Cet opéra créé en 1771 au château de Fontainebleau se définit plus exactement comme une comédie-ballet, représentée devant la cour, et dédicacée à la Comtesse du Barry ; l’ouvrage connut immédiatement un immense succès à Paris (justement à l’Opéra-Comique), puis dans l’Europe entière. Absent de nos scènes depuis de nombreuses années (on note cependant une production de l’Opéra Royal de Liège datant de 2004 signée Bernard Pisani), il est heureusement ressuscité aujourd’hui par Louis Langrée dans une mise en scène du facétieux Michel Fau.
La mode au milieu du dix huitième siècle était à l’orientalisme ; le parfum des mille et une nuits flottait dans l’air et faisait rêver.
L’histoire de La Belle et le bête tenait à cœur Marie-Antoinette ; Marmontel adapta pour Grétry (compositeur fétiche de la reine) ce conte qui devint l’opéra que l’on redécouvre aujourd’hui. Du grand spectacle prisé par la cour, tous les moyens techniques de l’époque furent utilisés pour un éblouissement total : métamorphoses, déclenchement de tempêtes, apparition de créatures monstrueuses, décors avec changements à vue…
L’intrigue est simple : un brave marchand Perse égaré trouve refuge avec son serviteur et ses trois filles dans un étrange château dont le seigneur des lieux n’est autre qu’une bête repoussante. Ce dernier a fait l’objet d’un sort dont il pourra être délivré grâce à…
Vous connaissez certainement la suite, tout se terminera bien comme dans tout bon conte de fées qui se respecte.
Nous avons passé une agréable soirée grâce à un plateau musical de qualité qui réunissait des habitués de la salle Favart : citons tout d’abord Marc Mauillon (Sander), baryton au timbre velouté reconnaissable entre mille, applaudi cette saison dans La Petite boutique des horreurs qui ne cesse de nous étonner par ses choix artistiques variés et souvent inattendus.
Philippe Talbot, ténor, bête affublée d’un costume assez proche de Alien semble assez effrayant dans ce rôle bien éloigné du sémillant Piquillo de La Périchole découvert ici même en 2022. Sahy Ratia, ténor également, nous avait entre autres enchantés dans le rôle-titre de Robert le cochon, déjà espiègle à souhaits !
Michel Fau (Ciboulette, Le Postillon de Lonjumeau) incarne une fée qui descend des cintres et sautille avec deux danseurs acrobatiques, sa cocasserie nous amuse toujours autant spectacles après spectacles. Sa mise en scène est sage, mais l’univers du conte de fées est bel et bien restitué ; les somptueux costumes d’Hubert Barrère (ainsi que ses décors) réalisés avec l’aide de Citronelle Dufay contribuent à activer le phénomène. La jeune et jolie Julie Roset nous charme par sa grâce et son talent de soprano (découverte dans Titon et l’Aurore en 2021). Bien secondée par ses deux sœurs (Margot Genet et Séraphine Cotrez), nous la retrouverons dans les bras d’Azor retrouvant enfin figure humaine.
Nous saluons les jolies lumières de Joël Fabing et bien évidemment la subtile direction musicale de Louis Langrée (et de l’orchestre Les Ambassadeurs – La Grande Écurie) sans qui ce rendez-vous avec la cour n’aurait sans doute pas été aussi plaisant.
La musique de Grétry peut certes sembler un peu monotone et datée, mais il ne faut pas bouder notre plaisir devant une si jolie production.
Philippe Pocidalo
https://www.opera-comique.com/fr/spectacles/zemire-et-azor