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Weihnachtsoratorium [ORATORIO de Noël] BWV 248 de Johann Sebastian BACH Auditorium MAurice Ravel ORCHESTRE NATIONAL DE LYON

Weihnachtsoratorium [ORATORIO de Noël] BWV 248 de Johann Sebastian BACH Auditorium MAurice Ravel ORCHESTRE NATIONAL DE LYON

samedi 17 décembre 2022
© Auditorium-Orchestre National de Lyon 

Après une trop longue absence, l’Oratorio de Noël de Bach effectue un retour remarqué dans la programmation de l’Orchestre National de Lyon. Sur le plan purement formel, difficile d’éviter un questionnement hélas fréquent. Encore de nos jours, rares sont les exécutions intégrales en une seule soirée. On peut le déplorer, d’autant plus que l’argumentation écrite dans la brochure du programme général « Trop long pour tenir en un seul concert » ne tient pas si l’on prend soin de rappeler ceci : la Passion selon Saint Matthieu, bien plus consistante (3 heures, en durée moyenne d’exécution), a été jouée céans en avril 2019 sans motiver la moindre interrogation de cet ordre ! Certes constitué de six cantates (étalées dans le temps liturgique, lors de leurs créations), l’Oratorio de Noël – surtout depuis les visions “baroqueuses” – ne dure néanmoins que 2H30’ en moyenne. Or, la présente interprétation, une fois les deux soirées additionnées, atteint 2H26’, soit un minutage voisin de la plupart des gravures complètes publiées depuis les années 1980. Gageons que la vraie raison de cette subdivision relève plus d’un problème prosaïque de services d’orchestre, voire du désir – fort louable, au demeurant – de faire participer le plus grand nombre à cette belle aventure (fait révélateur : la majorité des pupitres affichent des visages différents d’un soir à l’autre).

Rinaldo Alessandrini opte pour une vision aérée mais sans jamais manquer de poids
Cette question de forme étant réglée (sans quoi un critique ne serait plus digne de sa fonction), passons au fond : la qualité de la prestation.
Après un changement de chef, voilà que les virus qui circulent n’épargnent pas la distribution. À un jour du concert, les solistes prévus pour les parties d’alto et de basse (Luciana Mancini et Matthew Brooke) déclarent forfait. Avec sa notable promptitude réactive, l’équipe artistique parvient à trouver deux insignes chanteurs disponibles, sauvant le public de l’annulation.
Succédant à Bernard Labadie initialement prévu, Rinaldo Alessandrini dirige, depuis le clavecin, l’O.N.L dans un effectif dégraissé : les cordes jouent “historiquement informé” avec une réelle faculté d’adaptation dans les coups d’archet et l’on note des choix judicieux, tels que les timbales baroques avec baguettes bois. Remarquable dans les indications d’attaques – les pages en fugato ! – le chef italien opte pour une vision prodigue en tendresse, aérée mais non dénuée de poids, nerveuse sans excès ni rudesse, souple, alerte, svelte et juvénile. Les cordes ne recherchent pas le beau son onctueux à tout prix, les bois se montrent tour à tour acidulés ou d’une rondeur fruitée, les cuivres incisifs et assurés. Parmi les interventions solistes, mentionnons deux moments de grâce absolue : Emmanuelle Réville d’une délicatesse ciselée à la flûte dans l’aria « Frohe Hirten » [Cantate 2] ; Giovanni Radivo et Jacques-Yves Rousseau, violons anthologiques dans « Ich will nur dir zu Ehren » [Cantate 4].
Dans un premier temps, le chœur (constitué de 21 chanteurs, effectif plutôt philologique) laisse à désirer, avec quelques flottements et décalages qui ne pardonnent pas, surtout dans le glorieux « Jauchzet, frolocket » initial. Ce nonobstant, ce manque de précision liminaire allié à un déficit de ferveur – défauts inhabituels dans les prestations du Chœur Spirito – s’estompe progressivement. À compter de la 3ème cantate, tout rentre dans l’ordre et ils rayonnent de façon croissante, devenant rien moins que superbes le second soir, tout particulièrement dans les pages relevant du choral, restituant alors toute les qualités d’un travail préparatoire portant le label d’excellence caractéristique de Nicole Corti.

