L’Opéra de Toulon avait en janvier 2018 mis à l’affiche la création française d’une œuvre de Léonard Bernstein Wonderful Town. Il a opportunément proposé en ce mois de mars, la reprise de cet ouvrage suscitant à nouveau l’engouement d’un public nombreux. Il est vrai que Toulon est devenu, en un peu plus qu’une décennie, avec la création en France d’œuvres telles que Street Scene de Kurt Weill (2010) et Folies de Stephen Sondheim (2013) – pour ne citer que ces deux titres – une référence incontournable en matière de « musical » pouvant dignement rivaliser avec les fastueuses productions du Châtelet de l’ère Choplin.
Wonderful Town créé le 25 février 1953 au Winter Garden Théâtre de New York(1) narre les mésaventures de Ruth et Eileen Sherwood arrivant de leur Ohio natal pour conquérir amour et argent à New-York. Mais elles vont aller de désillusions en désillusions car elles éprouvent autant de difficultés à trouver un logement que de pouvoir s’accomplir sur le plan professionnel. Néanmoins, Eileen se fait draguer par nombre d’hommes qui s’intéressent beaucoup plus à ses charmes qu’à ses talents de danseuse tandis que Ruth désespère à dénicher la place dont elle rêvait dans le monde de l’édition. Après diverses péripéties, les deux sœurs trouveront l’accomplissement de leur destinée à Greenwich Village où Eileen va finir par être engagée comme danseuse tandis que Ruth pourra filer le parfait amour dans les bras de l’éditeur Robert Baker.
Lorsque l’on assiste à Wonderful Town, on ne peut s’empêcher de penser que quatre ans plus tard (1957) dans le même théâtre était créé le plus grand succès de tous les temps de la comédie musicale à savoir West Side Story. En effet l’ambiance des deux « musicals » comporte de nombreuses similitudes, bien que Wonderful Town ne se départisse jamais de sa nature de comédie alors que West Side Story demeure un drame (inspiré de la tragédiE Roméo et Juliette de Shakespeare) même si quelques scènes d’humour y sont inscrites dans le processus du mélange des genres, cher au dramaturge anglais. Mais ce qui est significatif dans ces deux œuvres – et qui avait déjà été évoquée dix ans auparavant avec On the Town (créée en 1944 à l’Adelphi Théâtre) – c’est incontestablement la passion que Léonard Bernstein éprouvait pour New-York « Une ville qui ne dort jamais mais aussi une cité de l’éternel recommencement. New-York bouge, se détruit, se reconstruit, s’adapte, se renouvelle dans la spirale où le mot « fin » n’existe jamais », ainsi s’exprime Olivier Bénézech dans une note d’intention élaborée lors de la création de l’œuvre à l’Opéra de Toulon, fort justement rappelée dans le programme de salle pour cette reprise. On se délecte de sa brillante mise en scène avec la suggestive scénographie de Luc Londiveau, les costumes colorés de Frédéric Olivier, les lumières de Marc-Antoine Vellutini. Et bien sur quelles chorégraphies électrisantes sous l’impulsion d’un maître en la matière, Johan Nus ! On vibre sur la musique trépidante des rythmes de l’époque (swing, conga, rock’n roll) et le cœur chavire avec les mélodies dans la veine de celles de Richard Rodgers comme « It’s Love »
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Les deux interprètes féminines grandes spécialistes internationales de la comédie musicale sont idéales dans leurs rôles respectifs. Jasmine Roy campe une Ruth exubérante au cœur tendre et Kelly Mathieson (interprète remarquée de Christine dans le mythique Fantôme de l’Opéra à Londres et récente Nellie de South Pacific à l’Opéra de Toulon) se glisse avec aisance dans le rôle d’une nymphomane extravertie. Maxime de Toledo campe un fringant Robert Baker tandis que tout le reste de l’impeccable distribution, rompue à la comédie musicale, est à louanger.
Le maître d’œuvre Larry Blank, illustre chef de Broadway, galvanise l’orchestre de l’Opéra de Toulon dont il convient de souligner la qualité et la parfaite adéquation avec ce répertoire.
Une soirée de pur bonheur !
Serge Manguette
24 mars 2023
(1) sur un livret de Joseph Fields et Jérôme Chodorov, avec des paroles de Betty Comden et Adolph Green tiré de la piècE My Sister Eileen également écrite par les deux librettistes.
DISTRIBUTION :
Direction musicale • Larry Blank
Mise en scène • Olivier Bénézech
Chorégraphie • Johan Nus
Scénographie • Luc Londiveau
Costumes • Frédéric Olivier
Conception vidéo • Gilles Papain
Lumières • Marc-Antoine Vellutini
Ruth Sherwood • Jasmine Roy
Eileen Sherwood • Kelly Mathieson
Helen • Dalia Constantin
Violet • Sabrina Giordano
Mrs Wade • Ariane Pirie
Robert Baker • Maxime de Toledo
Wreck • Thomas Boutilier
Lonigan • Franck Lopez
Appopolous • Joe Shovelton
Speedy Valenti • Scott Emerson
Frank Lippencott • Sinan Bertrand
Chick Clark • Max Carpentier
Orchestre et Choeur de l’Opéra de Toulon