Genèse et repères chronologiques
The Phantom of the Opera (Le Fantôme de l’Opéra) comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber 1, sur un livret du compositeur et de Richard Stilgoe et des lyrics de Charles Hart créé au Her Majesty’sTheatre 2 le 27 septembre 1986 (producteur Cameron Mackintosh3) s’inspire du roman Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux4. La trame se fonde sur le propos d’un fantôme menaçant de faire exploser la salle de spectacle, allusion à des incendies très fréquents – en raison de l’emploi des bougies et de l’inflammabilité des décors peints en toile – comme celui de 1862 où les vêtements d’une danseuse prirent feu. Elle mourut des suites de ses blessures tandis que, selon la légende, son fiancé aurait survécu, défiguré par les flammes.
The Phantom of the Opera considéré comme l’une des plus célèbres œuvres de Lloyd Webber, aux côtés de Jesus Christ Superstar, Evita, Cats et Sunset Boulevard peut revendiquer l’une des plus longues carrières d’une comédie musicale à la lutte avec Les Misérables adaptés du roman éponyme de Victor Hugo par Claude-Michel Schönberg (musique) et Alain Boublil ( livret, paroles de Jean-Marc Natel et Herbert Kretzmer) dont la version anglaise créée le 8 octobre 1985 au Barbican Théâtre à Londres5 qui connut aussi un succès retentissant. A la différence des Misérables qui a voyagé dans divers théâtres de la capitale britannique (Palace Theatre, Queen’s Theatre) Le Fantôme de l’Opéra n’a jamais quitté son port d’attache du Her Majesty’s Theatre. Des chanteurs comme Peter Karrie et Howard Mc Gillin ont interprété plus de 2500 fois le rôle-titre dont les airs ont été enregistrés aussi bien par des artistes de variétés que par des stars de l’opéra (Placido Domingo, José Carreras, Thomas Hampson…)
Les ingrédients d’une exceptionnelle réussite
Quels sont les ingrédients de cette extraordinaire réussite ? Tout d’abord le sujet lui-même tiré du roman fantastique de Gaston Leroux qui n’a jamais cessé de fasciner aussi bien le monde artistique que le public. Ensuite la musique d’Andrew Lloyd Webber remarquable mélodiste que le « génie »( osons ce mot pour le succès inouï de l’œuvre) a su conduire à amalgamer à sa manière les grandes phrases de l’opéra romantique, avec – comme l’écrit Louis Oster (dans son ouvrage Guide raisonné et déraisonnable de l’Opérette et de la Comédie musicale)- « une sorte de jazz grave qui connaîtrait Alban Berg », des séduisantes romances qui se retiennent aussitôt, la parodie d’opéras de Mozart, Rossini et Berlioz, la musique des années 80 avec la puissance d’une partition pour un grand film épique nimbé d’une couleur mystérieuse et envoutante. Autre raison de ce succès : un spectacle visuellement cinématographique . On a, en effet, rarement fait mieux en un quart de siècle en matière de scénographie que celle de Maria Björnson avec ses changements à vue d’une extraordinaire efficacité que l’on ne peut dissocier de la mise en scène « historique » d’Harold Prince.6
Du 25eanniversaire de l’œuvre à Londres à la suite du Fantôme de l’Opéra
Pour célébrer le 25e anniversaire de la comédie musicale, trois représentations spéciales furent organisées le1er octobre et 2 octobre 2011 et filmées au Royal Albert Hall (d’une capacité de 8000 spectateurs) dont la troisième projetée en direct dans les cinémas du monde entier ainsi qu’à la télévision. Un Dvd de cet événement édité avec Ramin Karimloo et Sierra Boggess dans les rôles respectifs du Fantôme et de Christine Daaé en gade la précieuse trace.
The Phantom of the Opera a donné lieu à une suite officielle, Love Never Dies7 (L’amour ne meurt jamais) composée également par Andrew Lloyd Webber sur un livret signé du compositeur ainsi que de Ben Elton et Frederick Forsyth et des lyrics de Glenn Slater (création à l’Adelphi Theatre de Londres en mars 2010 avec Ramin Karimloo et Sierra Boggess). L’œuvre s’inspire cette fois du roman The Phantom of Manhattan de Frederick Forsyth. La trame reprend les personnages principaux du Fantôme de l’Opéra mais se déroule à Coney Island.
