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Evita au Théâtre Regio de Turin

Evita au Théâtre Regio de Turin

dimanche 6 mai 2018
Jeremy Secomb et Madalena Alberto – Photo Pamela Raith Photography

Décidément, cette année les grandes maisons d’Opéras d’Italie ont mis à l’honneur la comédie musicale. C’est ainsi que le Théâtre Carlo Felice de Gênes a ouvert sa saison lyrique avec « West Side Story » de Leonard Bernstein, ce qui constitue en soi un événement dans l’histoire du théâtre lyrique italien. Quelques mois plus tard il a été suivi par le Théâtre San Carlo de Naples qui a offert à son public huit représentations de « My Fair Lady » de Frederick Loewe. Quant au Théâtre Regio de Turin, c’est au mois de mai qu’il a affiché la célèbre comédie musicale « Evita » d’Andrew Lloyd Webber, également pour huit représentations. Il s’agissait là encore d’un événement puisque, pour la première fois, l’œuvre avait été réorchestrée par le compositeur lui-même, ainsi que par David Cullen, pour un grand orchestre symphonique dans le cadre d’une tournée mondiale. Il est évident, ne serait-ce que pour cette raison, que le déplacement à l’Opéra de Turin s’imposait. Lorsqu’on a l’occasion d’écouter cette œuvre dans d’autres théâtres, l’orchestre est relativement réduit et les synthétiseurs viennent remplacer un certain nombre d’instruments, aussi bien pour la partie cordes que pour l’harmonie, voire pour les percussions. Quelle que soit la perfection des avancées technologiques en la matière, rien ne remplacera jamais ni la chaleur, ni le timbre, ni la couleur, ni la qualité de véritables instruments et, de ce fait, « Evita » a été pour nous une véritable « redécouverte », même si nous l’avions vue dans de très bonnes conditions au Festival de Baden en août 2012.

Avec environ 80 musiciens de la célèbre phalange que constitue l’orchestre du théâtre Regio, la partition sonne comme celle d’un opéra et l’on ne peut s’empêcher de penser, lors du prologue où se déroulent les obsèques d’Eva Perón, au « Salve Regina » des « Dialogues des Carmélites » de Poulenc et à l’introduction d’un grand air lyrique avec harpe, cors et trombones lorsqu’il s’agit du célèbre tube « Don’t cry for me Argentina », magnifié par un riche tapis orchestral. De surcroît, tous les nombreux pupitres de percussions, comme congas ou tam-tams, sans compter les bandonéons, enrichissent le côté typique des musiques latines, comme par exemple le tango dans l’auberge au premier acte. Ceci est rehaussé par la qualité du son, parfaitement réglé dans ce type de spectacle à l’américaine archi-professionnel et qui consiste à ce que précisément la technique soit portée à un tel niveau qu’on oublie qu’elle existe, les voix semblant, comme dans un opéra, n’être point « microtisées ».

A l’aspect musical s’ajoute également une superbe scénographie (décors et costumes de Matthew Wright et lumières de Tim Oliver) ainsi qu’une mise en scène de Bob Tomson et Bill Kenwright sans cesse en mouvement. En effet, l’on passe par exemple en un tour de main de l’impressionnante cathédrale à l’auberge et de l’auberge au palais. La machine est parfaitement huilée.

La distribution est absolument fantastique avec de grands spécialistes du rôle, en particulier Madalena Alberto dans le rôle d’Eva qui parvient à traduire, de manière fascinante, l’évolution du personnage depuis la jeune fille brune serveuse dans une auberge jusqu’à la femme blonde et altière qui devient la première dame d’Argentine dont le peuple a fait une véritable sainte. On remarquera aussi ses exceptionnels dons d’actrice et toutes les facettes qu’elle traduit parfaitement de ce personnage qui, certes, s’impose par sa force, mais aussi par ses faiblesses, jusqu’à sa mort à seulement une trentaine d’années. A noter que Lloyd Webber reprend les mêmes procédés que Puccini par le biais des « réminiscences ». Mimi dans « La Bohème » rend son dernier souffle sur la musique du duo d’amour du premier acte, tandis qu’Evita expire sur les accents de son air principal. Il y a bien sûr le personnage de Perón interprété avec autant de maîtrise que de sobriété par Jeremy Secomb et aussi le Che, omniprésent en tant que narrateur de l’action, ici confié à Gian Marco Schiaretti qui brille tout particulièrement dans cette production par son abattage, son charisme et la qualité de sa voix. On ne peut davantage oublier l’interprète de Magaldi, ce chanteur de tango grâce auquel Eva va gravir toutes les marches de la gloire et qui est fort bien incarné par Oscar Balmaseda. Les danseurs nous offrent aussi une prestation de très haut niveau dans la chorégraphie signée Bill Deamer.

L’orchestre est admirablement dirigé par David Steadman et on notera l’intervention des nombreux enfants composant le Chœur des voix blanches du Théâtre Regio ainsi que du Conservatoire Giuseppe Verdi.

L’argument
Le 26 juillet 1952 le deuil s’abat sur l’Argentine. A 33 ans seulement Eva Perón est morte. 18 ans auparavant, âgée de 15 ans, elle vit dans une petite ville de province et est amoureuse d’Augustin Magaldi, un chanteur de tango qui, après beaucoup de réticence, finit par accepter de l’amener avec lui à Buenos Aires. Au fil de ses nombreuses liaisons, Eva réussit à s’affirmer jusqu’à sa rencontre avec le colonel Perón, un officier de l’armée plein d’ambition qui va s’emparer du pouvoir politique. A la suite d’un concert de bienfaisance Perón et Eva se rencontrent et tombent amoureux. C’est Eva qui va l’aider dans sa conquête du pouvoir. D’abord promu général, Perón finit par remporter les élections présidentielles. Le peuple, dans l’espoir d’un avenir meilleur, fait d’Eva une sorte de sainte. Celle-ci décide de miser sur son image pour gagner le peuple argentin au péronisme. Elle prépare un voyage en Europe pour répandre l’image d’une Argentine proche du peuple, même si ses détracteurs l’accusent d’instrumentaliser les foules. Eva ne pourra plus néanmoins rester en scène encore longtemps car la maladie est en train de l’emporter vers la mort. Cependant, même dans ces conditions, elle entend concourir à la vice-présidence. Elle finit par y renoncer et adresse un dernier discours au peuple.

Christian Jarniat
6 mai 2018

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