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Voyage au cœur du répertoire romantique : Philippe Herreweghe dirige Beethoven et Cherubini à la Philharmonie de Paris

Voyage au cœur du répertoire romantique : Philippe Herreweghe dirige Beethoven et Cherubini à la Philharmonie de Paris

lundi 1 décembre 2025

©Irma Foletti

C’est un grand fondateur qui se produit ce soir avec « ses » forces vocales et musicales. Le chef gantois Philippe Herreweghe fondait en effet dès 1970 le Collegium Vocale Gent, et collaborait d’ailleurs avec Nikolaus Harnoncourt et Gustav Leonhardt à la redécouverte et la réinterprétation du répertoire ancien, l’intégrale des cantates de Bach en tête. Puis il créait en 1991 l’Orchestre des Champs-Élysées, formation jouant sur copies d’instruments d’époque, d’abord plusieurs années en résidence au Théâtre des Champs-Élysées, avant d’être aujourd’hui associé au TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers et en résidence en Nouvelle-Aquitaine.

La Troisième Symphonie de Beethoven est au programme de la première partie, pour un jeu qui paraît idéal dans l’interprétation de cet Orchestre des Champs-Élysées. Nos anciennes habitudes – ainsi que nos oreilles ! – ont sans conteste évolué ces dernières années, à l’écoute des nombreuses formations historiquement informées jouant sur instruments d’époque. Beethoven y perd certainement en puissance et en métal, mais il y gagne en rondeur de son, en naturel et généralement en équilibre entre pupitres. Dans l’acoustique extrêmement précise de la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, l’auditeur peut ainsi apprécier chaque détail des instrumentistes, en particulier les pupitres de bois lorsqu’il jouent seuls ou dans un volume restreint émis par leurs collègues. Dès que le tapis de cordes, très beau au demeurant, s’épaissit quelque peu, les bois ont en effet tendance à s’effacer significativement en puissance. Le deuxième mouvement en Marcia funebre est en particulier superbement rendu, les quatre contrebasses installant une sinistre ambiance, puis les bois, très sûrs et expressifs, développant leurs parties. Le passage intermédiaire, en départs en canon des cordes et cuivres qui montent en crescendo, présente par ailleurs une belle allure majestueuse.

Le chef marque bien les contrastes de nuances, entre d’ineffables moments de presque silence et certains tutti qui donnent davantage d’ampleur. L’exécution est très appliquée et réussie, ne seraient-ce deux ou trois notes au cor naturel dans le premier mouvement, instrument qu’on sait particulièrement difficile à jouer et qui a tendance à se rebeller quant à la juste intonation. Les trois cors font en revanche un sans-faute dans le troisième mouvement, instruments très exposés dans leurs appels successifs et courts dialogues avec l’orchestre.

Place au chant après l’entracte avec le Requiem de Cherubini, œuvre écrite en 1816 pour commémorer l’exécution de Louis XVI et qui fut interprétée aux funérailles de Beethoven, en rapport donc direct avec la symphonie précédente. Une atmosphère recueillie, voire religieuse, s’installe dès les sombres premières mesures aux bassons et violoncelles, avant une plus large gamme d’affects par la suite. Le Dies irae, et son coup de gong initial, s’avère ainsi la véritable séquence tempétueuse, aux mesures du chœur presque hachées, tandis que les percussions et cuivres donnent à plein. Sans aller jusqu’à la version verdienne, Philippe Herreweghe met en place une certaine théâtralité, le Salva me qui suit semblant par exemple comme une petite oasis de sérénité après l’ouragan.

Avec huit chanteurs par pupitre, le Collegium Vocale Gent est en nombre suffisant pour assurer un son collectif homogène et être par ailleurs au rendez-vous des passages de grande ampleur. Individuellement, c’est le pupitre des sopranos que l’on préfère, plus séducteur à notre oreille que celui des altos, tandis que les ténors sonnent parfois comme des hautes-contre en voix mixte dans le registre le plus aigu, en allégeant élégamment. Mis à part un bref mais assez évident flottement sur deux attaques avant le Lacrimosa, la coordination rythmique de l’ensemble est assurée, les deux formations, vocale et orchestrale, nous donnant l’impression d’être très habituées à se produire ensemble.

Irma FOLETTI
1er décembre 2025

Direction musicale : Philippe Herreweghe
Orchestre des Champs-Élysées
Collegium Vocale Gent

Ludwig van Beethoven : Symphonie no 3 « Eroica »
Luigi Cherubini : Requiem en ut mineur

Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

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