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Festival della Valle d’Itria : Il Turco in Italia à Martina Franca

Festival della Valle d’Itria : Il Turco in Italia à Martina Franca

vendredi 4 août 2023
© Clarissa Lapolla
LE TURC ROSSINIEN À LA PLAGE ITALIENNE

Fidèle à sa tradition, la 49ème édition du Festival della Valle d'Itria met plusieurs raretés à son affiche. A côté de Il Paese dei Campanelli de Carlo Lombardo et Virgilio Ranzato, L’Orazio de Pietro Auletta, L’adorable Bel-Boul de Jules Massenet et Gli Uccellatori de Florian Leopold Gassmann (compte-rendu prochainement pour celui-ci), Il Turco in Italia de Rossini n’est certes pas le titre le plus inhabituel, étant proposé régulièrement dans les théâtres. Mais c’est une curiosité tout de même, puisqu’il s’agit ce soir non pas de la version originale créée à La Scala de Milan en 1814, mais de celle modifiée pour les représentations données à Rome l’année suivante.
On peut noter de nombreuses rectifications, parfois de détails dans les orchestrations, ainsi que de temps à autre des suppressions ou ajouts plus substantiels. Il en va ainsi de l’habituelle cavatine d’entrée de Fiorilla « Non si dà follia maggiore » remplacée par « Presto amiche, a spasso, a spasso », air alternatif pas inconnu toutefois des oreilles rossiniennes (le personnage de Lisetta le chante dans La Gazzetta). Le premier air de Don Geronio a par ailleurs disparu, mais un autre assez long se fait entendre au second acte « Se ho da dirla, avrei molto piacere », ou bien encore l’ajout de la reprise de la cabalette à la fin de la grande scène de Fiorilla « Squallida veste e bruna ».

Le chef Michele Spotti amine cette partition avec goût et énergie, placé à la tête des forces du Teatro Petruzzelli de Bari. Les conditions ne sont cependant pas idéales pour l’écoute, en présence d’un vent qui souffle par moments avec force à l’intérieur de la cour du Palazzo Ducale, jusqu’à faire trembler les bâches installées en toiture de la scène. La qualité technique des instrumentistes ne s’en trouve pas perturbée, on apprécie les soli virtuoses des cuivres et des bois, sollicités assez tôt au cours de l’ouverture. Les nuances indiquées par le chef italien, nommé directeur musical de l’Opéra de Marseille à partir de la saison 2023 – 2024, sont suivies fidèlement par la formation, par exemple une touche piano dans la reprise d’un morceau d’ensemble qui amène une finesse supplémentaire dans l’exécution de la musique. Les connaisseurs peuvent aussi détecter au pianoforte des bribes de phrases mozartiennes qui proviennent de la Zauberflöte, Così fan tutte ou Le Nozze di Figaro… Les chœurs masculins du Petruzzelli, dissimulés derrière des tentures noires de part et d’autre de l’orchestre, chantent quant à eux avec enthousiasme, dans une idéale coordination de l’ensemble. 

Ramenée dans les années 1960, la mise en scène de Silvia Paoli opte pour un traitement franchement bouffe de l’ouvrage. Sur fond de carte postale « Baci dai Bagni Geronio », nous voici sur une plage de la région des Pouilles où rien ne manque, entre cabines de bain, chaises longues et parasols. Don Geronio est donc le gérant des lieux sous son chapeau de paille, Fiorilla la dernière « Miss Puglia », Don Narciso le surveillant de baignade (« bagnino »), Prosdocimo le facteur qui amène régulièrement le courrier et Selim un chanteur à la mode dont des affiches annoncent la venue (« Il Turco Club Band in concerto »). Les zingari (bohémiens) du livret sont ici membres d’une secte baba-cool, avec Zaida et Albazar qui fument un gros pétard. Les gags s’enchaînent avec frénésie, drôles souvent, mais à la limite du scatologique parfois, par exemple quand on ouvre la cabine n°1 pour découvrir Prosdocimo en train d’écrire assis sur le trône… On délaisse sensiblement les activités de plage au second acte, en présence d’une large table de banquet installée en travers et l’ambiance davantage nocturne de la fête masquée au cours de laquelle l’identité des personnages s’égare par séquences.

Dans le rôle-titre du Turc Selim, la basse Adolfo Corrado dispose d’une voix richement timbrée et séduisante, dotée d’une forte projection, à l’exception de la zone de l’extrême grave plus discrète en volume. Son entrée en scène (« Bella Italia alfin ti miro ») comme une rock star derrière son micro, en habits colorés alla Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles, fait belle impression, avec la souplesse attendue pour les passages d’agilité. Très belle en scène et jouant régulièrement de sa plastique irréprochable, c’est dans le registre aigu que la Fiorilla de Giuliana Gianfaldoni charme le plus, un instrument aérien capable de notes comme suspendues en mezza voce. Elle est toutefois mise plusieurs fois en difficulté dans les passages les plus rapides de la partition, en baissant en qualité d’intonation dans les phrases les plus fleuries. Giulio Mastrototaro, en Don Geronio est une basse solide et sonore, démontrant un abattage certain pour le chant sillabato de son air du II.

On est un peu moins enthousiaste à l’écoute de Manuel Amati en Don Narciso, timbre pincé émis dans le masque, ténor toutefois plein de bonnes intentions en termes de grammaire rossinienne, vocalises, excursions vers la zone aigüe ou délicatesse de certaines phrases. La voix de Gurgen Baveyan en Prosdocimo est plus robuste, expressive et d’une bonne homogénéité sur toute la tessiture. Ekaterina Romanova et Joan Folqué complètent agréablement pour les rôles secondaires de Zaida et Albazar. 

A noter qu’à l’entracte a été attribué à Pier Luigi Pizzi le Premio del Belcanto Rodolfo Celletti, expert vocal, qui avait fortement contribué à la notoriété et au développement du Festival. Remis à une majorité de chanteurs et chanteuses, depuis Mariella Devia en 2010 jusqu’à Grace Bumbry l’année dernière, Pizzi est le premier metteur en scène à recevoir ce Prix. Après 72 ans de carrière et quatre réalisations à Martina Franca – La Grande-Duchesse de Gérolstein (1996), Francesca da Rimini de Mercadante (2016), Il Matrimonio segreto (2019) et Ecuba (2019) – Pier Luigi Pizzi, bon pied bon œil à 93 ans, remercie les organisateurs et le public, en ayant une pensée émue pour Lucia Valentini-Terrani qui interprétait la Grande-Duchesse ici-même en 1996, déjà atteinte par la maladie.

Irma FOLETTI
4 Août 2023

Direction musicale Michele Spotti
Mise en scène Silvia Paoli
Décors Andrea Belli
Costumes Valeria Donata Bettella
Lumières Pietro Sperduti

Selim
Adolfo Corrado, basso

Donna Fiorilla
Giuliana Gianfaldoni, soprano

Don Geronio
Giulio Mastrototaro, basso

Don Narciso
Manuel Amati, tenore

Prosdocimo
Gurgen Baveyan, basso

Zaida
Ekaterina Romanova, mezzosoprano

Albazar
Joan Folqué, tenore

Orchestre du Teatro Petruzzelli de Bari
Chœurs du Teatro Petruzzelli de Bari
Chef des chœurs  Fabrizio Cassi
 

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