I solisti dell’Accademia Rossiniana « Alberto Zedda »
Extraits de La Cenerentola, L’Italiana in Algeri, Il barbiere di Siviglia
Programmé dans le cadre de la semaine italienne d’Avignon – Bella Italia 2023, le concert Rossini joué dans l’enceinte de l’Opéra Grand Avignon mettait en présence deux anciens élèves de l’Accademia Rossiniana « Alberto Zedda ». Cette structure, du nom du chef d’orchestre décédé en 2017, musicologue et spécialiste rossinien de sa génération, dépend du Rossini Opera Festival (ROF) de Pesaro. Dirigée aujourd’hui par Ernesto Palacio, ancien ténor, ancien agent de chanteurs (en particulier de Juan Diego Flórez depuis ses débuts) et actuel surintendant du ROF, cette académie a vu naître de jeunes artistes devenus en quelques années de grands noms du circuit lyrique, comme par exemples Olga Peretyatko, Marina Rebeka, Enea Scala, Davide Luciano ou Salome Jicia.
Parmi les deux chanteurs en présence ce soir, c’est la mezzo-soprano Marta Pluda qui a avancé le plus rapidement sa carrière, avec, pour ne citer que le ROF, des participations au Viaggio a Reims (2020), Elisabetta regina d’Inghilterra (2021) et Aureliano in Palmira l’été dernier pour le rôle de Publia. Le baryton Francesco Auriemma participait quant à lui à l’édition 2017 de l’Accademia, tenant le rôle de Don Alvaro dans le traditionnel Viaggio a Reims, joué chaque année par les élèves de l’Académie, comme un spectacle de fin de session. Le chanteur est également en carrière depuis, participant notamment au Festival Puccini de Torre del lago cet été. On note d’ailleurs qu’à cette édition 2017 de l’Accademia, le jeune Michele Spotti était à la direction musicale, avec notamment les ténors Alasdair Kent et Ruzil Gatin, noms dorénavant placés en haut des affiches de très grandes maisons.
Le concert du soir à Avignon est agréable et très grand public, en puisant dans les trois ouvrages les plus connus du répertoire buffo rossinien. Dès l’Ouverture de La Cenerentola, on entend un Orchestre national Avignon-Provence en bonne forme, en particulier les pupitres des bois qui font preuve d’abattage pour exécuter les difficiles et rapides traits de virtuosité écrits par le compositeur. La direction musicale de Beatrice Venezi nous enchante moins, en adoptant des tempi inhabituellement lents dans la première section, avant de reprendre davantage de nerf par la suite. Mais c’est surtout le dosage en décibels qui peut déranger, des percussions et cuivres qu’elle fait sonner très généreusement, voire trop en nous empêchant de goûter aux coups d’archet des violoncelles. La direction est tout de même de qualité, avec des musiciens appliqués… et quel splendide hautbois solo dans l’Ouverture de L’Italiana in Algeri, rejoint en virtuosité par les clarinette, flûte, basson dans celle du Barbiere di Siviglia plus tard, cette dernière étant la plus réussie par de bons choix, plus sobres, de tempi et de nuances.
Francesco Auriemma est le premier à entamer les débats vocaux, d’abord en Dandini (« Come un'ape ne 'giorni d'aprile ») qui fait entendre un joli grain de baryton, mais un peu limité dans les notes les plus graves et modeste en puissance, ayant tendance à se faire couvrir par l’orchestre. Sa voix correspond en revanche assez idéalement à Taddeo (« Ho un gran peso sulla testa ») où on le sent très à l’aise pour jouer ce rôle comique. Enfin son Figaro (« Largo al factotum ») est bien chanté mais le volume un peu limité, pendant que l’orchestre se lâche, ceci retirant un certain éclat attendu habituellement. Dommage, car la vis comica est là, tout comme la qualité du chant sillabato en fin d’air, pour un texte débité très distinctement.
La mezzo-soprano Marta Pluda dispose d’un instrument d’une puissance plus développée, le timbre possède du caractère avec un très léger, mais élégant, voile, sur la moitié grave du registre. Elle débute par le difficile rondo final de La Cenerentola (« Nacqui all'affanno … Non più mesta »), bien chanté mais aux aigus parfois légèrement tirés et à la virtuosité un peu trop appliquée pour aboutir à un véritable feu d’artifice vocal. Son Isabella de L’Italiana in Algeri, au cours de son grand air du second acte, est remarquable pendant son récitatif (« Amici, in ogni evento ») mais manque à nouveau d’un peu d’ampleur, d’autorité dans l’accent et de fluidité pour les vocalises lorsqu’elle conduit la partie « Pensa alla patria ». En Rosina enfin, le charme opère davantage lors de la cavatine « Una voce poco fa » qu’à la fin de l’air (« Ma se mi toccano dov'è il mio debole… ») qui exige une petite dose supplémentaire d’abattage et d’ampleur pour nous en mettre plein les oreilles.
Unique duo du programme, « Dunque io son…tu non m'inganni ? » met face-à-face l’astucieux Figaro et la piquante Rosina … qui sort avec malice de son corsage le biglietto qu’elle avait préparé précédemment. Le théâtre rossinien joue alors à plein et nos réserves émises précédemment peuvent alors tomber, le spectateur se concentrant à présent sur le comique de la situation. Dommage alors de ne pas avoir prévu plus de duos … il y en a pourtant quelques-uns entre mezzo et baryton chez Rossini ! En bis, l’Ouverture du Signor Bruschino ne met pas vraiment en vedette les deux Solisti dell’Accademia Rossiniana, la reprise du duo du Barbiere s’avérant ensuite un peu en deçà de la première interprétation du point de vue vocal.
Irma FOLETTI
19 octobre 2023
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Direction musicale : Beatrice Venezi
Mezzo-soprano : Marta Pluda
Baryton : Francesco Auriemma
Orchestre national Avignon-Provence
Gioachino Rossini :
La Cenerentola (extraits)
L’Italiana in Algeri (extraits)
Il Barbiere di Siviglia (extraits)
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