« La vie n’est pas un conte de fées ! » C’est bien la raison pour laquelle Charles Perrault destinait ses contes non seulement aux enfants mais également aux adultes, en glissant nombres d’allusions aux mœurs de l’époque, toujours d’époque !  Dans ce véritable jeu de piste littéraire, cette pelote de sens psychologiques s’adressant à l’analyse comme à l’inconscient, il ne fallait pour rien au monde manquer la dernière création de Clément Althaus, prince des lettres et des arts, mousquetaire (Clément Athos !) de la mise en scène du chant, de la musique et de la comédie. Nul hasard si les institutions les plus prestigieuses de la région, au rang desquelles Anthéa, le programment régulièrement. (1)

Que de thèmes abordés par Perrault dans ce conte bleu comme la peur, rouge comme le diable, blanc comme la pureté de l’amour dans sa longue traine de voile de mariée, noir comme le désespoir, invisible comme la perversité !

« L’amour rend aveugle, et le mariage rend la vue ». Ainsi la pièce musicale scande-t-elle les imperfections de l’homme.  Seule une petite minorité de couples applaudit en réponse à la question lancée ouvertement au public : « lesquels d’entre vous sont-ils mariés ?». Et pour cause ! Le conte cible la douleur de la trahison conjugale, le supplice d’une confiance perdue, le malheur d’âmes pures trop naïves avides d’amour absolu, la manipulation régie par la cupidité, la tentation de l’interdit, la gâterie de l’enfant-roi qui enfreint les règles, la révolte féministe de la femme libérée, la souffrance d’un être hyper-sensible traumatisé dans sa plus tendre enfance et soumis à la colère de ses émotions indomptables, la déception face à une société humaine incapable de se civiliser dignement… Parbleu !  Tuer un criminel n’est-il pas commettre un crime de la même couleur ? Parier des billets sur l’amour vrai, comme le fait le conteur métamorphosé en animateur de jeux télévisés auxquels la foule participe allègrement et sans scrupules, n’est-il pas une ignominie ? Acheter l’amour est-il sensé ? Lequel d’entre nous n’est pas touché par l’une de ces faiblesses terriblement humaines ? C’est ce que clame Clément : « On a tous une barbe bleue !»

Dans un décor épuré, où l’orgue monumental verticalise la relation idéale, les protagonistes colorent la scène de notes de guitare et de coups percutés, de souffles de flutes et de chants – violons, de musiques irlandaises et de refrains d’enfance : « Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés… »  S’y mêlent une langue moliéresque à un humour sarcastique, la réalité aux idéaux, la 3D de notre quotidien aux ombres chinoises de notre imaginaire…

Se replonger dans les contes de Perrault peut-il captiver un public d’adultes ? Oui, car au-delà de l’apparence, il ne s’agit pas d’une simple représentation à destination d’un lectorat enfantin, mais d’un langage universel évoquant la complexité et la difficulté des rapports humains. Oui, dans la mesure où manquer le dernier spectacle de ce brillant artiste pluridisciplinaire (2) originaire de Nice, est tout simplement inconcevable, d’autant plus qu’il est accompagné d’acteurs, en outre chanteurs et musiciens, qui incarnent à la perfection leurs rôles scéniques : Jérémie Boumendil (percussions), Gwenn Masseglia (flûte) et Claudia Musso (flûte et orgue).  En assistant à cette interprétation du conte, les spectateurs en nombre ont pu s’immerger dans les plaisirs arc-en-ciel d’une philosophie éternelle.

Nathalie Audin

17 janvier 2024

A l’affiche jusqu’au 26 janvier 2023 à Anthéa.

Billeterie : https://anthea-antibes.notre-billetterie.fr/billets?spec=766

1) Comme, en outre, le Théâtre National de Nice et l’Opéra de Nice.

2) Comédien, chanteur, musicien, compositeur, interprète, metteur en scène

Texte, musique et mise en scène : Clément Althaus

Collaborateur artistique :  Adrian Althaus
Assistante mise en scène et chargée de production :  Vanessa Anheim Cristofari scénographie :  START 361°
Construction :  Gilles Février
Lumières :  Raphaël Maulny
Costumes :  START 361°
Production :  START 361°
Coproduction :  Anthéa, théâtre d’Antibes

DISTRIBUTION : 

Clément Althaus
Jérémie Boumendil
Gwenn Masseglia
Claudia Musso