Et le ténor chanta : «Sie gebar ihren ersten Sohn » (« Elle mit au monde son premier fils »). C’est de la Vierge Marie qu’il s’agissait. Aussitôt, le chœur entonna des chants de louange, faisant vibrer la salle de l’opéra de Limoges. Au fur et à mesure que la musique s’avançait, on se serait cru dans une cathédrale. On imaginait des voûtes gothiques au dessus de nos têtes et des cierges et des vitraux autour de nous. Pouvoir magique de la musique ! Les fidèles – pardon, les auditeurs – étaient portés par les sortilèges d’un des chefs d’œuvre de la musique sacrée, l’ Oratorio de Noël de Bach.
L’œuvre évoque en six cantates la naissance de Jésus, la venue des bergers et des rois mages. Le ténor raconte les épisodes successifs de l’histoire, les autres solistes incarnant différents personnages : le soprano l’ange annonciateur de la naissance divine, l’alto la Vierge Marie, la basse le roi Hérode, redoutant la venue au monde de Jésus. On entendit quatre des six cantates. Pendant près de deux heures, les musiciens, solistes et choristes de la Chapelle Harmonique surent capter notre attention, susciter notre émotion. Qu’ils en soient félicités ! Leur jeune chef Valentin Tournet connaît son Bach sur le bout des doigts. Il a le sens des phrasés baroques, ajoute son enthousiasme à sa compétence. Il donna de la grâce à la berceuse de Marie et de l’éclat à la jubilation des choeurs. On admira le travail des musiciens sur instruments anciens, notamment les trompettes droites, particulièrement sollicitées pour claironner la joie de Noël. Les solistes étaient de premier ordre : le ténor Kieran Carrel, la basse Peter Harvey, le contre-ténor Gaël Lefèvre, recruté la veille en remplacement d’une alto défaillante, et, moins sollicitée que ses camarades, la soprano Gwendoline Blondeel.
Beau sujet de satisfaction, la salle était pleine. Preuve que l’Opéra de Limoges possède un beau public. Les actions inventives, pertinentes, innovantes de son directeur Alain Mercier pour amener à lui de nouveaux auditoires semblent porter leurs fruits. Il fait tout pour que les gens s’« approprient leur opéra », pour qu’ils s’impliquent dans des « opérations participatives ». Tout cela est encourageant.
Comme on chante dans l’Oratorio de Noël : « Jauchzet ! » , « Réjouissez vous » !
André PEYREGNE
23 décembre 2023