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DON PASQUALE : LE RETOUR À Paris du dernier opéra bouffe DE DONIZETTI

DON PASQUALE : LE RETOUR À Paris du dernier opéra bouffe DE DONIZETTI

jeudi 14 septembre 2023
© Franck Ferville / OnP
180 ans après sa création à Paris au Théâtre-Italien, le public renoue avec Don Pasquale de Gaetano Donizetti, non pas sur cette scène aujourd’hui disparue, mais dans le cadre somptueux du Palais Garnier. C’est avec cet opéra bouffe, complètement en adéquation avec le goût des spectateurs parisiens de l’époque, que le compositeur obtint son véritable dernier triomphe. Donizetti a en effet composé une partition pétillante et étincelante qui confirme, en tant que de besoin, le génie comique du compositeur italien.

Le metteur en scène Damiano Michieletto qui reprend sa production présentée en 2018 et 2019 invite à un voyage dans le mode allègre de la comédie romantique à la fois drôle, douce, amère et mélancolique. Don Pasquale est un chef-d’œuvre d’humour, de verve et d’esprit qui tient essentiellement à un livret ciselé, simple et extrêmement efficace. Cet ouvrage représente la quintessence du style de l’opéra italien léger. Cette esthétique sera reprise et modernisée au cinéma une centaine d’années plus tard. Le parti pris du metteur en scène est de s’approprier ici ce concept pour le faire basculer dans notre modernité actuelle.

Le décor minimaliste de l’appartement du protagoniste représente un intérieur des années 60 en Italie. Après le passage de sa furie d’épouse, le logis de Don Pasquale deviendra des plus modernes et accueillants en reprenant tous les codes du luxe et de l’opulence. Des captations vidéo en direct retransmises en arrière-scène permettent de mieux apercevoir les mimiques et les manipulations liées à des changements de comportements des personnages. Cela met en évidence l’écart entre le fantasme et la réalité du personnage principal.

Don Pasquale est en effet présenté comme un vieil homme immature, au caractère enfantin, incapable de gérer ses émotions. Il évolue dans un appartement désuet de solitaire maniaque cramponné à ses habitudes qui l’isolent du monde. Proposant une lecture personnelle et attachante, le baryton Laurent Naouri, familier du rôle, joue sur le registre tragi-comique en donnant à voir un célibataire endurci, mais se pensant encore jeune et attirant. Le personnage est parfaitement crédible, mais tout aussi pitoyable qu’émouvant. A retenir particulièrement son air totalement décalé, par rapport à la tonalité générale de l’opéra, dans lequel il envisage le suicide. Malgré quelques failles dans la voix, il offre des graves sonores et bien projetés et galvanise ses partenaires dans les différents ensembles. 

Pour camper une incroyable Norina, il faut en avoir et les notes et le style. Julie Fuchs dessine une jeune femme à la fois piquante et même parfois quelque peu délurée. Comme bien souvent dans les opéras de Donizetti, les héroïnes féminines sont espiègles et ont toujours un coup d’avance sur les hommes, que ce soient de vieux barbons qui prétendent les épouser ou encore de jeunes amoureux transis un peu benêts. Cette affirmation se vérifie tout à fait dans la malicieuse interprétation de son air d’entrée. Elle prétend d’ailleurs « connaître les secrets pour embraser les cœurs, les charmes et les artifices pour séduire et la vertu magique pour inspirer l’amour ». Toutes les notes sont là et bien davantage ! La soprano française se permet même quelques variations pour attester son aisance dans ce répertoire. Elle emporte la totale adhésion du public et déclenche l’hilarité générale par son jeu de scène absolument savoureux, sa fraîcheur et parfois même son comportement à la limite de l’impertinence de jeune épouse.
Malatesta apparaît comme l’artisan du malheur de Don Pasquale. Il lui promet tout d’abord une jeunette belle comme un ange dans son air d’entrée tout en sachant qu’il va le duper pour servir la cause de son ami, le neveu déshérité de Don Pasquale. Florian Sempey, brille dans ce rôle, tant par son abattage scénique que par ses moyens vocaux parfaitement mis à profit. Le style est brillant et extrêmement intelligent. On ne peut qu’y adhérer sans concessions !
René Barbera (Don Ernesto) paraît moins à l'aise que ses trois virevoltants partenaires sur le plan théâtral. La voix est en revanche absolument magnifique avec des notes forte tenues et des diminuendo qui déclenchent instantanément des frissons. Ses lamentations sur son triste sort, alors qu’il est contraint d’abandonner la femme qu’il aime dans les bras de son vieil oncle, constituent une véritable leçon de chant, toute en retenue et remplies d’émotions. 

La cheffe italienne Speranza Scappucci ne parvient malheureusement pas à insuffler la magie et la légèreté nécessaires à l’ouvrage. Sa direction sobre et efficace demeure néanmoins assez éloignée de l’esthétique italienne attendue. Les chœurs bien préparés se font remarquer par leurs interventions ponctuelles percutantes. La basse Slawomir Szychowiak en notaire et Marie-Laure Grenier, en auxiliaire de vie complètent la distribution de cette soirée. 

Mettre en scène un opéra bouffe sans tomber dans le grotesque constitue un défi exigeant. Damiano Michieletto réussit par sa version modernisée et minimaliste de Don Pasquale à conserver les codes de la comédie, sans tomber dans un univers ennuyeux ou trop sophistiqué. Le succès de la production tient aussi au plateau réuni dont on ressent la très grande complicité et qui, tant sur le plan vocal que théâtral, offre aux spectateurs une délicieuse soirée entre rires et larmes.

Aurélie Mazenq
14 septembre 2023

Direction musicale Speranza Scappucci
Mise en scene Damiano Michieletto
Décors Paolo Fantin
Costumes Agostino Cavalca
Lumieres Alessandro Carletti
Vidéo rocafilms
Chef des Choeurs Alessandro Di Stefano
Orchestre et Choeurs de l’Opéra
national de Paris

Don Pasquale Laurent Naouri
Dottor Malatesta Florian Sempey
Ernesto René Barbera
Norina Julie Fuchs
Un notaro Slawomir Szychowiak

COPRODUCTION AVEC LE ROYAL OPERA HOUSE,
COVENT GARDEN, LONDRES ET LE TEATRO
MASSIMO, PALERME

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