Si l’opéra Gli Uccellatori de Florian Leopold Gassmann a été repris ces dernières années, en Allemagne en particulier, c’est bien en première italienne qu’il est proposé au Festival della Valle d'Itria. Créé en 1759 au Teatro di San Moisè de Venise, l’opéra en trois actes sur un livret de Carlo Goldoni met en scène sept rôles et les diverses intrigues amoureuses qui se lient, et se délient, entre eux.
Les trois oiseleurs Cecco, Pierotto et Toniolo sont d’abord tous amoureux de la servante Roccolina, tandis que cette dernière, mais aussi la comtesse Armelinda et l’autre servante Mariannina sont éprises de Cecco. Quant au marquis Riccardo, il reste fidèle en amour à la comtesse Armelinda, prêt à lui donner son cœur du début à la fin… figure cruelle tout de même quand il charge Pierotto d’éliminer son rival Cecco. Mais l'entreprise échoue et contribue à un dénouement heureux avec trois couples constitués : la paire noble entre la comtesse Armelinda et le marquis Riccardo, aux côtés de Roccolina et Cecco d’une part et Mariannina et Toniolo de l’autre. Dans l’allégresse générale, seul le méchant de l’histoire Pierotto ne trouve pas l’âme sœur, faisant finalement vœu de chasteté.
Sur la toute petite scène du Teatro Verdi, Jean Renshaw règle un spectacle animé qui enchaîne avec naturel, et une dose appréciable d’humour, entre les tableaux successifs. La scénographie de Christof Cremer installe l’action dans un espace entre intérieur et extérieur : un praticable très incliné qui comporte une trappe par laquelle entrent certains personnages, un beau lustre suspendu et quelques objets sur des étagères de la paroi du fond, mais aussi un cadre de scène aux motifs de branches et d’oiseaux. Comme Papageno dans la Flûte enchantée, les oiseleurs tentent d’attraper des volatiles, mais c’est la danseuse Emanuela Boldetti qui nous les suggère ici. Elle est sur scène tout au long de la représentation et agite régulièrement deux éventails, comme des ailes. Les costumes relèvent également de la meilleure fantaisie, comme la coiffe de la comtesse en forme de nid et ses œufs au centre. Une chaise-haute, est aussi placée en fond de plateau, non pour arbitrer un match de tennis, mais pour le vrai-faux jugement (quand Roccolina se déguise en juge) des trois oiseleurs arrêtés après la tentative d’assassinat.
Composée des artistes de l’Accademia del Belcanto “Rodolfo Celletti” 2023, soit l’académie de chant du Festival, la distribution vocale est globalement homogène. Celle-ci est tout de même dominée par sa partie féminine, en premier lieu la soprano Bryndis Gudjónsdóttir en comtesse Armelinda, dotée de moyens généreux même si certains aigus sont émis à la limite du cri. Elle a fort à faire au cours de son air très développé en vocalises « Palpitare il cor mi sento », véritable air de bravoure chanté avec panache. Un peu discrète dans la partie grave, l’autre soprano Angelica Disanto tient vaillamment le rôle de Mariannina ; on sourit volontiers lorsqu’après avoir finalement essuyé un refus de la part de Cecco, elle déclare subitement sa flamme à Toniolo ! Le rôle de Roccolina est plus développé, attribué à la mezzo Justina Vaitkute, belle voix sombre assez égale sur la tessiture, qu’on apprécie au mieux dans son très bel air « Il mesto rusignolo » du deuxième acte.
Côté masculin, on retient d’abord le Cecco d’Elia Colombotto, noble et dense timbre de baryton dans le médium qui le prédispose pour un Papageno ou un Don Giovanni, même si les deux extrémités de la voix sonnent avec moins de robustesse. Faisant son entrée en scène en lunettes de soleil et manteau de fourrure, le Pierotto du baryton-basse Huigang Liu se montre sonore, tandis que les deux ténors Massimo Frigato (Riccardo) et Joan Folqué (Toniolo) délivrent de très jolis moments. Le premier dans son air doloriste « Pria vuo lasciar di vivere », un peu en limite d’agilité sur les phrases vocalisées les plus longues et difficiles, le second au cours de « Roccolina bella, bella » tout aussi élégiaque, seul l’extrême aigu sonnant avec moins de charme.
Placé à la tête de l’orchestre ICO della Magna Grecia au son agréable dans son ensemble mais parfois moins séduisant par pupitres séparés, les quatre premiers violons en particulier, le jeune chef Enrico Pagano dirige une musique vive et dynamique. Il faut dire que les 21 musiciens de la formation jouent au niveau du parterre devant la scène, cette disposition étant parfois défavorable à la perception des voix depuis la salle, lorsque l’orchestre joue à plein. Après l’ouverture en plusieurs sections, puis l’alternance entre récitatifs et airs, la musique est tout à fait dans la ligne d’un Mozart ou d’un Haydn, une musique tout à fait originale sans aucun soupçon de plagiat avec un très jeune Mozart de 3 ans au moment de la création de l’ouvrage en 1759 ! A noter aussi ce soir les introductions des deux derniers actes au clavecin seul, qui forment de très beaux passages poétiques, pendant que la danseuse effectue de lentes pantomimes sur scène.
Irma FOLETTI
5 août 2023
Gli Uccellatori, opéra de Florian Leopold Gassmann
Martina Franca, Teatro Verdi le 5 août 2023
Direction musicale : Enrico Pagano
Mise en scène : Jean Renshaw
Décors et costumes : Christof Cremer
Lumières : Pietro Sperduti
Artistes de l’Accademia del Belcanto “Rodolfo Celletti” 2023
La Contessa Armelinda : Bryndis Gudjónsdóttir
Il Marchese Riccardo : Massimo Frigato
Roccolina : Justina Vaitkute
Cecco : Elia Colombotto
Mariannina : Angelica Disanto
Pierotto : Huigang Liu
Toniolo : Joan Folqué
Orchestre : ICO della Magna Grecia