Juliette Armanet entre sur le plateau toute de noir vêtue. Dieu sait si les spectateurs l’attendaient avec impatience depuis ce mardi 22 mars où elle n’avait pu assurer le spectacle parce qu’elle était souffrante !… Mais son public lui est fidèle. Dans la grande salle Jacques Audiberti le concert se joue à guichets fermés. En courant vers l’avant scène elle lance trois roses blanches au public. Juste retour des choses : un mois plus tôt, presque jour pour jour, dans cette même salle c’était Gérard Depardieu qui, au final, les avait reçues, de quelques unes de ses fans. Point commun entre les deux artistes : Barbara, un long compagnonnage dans un spectacle-culte pour lui, les premiers succès-émois de sa carrière pour elle : le 19 juin 2017 sur France Inter, en direct Juliette Armanet (accompagnée au clavier par Agnès Imbaut) chante « L’Aigle noir » (remarquable et émouvante prestation d’une musicalité accomplie) dans le prolongement de l’album Elles & Barbara (chez Universal Music). A écouter encore, pour s’en convaincre, son « Vienne » de la « longue dame brune » le soir du 18 juin 2019 à la Maison de la Poésie à Paris.
« De toutes les incarnations de la «relève» de la chanson française, c’est probablement l’une des plus douées » (selon Le Figaro). « Cette fille cachée de Sanson et Berger autant qu’’héritière de Souchon et Sheller » – comme par ailleurs la qualifie avec une indéniable pertinence Paris-Match – révèle une auteure-compositrice de talent doublée d’une interprète aussi frémissante que sensible avec, entre autres exemples, ses « Moulins de mon cœur » lors de l’ouverture du Festival de Cannes le 8 mai 2018 en hommage à Michel Legrand. Un moment de grâce…
Son spectacle repose pour partie sur quelques chansons de son premier album Petite amie enregistré en 2017 (disque de platine couronné Victoire de la Musique et Révélation musicale de l’année) avec des titres comme : « L’Amour en solitaire » ou « L’Indien » mais évidemment, et de surcroît, sur son deuxième opus Brûler le feu (novembre 2021) avec des chansons comme « Vertigo » (« T’es comme une extase/Un vertigo qui m’écrase/Je tourne comme un passant dans ta ville /Je tombe comme un pleur sur ton cil »), « Je ne pense qu’à ça » ou encore « Imaginer l’amour » où le ton mélancolique de la confidence et l’élégance de la langue poétique s’accordent de la complicité du piano de concert en subtile alchimie avec la voix. Et ce sans se départir parfois de touches d’humour bienvenues inhérentes à sa chaleureuse personnalité. Et puis il y a ce blues comme « L’épine », à la mélodie aussi entêtante que bien structurée, ou encore : « Qu’importe » séduisant mixte entre rétro et rythmiques en quelque sorte prélude à la conversion de Juliette Armanet a vouloir « brûler le feu » comme une reine du pop rock entraînant toute une salle en délire à danser autour de son idole en tenue lamée scintillante façon boule de boite de nuit à facettes avec « Le Dernier jour du disco ». Elle veut, comme elle l’a déclaré être cette « bête de scène » qui, énergique, va à la rencontre et au contact de son public dans la salle. Pas une posture, mais dans l’empathie un besoin de communion. Elle ose la danse, l’énergie, la sueur, l’extrême…Elle déclenche un fumigène : le plateau s’embrase instantanément en une succession d’épaisses volutes rouges. Exorcisme d’amour-passion et de rupture ? Mais rien de crépusculaire. « Je voulais que le feu soit créateur, pas destructeur dit Juliette Armanet et faire en sorte que les choses qui nous brûlent deviennent nos forces ». Flamboyant autant que jouissif…Et en bis « Jai le rouge aux joues/Mon amour comme seul bijou/ Moi j’aime croire/ Que la couleur du cœur est seule à savoir » Nostalgie quand tu nous tiens…
Nicole Jankovic
23 juin 2022