Après 13.981 représentations en 35 ans, le Fantôme de l’Opéra, la plus ancienne comédie musicale du célèbre quartier des théâtres de New York, a quitté Broadway le 16 avril 2023, Mais l’œuvre demeure encore à ce jour à l’affiche du Her Majesty’s Theatre à Londres plus de 37 ans après sa création !….
Un rendez vous manqué avec la France
Ce musical de tous les records traduit en 17 langues différentes a, depuis sa création en 1986, parcouru quasiment le monde entier (Etats-Unis, Canada, Argentine, Australie, Afrique du Sud, Brésil, Argentine, Mexique Japon, Chine, Corée, Nouvelle Zélande etc.) réunissant près de 150 millions de spectateurs et couronné par plus de 70 récompenses majeures (dont sept Tonys et quatre Olivier Awards)
Il a été affiché dans la plupart des pays d’Europe à l’exception de …la France !
30 ans après la création de l’œuvre à Londres, courant 2016, le théâtre Mogador annonce enfin la première production française de l’œuvre de Lloyd Webber. Nicolas Engel (adaptateur de Grease, Chicago, Les Producteurs) écrit le livret français. Comme dans la version originale la mise en scène revient à Harold Prince, les chorégraphies à Gillian Lynne et les lumières à Andrew Bridge. Corinne Page crée plus de 230 costumes pour cette production inspirés de ceux de Maria Björnson. Le ténor Islandais Garðar Thór Cortes qui avait campé le personnage de Raoul dans des productions antérieures, va tenir le rôle-titre tandis que Sierra Boggess doit à nouveau à nouveau incarner Christine Daaé, comme en 2011 au Royal Albert Hall. Bastien Jacquemart, en Raoul, complète le trio amoureux.
Malheureusement le dimanche 25 septembre 2016, un incendie ravage le plancher du théâtre et une partie des décors. Après divers reports, le spectacle est finalement annulé fin décembre 2016. A ce jour aucune production de nature professionnelle du Fantôme de l’Opéra n’a vu le jour en France ! Incompréhensible carence !…
Fort heureusement, en cette fin d’année 2023, l’Opéra de Monte-Carlo a accueilli le chef-d’œuvre d’ Andrew Lloyd Webber . Vous pouvez lire, dans un article séparé, le compte rendu de l’une des représentations du spectacle que nous lui avons consacré.
Christian Jarniat
21 décembre 2023
1 Lequel, en sa qualité de compositeur célèbre, a été anobli par la Reine d’Angleterre avec le titre de Sir puis a accédé au titre rare de Baron.
2C’est d’ailleurs dans ce théâtre qu’eut lieu la première anglaise Faust de Gounod en 1863 et pour laquelle le compositeur avait écrit à cette occasion l’air de Valentin « Avant de quitter ces lieux ».Carmen y connut aussi sa première londonienne.
3Cameron Mackintosh a également produit – entre autres – Cats, Les Misérables, Miss Saïgon, Mary Poppins.
4Gaston Leroux (1868-1927) romancier français créateur du personnage de Rouletabille et auteur du Mystère de la chambre jaune et du Parfum de la dame en noir. Il avait fondé à Nice, une « école du roman policier » dénommée « Cinéromans » avec notamment René Navarre, l’interprète du Fantômas de Louis Feuillade et Arthur Bernède, l’auteur de Belphégor. Il est décédé à Nice et enterré au cimetière du Château. Sa tombe fait face à un mémorial en forme de pyramide en mémoire aux 200 victimes de l’incendie qui le 23 mars 1881 avait ravagé l’Opéra de Nice (alors dénommé « Théâtre Municipal ») pendant une représentation de Lucie de Lammermoor.
5 Il convient néanmoins de rappeler que la création française eut lieu le 17 septembre 1980 au Palais des Sports de Paris dans une mise en scène de Robert Hossein.
6Harold Prince est le metteur en scène des productions originales de Cabaret, Swenney Todd, A little night music, Evita, Candide, Follies
7Love Never Dies fait l’objet d’un DVD publié chez Universal