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La Route fleurie, Mérignac (Le Pin Galant)

La Route fleurie, Mérignac (Le Pin Galant)

dimanche 9 mars 2025

©TLA

Quand il fait représenter La Route fleurie en 1952 Francis Lopez (1916-1995) est en pleine possession de ses moyens. Il a déjà, depuis 1945, offert au public un panel de son savoir-faire dans une certaine diversité de spectacles qu’il déploiera jusque dans les années 1980 (la fin de la carrière passant pour moins reluisante). C’est d’abord La Belle de Cadix l’opérette fondatrice et emblématique avec la percée fracassante de Luis Mariano dans le monde de l’opérette. Andalousie (1947) composée pour la Gaîté Lyrique représente l’opérette musicale. Pour Bobino, avec Quatre jours à Paris 1948), Francis Lopez agence un format d’ouvrage plus réduit, mais pas moins réussi. Le Châtelet et ses fastes ne sont pas loin. Il y produit Pour Don Carlos (1950) et surtout Le Chanteur de Mexico (1951) qui posent les bases de la nouvelle opérette à grand spectacle à la française et qui fait du compositeur le créateur d’une nouvelle forme vite identifiée au genre nouveau à la mode de l’après-guerre. N’oublions pas qu’en 1952 le film Violettes impériales dont la musique est de Lopez, contrairement à celle de l’opérette jouée à Mogador sous le même titre, bat tous les records de recettes.

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La Route fleurie, Mérignac (Le Pin Galant)

La Route fleurie est créée au théâtre de l’ABC le 19 décembre 1952 (après une sorte de preview aux Célestins de Lyon). Le théâtre, qui fermera se portes en 1964, compte tout de même 1200 places. L’aventure démarre pour quatre saisons. Georges Guétary (qui a triomphé aux États Unis avec le film Un Américain à Paris au côté de Gene Kelly), est distribué dans le premier rôle masculin et insuffle l’idée des effets qu’on peut tirer d’un « couple » formé par un chanteur de charme et un comique. Il sera le premier et pour le second il propose Bourvil dont la carrière en 1952 marque le pas. La distribution féminine n’est pas moins séduisante avec le recrutement d’une jeune fantaisiste belge, Annie Cordy, et une vedette qui sera plus éphémère dans le métier, Claude Arvelle.

La première qualité de La Route fleurie c’est son livret signé Raymond Vincy (1914-1918) qui restera jusqu’en 1967 pour Lopez le meilleur collaborateur avec qui il puisse obtenir des succès.

Jean-Pierre, un compositeur, et Raphaël, un peintre et poète, partagent avec Lorette une vie insouciante. Cette dernière n’a pas en Raphaël un amoureux entreprenant, tandis que Jean-Pierre éprouve un coup de foudre pour Mimi que le producteur Bonnardel a demandé en mariage. Un voyage sur la Côte d’Azur n’arrange rien. La villa dont dispose Jean- Pierre a été louée deux fois, d’abord par Jean-Pierre lui-même à Rita Florida, la maîtresse de Bonnardel, et par le majordome à Poupoutzoff, un professeur loufoque. Bouderies et réconciliations s’ensuivent jusqu’à ce que le producteur voit dans les imbroglios de la vie le sujet d’une opérette dont Jean-Pierre a composé la partition.

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©TLA

Sur fond de rencontres intempestives et de malentendus téléphonés les auteurs tirent les ficelles d’une efficace pièce de boulevard non sans activer quelques topoï. Le départ pour la Côte d’Azur, rêve de l’époque, à partir de la non moins pittoresque place du Tertre à Montmartre et l’appartement loué deux fois sont un matériel dramaturgique qui réussit à tout coup. Les deux couples restent bien sur leur ligne sentimentale avec la petite crise finale sous la forme d’un sexisme à l’envers qui sera vite surmontée. La remontée du temps est une idée plus originale. Ce qu’on vient de vivre est comme mis en abyme pour devenir le sujet d’une opérette qui donne un rôle à chacun et permet de filer vers un dénouement heureux. Cette construction plutôt savante fondée sur le jeu de la prolepse et de l’analepse ne manque pas d’intérêt.

La partition se calque sur l’intrigue. Les chansons aux couleurs de ce qui se joue dans les cœurs deviendront très populaires, mais le concertant est moins développé que, pour garder la référence au même format, dans Quatre jours à Paris.

