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​Nuit verdienne aux Chorégies d’Orange

​Nuit verdienne aux Chorégies d’Orange

samedi 24 juillet 2021
Roberto Alagna, Ludovic Tézier et Ildar Abdrazakov et le chef Konstantin Tchoudovski / Photos Ph. Gromelle

Ce devait être la « Nuit italienne » avec le chœur et l’orchestre de la Scala de Milan et au pupitre son directeur musical Riccardo Chailly. Les contraintes sanitaires liées à la pandémie auront eu raison de cette manifestation qui paraît être reportée en 2022.
C’est donc un tour de force auquel s’est livré Jean-Louis Grinda pour réunir trois des plus grandes stars internationales Roberto Alagna, Ludovic Tézier et Ildar Abdrazakov pour une « Nuit verdienne » avec le concours de l’Orchestre National de Lyon sous la direction de Konstantin Tchoudovski. C’est sans partition ni baguette que le chef moscovite – qui avait fait forte impression à l’Opéra de Monte-Carlo dans Boris Godounov – aborde avec autant d’élégance que d’énergie cette soirée consacrée au maître de Busseto avec l’incontournable ouverture de La Forza del destino. On est immédiatement subjugué par les qualités de la phalange lyonnaise aussi bien dans son ensemble (vivacité/rythme/sens du grandiose et mise en valeur des contrastes) que par la précision et la musicalité de ses instrumentistes. L’orchestre et son chef furent, à l’égal des chanteurs, les triomphateurs de la soirée. 

Tout au plus peut-on regretter l’absence d’un chœur pour célébrer le compositeur qui a écrit tant de pages célèbres dans son vaste répertoire d’opéras. Mais les circonstances de ce « concert de remplacement » sont évidemment une excuse largement valable. Pas de voix féminines non plus mais un trio de tessitures masculines du grave à l’aigu, (basse, baryton, ténor) permettant de balayer un spectre important d’airs, duos et trio.

Toutefois, devant un public que l’on peut considérer comme « populaire » – au meilleur sens du terme – le choix du programme de ce concert suscite réflexion (au demeurant il est symptomatique que les acclamations les plus denses soient allées aux trois bis de la fin de ce concert : « La Quête », extrait de la comédie musicalE l’Homme de La ManchaOtchi tchornye (Les yeux noirs), romance traditionnelle russo-tzigane et Funiculì Funiculà chanson napolitaine  pour laquelle Aleksandra Kurzak est venue en bord de plateau donner la réplique à son célèbre époux-ténor, avant que celui-ci ne fasse monter sur scène la toute jeune Malèna fille du couple… évidemment sous les applaudissements nourris du public. 

Pour revenir sur le propos relatif au choix des airs, on peut s’interroger sur la longue scène entre Philippe II et Rodrigue, moment d’épanchement intime entre le souverain et son confident qui se conçoit parfaitement dans le contexte d’une version théâtrale et intégrale dE Don Carlo(s) à condition d’en comprendre toutes les paroles mais qui est, sans aucun doute, plus problématique isolé dans un concert et dans un tel vaste lieu. Pourquoi, en revanche, avoir ignoré la mort de Posa sans doute l’un des moments  parmi les plus célèbres de l’Opéra ? De surcroît, pourquoi avoir préféré la traduction italienne au lieu de la version originale en français, observation étant faite que les extraits de Don Carlo rassemblaient précisément deux interprètes de cette nationalité : Roberto Alagna et Ludovic Tézier et sachant qu’en outre Ildar Abdrazakov a incarné, dans la langue française, Philippe II à l’Opéra de Paris.
Autre curiosité du concert, le duo Attila-Ezio « Tardo per gli anni, e tremulo » où le baryton Ezio vient donner la réplique à la basse qui incarne Attila alors même qu’en la circonstance Roberto Alagna – qui devrait être par nature Foresto (ténor) – s’investit curieusement dans un rôle de baryton ?

D’un double point de vue vocal et interprétatif les trois chanteurs ont été au niveau de ce que l’on attend d’eux. Le légato de Ludovic Tézier et son chant dépouillé de tout histrionisme fait merveille (« Cortigiani, vil razza damnata » de Rigoletto ) tout comme l’engagement mêlant subtilité et puissance d’Ildar Abdrazakov (« Ella giammai m’amo » de Don Carlo)   
On saluera la performance de Roberto Alagna qui après 32 ans d’une impressionnante carrière internationale parvient encore à passer des Verdi de jeunesse à des emplois plus dramatiques grâce à l’appui d’un bagage technique éprouvé et surtout à une diction et une articulation exemplaires aussi bien dans la langue italienne que dans la langue française dans laquelle il a, quelques jours auparavant, donné une démonstration éloquente dans Samson et Dalila (voir notre article dans la rubrique « Opéra »)

Christian Jarniat
24 juillet 2021

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