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​Eine nacht in Venedig (Une nuit à Venise) Baden bei Wien (Autriche)

​Eine nacht in Venedig (Une nuit à Venise) Baden bei Wien (Autriche)

vendredi 13 août 2021
Ivana Zdravkova, ​Iurie Ciobanu et Verena Barth-Jurca / photo Christian Husar

Le public français se désespère souvent de voir que la place de l’opérette et la comédie musicale en France est réduite à la portion congrue. Un voyage musical en Autriche permet de découvrir alors une toute autre situation. Baden, ville d’eau bien nommée, qui vient récemment d’être inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des grandes villes d’eaux d’Europe, ne compte pas moins de deux grands théâtres : un théâtre d’été (Sommerarena à toit amovible) et un théâtre d’hiver. Cela laisse rêveur pour une ville de 26.000 habitants surtout au vu des nombreuses programmations particulièrement intéressantes qui y sont proposées tout au long de l’année… 
Malgré la pandémie et les restrictions une œuvre avait quand même été maintenue pour la saison d’été 2020 de cette station touristique réputée Die Blaue mazur (La Mazourka bleue) entreprise audacieuse alors que la majorité des salles de spectacles avaient annulé toutes leurs saisons.
Cette année, malgré quelques légères modifications, ce ne sont pas moins que deux opérettes présentées en version scénique Eva de Lehár et Ein nacht in Venedig (Une nuit à Venise), une version concertante de la comédie musicale Nine de Maury Yeston ainsi qu’un un grand concert d’opérettes qui ont ponctué l’été avec des représentations données pratiquement tous les jours depuis le mois de juin.
Baden est située à une trentaine de kilomètres de Vienne et on comprend que nombre de viennois fassent le déplacement pour ce festival dont la réputation n’est plus à faire et surtout pas usurpée comme on le constatera en s’installant pour écouter dans une salle comble Une nuit à Venise de Johann Strauss. Cette opérette avait été créée en 1883 à Berlin parce que Johann Strauss avait refusé de faire jouer sa pièce dans la capitale autrichienne en raison de la liaison de sa femme avec le directeur du Théâtre de Vienne. L’œuvre connut ensuite un grand succès d’autant que les plus grands chanteurs comme Richard Tauber l’avaient mise à leur répertoire.
Thomas Smolej metteur en scène de théâtre réputé réalise là sa deuxième mise en scène d’opérette. Il a d’ailleurs été nominé pour le prix du théâtre musical autrichien 2021 pour Die Rose von Stambul (La Rose d’Istanbul) de Leo Fall donnée également à Baden. 
Pour cette Nuit à Venise, (compte tenu des restrictions sanitaires avec l’obligation quasi incontournable de supprimer l’entracte) Thomas Smolej réduit avec maîtrise l’ouvrage en une version d’un peu moins de 1h30 mais en préservant toute la partie musicale. « Ce qui m’importe c’est que la soirée soit rapide que le public soit entraîné dans l’histoire et qu’il ne s’ennuie pas à cause de répétitions interminables ». C’est avec ce credo que sa mise en scène “modernisée” d’ Une Nuit à Venise nous est présentée sans toutefois – et c’est là l’intelligence de son art – détourner et trahir les idées maîtresses de l’action. 

Ici le Duc Urbino devient un entrepreneur redoutable dirigeant une compagnie d’aviation dans laquelle nous croiserons les actionnaires et leurs femmes et plusieurs membres ou couples du personnel navigant. La fête de bal masqué à Venise devient une fête sur le thème des super-héros avec de magnifiques costumes d’Alexia Redl mêlant tenues historiques et tenues modernes.
Les décors stylisés de Monika Biegler resserrent l’action par un puzzle de maisons vénitiennes aux motifs géométriques comme ceux que l’on retrouve sur les costumes d’Arlequin qui s’intègrent avec bonheur à la scènographie. Saluons les débuts in loco de la chorégraphe Anna Vita proposant deux danseurs Jan Bezák et Natalia Bezák (sous les traits de Pierrot et Colombine) lesquels viennent apporter par leur danse et mouvements un habile contrepoint à l’intrigue de cette histoire.
Les cuivres et les bois de l’orchestre toujours pour des raisons sanitaires occupent les loges d’avant-scène et la baguette du chef d’orchestre Michael Zehetner met l’accent sur les parties de l’instrumentation qui permettent de donner à l’ouvrage une vie et une force voulues par le compositeur. 

Au niveau du chant, peut-on rêver meilleur ténor pour le personnage d’Urbino que le roumain Iurie Ciobanu au timbre de voix remarquable, aux aigus brillants et d’une facilité déconcertante et surtout un charisme et un abattage scénique qui justifient qu’à la Scala de Milan il ait recueilli un grand succès personnel dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg de R.Wagner. 
Le co-pilote Caramello de Clemens Kerschbaumer offre  un « Gondellied » tout en finesse et forme un couple très bien assorti avec la pétulante Annina d’Ivana Zdravkova.
Le cuisinier Pappacoda de Ricardo Frenzel Baudisch est tout aussi harmonieux avec la Ciboletta de la belle et brillante Verena Barth-Jurca 
Roman Frankl (Delaqua), Thomas Malik (Barbaruccio) et Beppo Binder (Testaccio), Susanne Hirschler (Barbara, la femme du sénateur Delaqua), Lukas Strasser (Enrico Piselli) et Sylvia Rieser (Agricola) complètent avec talent cette distribution. Signalons que pour toujours les mêmes raisons sanitaires ce sont tous ces interprètes qui remplacent les chœurs.
Cette production drôle et si bien traitée musicalement, vocalement et scéniquement a fait courir pendant plus de 2 mois un nombre incalculable de spectateurs enfin autorisés à pouvoir applaudir et saluer de leur enthousiasme cettE Nuit à Venise pendant laquelle ont brillé tant d’étoiles. 

Cécile Day Beaubié

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