La mise en scène

Christian Blain signe une jolie mise en scène à la fois respectueuse de l’opérette faisant revivre les années 1950 et permettant au public d’aujourd’hui de croire à l’histoire. Le climat contrasté des deux actes est bien souligné, la légèreté, la bluette du I, avant que le vaudeville échevelé déroule ses péripéties loufoques à l’acte II.

L’acte I évoque un Paris de carte postale, mais que quelques touches réalistes, l’atmosphère aussi, inscrivent dans la crédibilité et dans une poésie qui n’est pas uniquement de pacotille. Le rythme de la seconde partie n’en ménage pas moins à son tour les moments romantiques centrés sur les airs de Jean-Pierre et de Mimi, et les scènes de pure théâtralité, extravagantes comme il se doit, avec les arrivées intempestives et déjantées du professeur Poupoutzoff et de Rita Florida. L’équilibre est bien maintenu, même si le duo bouffe de Lorette et de Raphaël, « Da ga da Tsoin Tsoin », certes attendu et bien joué, pourrait trouver à être plus contraint, afin de ne pas casser la dynamique et la fluidité de l’acte. Quoi qu’il en soit la scénographie ramenée à trois décors, le rythme du spectacle, l’entourage du ballet qui double les quatre rôles principaux, le style revendiqué des humoristes du stand up donnent un coup de jeune à une opérette intelligemment revisitée.

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©TLA

La distribution

Le cast réuni est celui qui pouvait le mieux défendre la proposition pertinente du metteur en scène.
Marine André, dont la carrière est ouverte sur les genres les plus divers et la comédie musicale, interprète le rôle de Mimi avec un jeu moderne et une musicalité bien timbrée qui donne à ses airs, «Subitiste », « Les grands magasins » ou « Je l’aime et puis c’est tout », un relief et une couleur adaptés à chacun.
Le rôle de Lorette semble écrit pour Julie Morgane qui joint une « vis comica » impayable à des moments de légèreté et d’allégresse qui constituent idéalement l’emploi de la fantaisiste romantique. La voix est bien projetée et la diction ne laisse aucun mot sans impact.

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©TLA


C’est une nouvelle venue à TLA, la mezzo franco-italienne Béatrice Nani, qui dans Rita Florida brûle les planches ; son air « La belle de l’Ohio » est chanté avec une voix lyrique facile et modulée.

Grégory Benchenafi enchaîne les tubes avec une voix chaude, souple, percutante quand il faut ; son art scénique et vocal est au service d’un personnage enfiévré et désinvolte ; c’est lui qui chante éloquemment le tube de « La route fleurie », plusieurs ariettes, « la vie de bohème » en duo, mais aussi avec sentiment « Marie ».

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Les airs de Bourvil reviennent à Vincent Alary. « Les haricots », « Madagascar » ou « Pas d’chance » trouvent en Vincent Alary un chanteur lyrique au timbre clair et articulé, mais aussi soucieux du texte et des intonations que l’était le créateur, mais dans un style plus entraînant ; le comédien fait exister le rôle avec l’énergie et le sens de la scène voulus.
Tous les autres rôles sont parfaitement interprétés dans un esprit de troupe visible : Grégory Juppin efficace en un Poupoutzoff déchaîné, Jean-Michel Balester en Bonnardel producteur typique, mais assez soft, et Claude Deschamps en Gustave contourné faussement impassible.

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©TLA

La chorégraphie d’Estelle Danvers est un plus évident apporté à l’agrément du spectacle d’autant qu’elle s’appuie sur quatre excellents danseurs très concernés qui chantent avec le chœur que dirige par Annabelle Rougemont.
La direction de Frank Magne est à l’écoute du plateau. Le chef cerne avec bonheur l’esprit de la chanson des années 1950 comme l’entrain de la comédie musicale à la française.

La production a été longuement applaudie par un public venu nombreux.

Didier Roumilhac
9 mars 2025

Direction musicale : Frank Magne
Mise en scène : Christian Blain
Cheffe des chœurs : Annabelle Rougemont
Chorégraphie : Estelle Danvers-Vinciguerra
Costumes et décors : TLA Productions

Distribution :

Mimi : Marine André
Lorette : Julie Morgane
Rita Florida : Béatrice Nani
Jean-Pierre : Grégory Benchenafi
Raphaël : Vincent Alary
Gustave : Claude Deschamps
Bonnardel : Jean-Michel Balester
Poupoutzoff : Grégory Juppin
Mr Paul : Jean-Pierre Duclos

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