœur de son dernier tableau : « Viva la Vida » (« Vive la Vie »). « J’aime dire j’aime, j’aime dire je t’aime. J’aime te dire je t’aime. Excuse-moi de répéter autant le mot aimer, mais c’est important. Il faut dire j’aime. Il faut dire je t’aime. Je t’aime !!! » lance-t-elle hardiment au public.
Sa réalité?… « l’Amor et la Mort ». 
 
La voilà qui s’adresse au public, en se montrant simplement elle-même, sans artifices. Même ses mots crus comme ces «hijo de puta» ne sont pas vulgaires tant ils sonnent vrais. Frida Kahlo, quel culot ! La voici qui donne à son auditoire une leçon de peinture et pose en modèle, baignée dans les éclairages (3) alternant les couleurs porteuses de symboles et d’ombres portées.
 
Des spectres de tableaux encadrés sans images évoquent son art sans le supplanter : « On ne va pas faire une exposition ici, explique Clément Althaus, le metteur en scène, à Bénédicte alors qu’elle a fièrement imprimé pour les répétitions plusieurs tableaux de l’artiste mexicaine. Regarder une toile, c’est choisir un temps où prendre son temps. Ce n’est donc pas le lieu d’un théâtre. On évoquera plutôt les tableaux et la vie de l’artiste par des symboles » : ici, une casquette rouge pour Alex, son premier amant, Alejandro Arias ; là, un appareil photo incarnant son père photographe ; ailleurs, des tranches d’agrumes plantées une à une pour que vivent ses natures mortes… « La toile, c’est la scène ! », conclut Clément. 
 
Et dans ces particules d’espace éclaté, des atomes de temps explosent la ligne chronologique, s’entrechoquent autour de sa dernière exposition de 1953, qui pour la première fois -et la dernière-, lui sera entièrement consacrée ; des billes d’instants hoquettent soudain dans des bulles de soupirs, dans des gouttes de piano, nées de l’inspiration de Clément Althaus également créateur musical, suffisamment douces pour évaporer la douleur, expirer un nuage anesthésiant, coloniser des molécules de rêves, absorber des poussières de trêve. Pouce ! La poésie vive des planches et de la prose plonge subitement ses denses émotions dans l’apesanteur…
 
Une seule en scène, née de la rencontre « évidente » de deux immenses talents, celui d’une auteure et actrice exceptionnelle ; celui d’un metteur en scène et artiste (4) virtuose de l’espace et du temps… Allez donc trouver un(e) one (wo)man show où aucune seconde ne s’étire sur l’autre, où pas un œil ne s’alourdit, où nul mot ne bourdonne!!!
 
Kahlo ? Un cadeau… de vie, à offrir sans compter à tous ceux qui manquent encore de foi en l’impossible !!! C’était dans les années mille neuf cents avec Frida, c’est aujourd’hui avec Bénédicte !
Kahlo ? Y aller au galop ! (5)
 
Nathalie Audin
10 mars 2023
 
 
(1) Costumes : Babette Puget
(2) Référent linguistique : Jérôme Besse
(3) Lumières : Raphaël Maulny
(4) Metteur en scène, comédien, musicien, interprète, compositeur, chanteur lyrique :  https://www.start361.com/
(5) Suivre l’artiste : https://www.benedicteallard.com/actrice  

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