Une nouvelle traduction de Michel Vinaver nous est proposée cette saison mettant en lumière une des œuvres maîtresses de Tourgueniev Un mois à la campagne. Des mots simples d’une charmante musicalité sont le fruit de ce beau texte véritablement moderne par sa forme.
L’héroïne de la pièce Natalia Petrovna -ici interprétée par Clémence Boué – offre un rôle en or à une actrice de théâtre.
D’illustres comédiennes l’ont précédée dont Delphine Seyrig et Isabelle Huppert et plus récemment Valeria Bruni-Tedeschi ou encore Anouk Grinberg en 2018.
L’intrigue peut se résumer ainsi : une aristocrate oisive tombe amoureuse du séduisant précepteur Alexeï, chargé de l’éducation de son fils.
L’étudiant tiraillé entre la passion subite de cette femme frustrée et celle de Véra, jeune pupille adoptée par Natalia, va connaitre bien des tourments et des incertitudes, impuissant et désarmé face à ces deux assauts passionnels.
Aucun des protagonistes n’était préparé à ces débordements émotionnels qui les submergent tel un tsunami !
Cet étranger fera voler en éclats l’ordre si bien établi d’une société sclérosée par les convenances et par l’ennui d’un morne quotidien truffé d’habitudes et de prévisibles moments.
La mise en scène de Clément Hervieu-Léger ne recherche pas la sophistication ; la scénographie propose des éléments de décors simples qui laissent au spectateur amplement le loisir d’apprécier le subtil jeu des acteurs dans leur ronde tourmentée. Tout à la fois drame et comédie (l’auteur appréciait le théâtre italien), cette pièce d’une fluidité stupéfiante et audacieuse coule sans laisser de répits ; pas de découpages en scènes distinctes mais un rythme très cinématographique, modernité d’un auteur pourtant antérieur à Tchekhov. Ce même Tchekhov sera d’ailleurs influencé dans son œuvre théâtrale par Tourgueniev (au même titre qu’Ibsen ou Gogol) avec cependant moins de légèreté.
Le trait commun restera dans leur âme slave une grande mélancolie mêlée cependant d’une vitalité incroyable.
Un plateau homogène d’où émerge un jeune comédien prometteur -Louis Berthélémy- nous fait voyager dans l’univers des non-dits et des sentiments enfouis.
Voilà toute la subtilité du théâtre Russe que nous aimons tant.
Philippe Pocidalo
11 janvier 2022
A Paris jusqu’au 4 février
https://www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/un-mois-a-la-campagne.htm
Un mois à la campagne
Texte Ivan Tourgueniev
Traduction Michel Vinaver
Mise en scène Clément Hervieu-Léger
Avec Louis Berthélémy, Clémence Boué, Jean-Noël Brouté, Stéphane Facco, Isabelle Gardien, Juliette Léger, Guillaume Ravoire, Mireille Roussel, Daniel San Pedro, et en alternance, Lucas Ponton et Martin Verhoeven
Scénographie Aurélie Maestre
Costumes Caroline de Vivaise
Lumière Alban Sauvé
Création sonore Jean-Luc Ristord
Assistanat à la mise en scène Aurélien Hamard-Padis
Régie générale Philippe Zielinski