Splendide travail d’équipe où un cheminement vers la lumière prend corps
Compte-tenu du difficile contexte, les prestations des voix solistes méritent respect et considération. Ainsi, l’on apprécie à sa juste valeur la lumineuse présence de la très stylée Lydia Teuscher dans la partie de soprano, dont l’exquise spontanéité autant que la fraicheur font rapidement oublier une légère induration du registre aigu lors de la première soirée.
En dépit d’un volume restreint, le ténor Andrew Staples offre une efficiente projection (renseignements pris, cela passe plutôt bien aux 1er et 2d balcons). Sa vive intelligence du texte fait alterner émotion et bonhomie. Outre son sens des nuances, l’on relève sa saillante ductilité alliée à une gestion parfaite de la respiration, le hissant au sommet du podium pour la restitution des vocalises. Édition critique Bärenreiter en mains, nous en attestons. Assurant aussi, selon un usage désormais courant, la partie de l’Évangéliste, il suscite l’admiration tant il s’implique impeccablement dans chaque mesure de ce rôle ô combien ardu.
Très malvenu serait le fait de reprocher au contre-ténor Maarten Engeltjes, arrivé au pied-levé dans l’après-midi, d’être perceptiblement crispé le 16 ; son « Bereite dich, Zion » traduisant fatalement plus d’application que d’implication. Musicien scrupuleux, d’un total professionnalisme, il révèle bientôt une appréciable sensibilité dans sa perception des mots, ce dont témoigne un « Schlafe, mein liebster » attendrissant, tandis que, la décontraction venant, sa prestation atteint un modèle d’équilibre le 17. En outre, il vocalise fort bien, assume joliment les trilles, tout en faisant preuve d’une acuité étonnante question prosodie, variant en outre à foison les couleurs et inflexions dans les Da capo. Pour ce probe technicien, disciple raffiné d’Andreas Scholl, reste à acquérir un surcroît de puissance afin de pouvoir affronter plus aisément des salles de grand gabarit, telles que la présente.
En revanche, le manque de largeur ne constitue certainement pas une caractéristique chez le second soliste venu au secours de cette production. La basse Andreas Wolf exhibe une folle aisance, additionnée à une prodigieuse carrure vocale, remplissant tout l’espace sonore avec une déroutante facilité. Le contrôle reste néanmoins exemplaire, la tessiture de sa redoutable partie s’avère entièrement dominée avec aplomb. La fermeté d’accents comme l’articulation laissent pantois de bout en bout. Et quel souffle ! En perfectionnant un tantinet la netteté dans les sections vocalisées (sans compter qu’il restitue infiniment mieux les appogiatures que les trilles), il pourrait bien devenir un basso cantante coloratura belcantiste de haut niveau. Pour l’heure, l’on rêve d’entendre cet expressif artiste (tous les sentiments se lisent sur son visage) dans les nombreux rôles en clefs de fa de la trilogie opératique Mozart / Da Ponte !
À noter que, dans un geste profondément sympathique, chaque soliste se joint aux pupitres de chœur de sa tessiture pour les Bis.

Parvenu au terme de cet édifiant parcours, les menues faiblesses ou réserves se trouvent balayées par un chaleureux climat instauré, traduisant opportunément combien les enjeux de l’œuvre sont atteints. Dans ce splendide travail d’équipe, régal pour le cœur et l’esprit, une sensation d’optimiste cheminement vers la lumière prend corps, bienvenue en ces temps inquiétants que nous endurons. L’auditoire ne s’y trompe pas, réservant une intense ovation à l’ensemble des valeureux protagonistes de cette franche autant qu’émouvante réussite.

Patrick FAVRE-TISSOT-BONVOISIN
17 et 18 décembre 2022

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