Si tu aimes l’opérette, va à l’Odéon ! Ce théâtre à Marseille, est le seul, en France à proposer ce répertoire de manière permanente. Mais si tu vas à l’opérette, sache une chose : avant toi Maurice y vint ! Et Maurice Yvain composa des chefs d’œuvres des Années folles comme Là-haut, Ta bouche ou Pas sur la bouche mais aussi des musiques de films et surtout de chansons emblématiques telles que « Mon homme » portées au succès par Mistinguett et Barbra Streisand.
C’est aucun de ces titres qu’on a entendus à l’Odéon mais Chanson gitane – un joyau (devenu rare aujourd’hui) du répertoire créé en 1946 à la Gaîté Lyrique à Paris.
On a retrouvé avec bonheur, tout en haut de La Canebière, le public enthousiaste qui réserve à chaque final une ovation aux interprètes.
Il y avait vraiment de quoi s’enthousiasmer car Chanson gitane est semée d’airs gravés dans la mémoire collective comme « Jalousie ». (Rappelez vous vos soirées tango !)
L’histoire est celle de la gitane Mitidika, qui entend assurer pleinement sa liberté en faisant fi des conventions sociales. Ça ne vous rappelle pas Carmen ? La rose qui est remise par l’aristocrate Hubert à la sensuelle zingara pour sceller leur rencontre amoureuse n’est-elle pas la « fleur que tu m’avais jetée » de l’opéra de Bizet ? Là aussi, la situation se complique quand on n’est ni de la même race ni du même monde. Mais comme on se trouve dans une opérette, les choses se terminent bien, même si les amoureux doivent s’exiler sous d’autres cieux pour vivre leur amour loin des préjugés !
La distribution était de celles que ce théâtre propose depuis des décennies pour faire briller le lyrique léger !
On ne présente plus Laurence Janot qui s’illustre aussi bien à l’Opéra de Marseille qu’à l’Odéon. Sa beauté physique, son chant stylé et son art de la danse en font une Mitidika de rêve à la fois farouche, rebelle et extrêmement attachante.
A ses côtés , et dans le rôle d’Hubert, Jérémy Duffau excelle aussi bien comme comédien, que dans le chant, alternant des aigus puissants et de subtiles demi-teintes. Deux de ses airs ont enflammé le public : « Enchantement d’un beau soir d’été » et « L’amour qu’un jour tu m’as donné ».
Julie Morgane, qui dans 4 jours à Paris interprétait le rôle de la souillon Zénaïde, démontre qu’elle peut passer avec aisance d’un personnage à un autre. Ici, avec Zita, elle est une véritable jeune première, avec une voix de qualité.
Marc Barrard incarne avec puissance le rôle du « méchant » : celui du chef des gitans Zarifi exhalant un timbre ardent pour exprimer amour et jalousie. Eve Coquart en Duchesse de Berry s’avère aussi brillante de voix que d’allure.
Quant à Eloi Horry, il déploie toute sa fantaisie et son sens de la scène, acquis à travers le répertoire de comédie musicale, en un Jasmin particulièrement dynamique auquel l’amusante Jeannette de Flavie Maintier donne la réplique. Tout le reste de la distribution se situe à ce niveau.
Carole Clin propose une mise en scène enlevée, sans aucun temps mort tandis que Didier Benetti, habitué chaque année de Musiques en Fête au Théâtre Antique d’Orange, dirige avec rythme et finesse l’Orchestre et le chœur de l’Odéon de Marseille. N’oublions pas le ballet qui s’est produit pour partie dans des numéros acrobatiques fort applaudis.
Pour Hubert, c’était l’« Enchantement d’un beau soir d’été ». Et pour nous celui d’un bel après-midi de printemps !
André Peyrègne
27 Avril 2024
Direction musicale : Didier BENETTI
Mise en scène : Carole CLIN
Chorégraphie : Maud BOISSIÈRE
DISTRIBUTION
Comtesse des Gemmeries : Anny VOGEL
Mitidika : Laurence JANOT
Duchesse de Berry : Ève COQUART
Zita : Julie MORGANE
Jeannette : Flavie MAINTIER
Hubert des Gemmeries : Jérémy DUFFAU
Jasmin : Eloi HORRY
Zarifi : Marc BARRARD
Nicolas : Philippe BÉRANGER
Philippe : Jean-Luc ÉPITALON
Monsieur Loyal : Antoine BONELLI
Chœur Phocéen
Orchestre de l‘Odéon